LE LONG PROCESSUS DU SYSTÈME ÉLECTORAL SÉNÉGALAIS
Le Sénégal est connu pour sa tradition démocratique, mais il a fallu plusieurs réformes de ses textes juridiques pour améliorer son système électoral. Même si on vote dans le pays depuis 1848, le premier Code électoral a été élaboré en 1976

Le Sénégal est connu pour sa tradition démocratique, mais il a fallu plusieurs réformes de ses textes juridiques pour améliorer son système électoral. Même si on vote dans le pays depuis 1848, le premier Code électoral a été élaboré en 1976, puis un autre en 1982. Toutefois, d’après les experts électoraux Ousmane Badiane et Ndiaga Sylla, c’est le Code consensuel de 1992 qui a jeté les bases de la démocratie sénégalaise. Ce dernier texte a permis d’avoir plusieurs acquis ayant mené à la première alternance politique du pays en 2000. Il a été modifié plusieurs fois par la suite, avec le cycle des audits du fichier électoral qui ont rythmé la vie politique du pays depuis 2000.
Le projet de loi numéro 18/2021 portant Code électoral a été adopté le 12 juillet dernier par l’Assemblée nationale en procédure d’urgence lors de la première session extraordinaire de l’année. Cela, suite aux recommandations faites par la Commission politique du Dialogue national et après l’audit du fichier et l’évaluation du processus électoral. Un coup d’œil dans le rétroviseur permet d’apprécier le long processus qui a permis de consolider le système électoral sénégalais, du premier Code de 1976 à celui de 2021. C’est à partir de 1976 qu’on a eu le premier Code électoral au Sénégal, mais c’est celui consensuel de 1992 qui jeté les bases d’un système électoral de qualité au Sénégal, estime Ousmane Badiane, plénipotentiaire de la coalition Benno Bokk Yaakaar et spécialiste des questions électorales. Ce dernier a suivi les différents processus depuis 1978. Le responsable de la Ligue démocratique recommande de prendre comme référence le début des années 1970, car avant 1992, il y a eu deux Codes électoraux : celui de 1976 et celui de 1982. Du temps du président Léopold Sédar Senghor, avec le régime du parti unique, on ne pouvait pas parler d’élections démocratiques même si on vote au Sénégal depuis 1848, poursuit M. Badiane. Selon lui, le parti au pouvoir gagnait avec des scores proches de 100 %. À cette époque, il n’y avait pas d’identification des électeurs, la carte nationale d’identité n’était pas obligatoire pour voter (on votait avec une cinquantaine de pièces dont les carnets d’artisan, les livrets, les permis de conduire, etc.), il n’y avait pas d’isoloir et l’opposition n’était pas représentée dans les bureaux de vote ou dans les Commissions de recensement, se souvient-il.
Après les évènements de mai 1968 et les fortes contestations du mouvement syndical et des partis clandestins, le Président Senghor était obligé d’aller vers l’ouverture en reconnaissant, dans un premier temps, trois courants politiques (multipartisme encadré). Il s’agit du courant socialiste (parti de Senghor), libéral (Abdoulaye Wade) et un courant communiste incarné par Majmouth Diop. Plus tard, renseigne le chargé des élections de la Ld, il y a eu un quatrième courant conservateur avec Doudou Guèye.
Ainsi, le législateur avait besoin d’un cadre pour encadrer la compétition électorale ; ce qui a conduit à l’élaboration du premier Code électoral de 1976. Ce code a régi les élections présidentielle et législatives de 1978. Lors de ces législatives, pour la première fois, un parti de l’opposition, en l’occurrence le Pds de Me Abdoulaye Wade, arrive à l’Assemblée nationale avec 11 députés, une prouesse à l’époque, selon M. Badiane.
1982, le premier Code électoral sous Diouf
À l’arrivée du président Abdou Diouf, en 1981, un nouveau Code électoral a été élaboré en 1982. Ce Code était dans le sillage de celui de 1976, sans beaucoup d’acquis. Avec ces Codes, il y a eu souvent des contestations violentes des élections dont le point culminant a été les émeutes sanglantes de 1988. À partir de cette date, un déclic s’est opéré pour mettre fin aux élections « non démocratiques » (combats du Pds à l’époque). « Pour des élections démocratiques, il fallait un nouveau Code électoral qui n’était ni celui de 1976 ni celui de 1982. En 1992, on a mis en place une Commission cellulaire pour conduire les concertations de manière démocratique et le choix a été porté sur le juge Kéba Mbaye », rappelle Ousmane Badiane.