LE SENEGAL SUR DES CHARBONS ARDENTS
Avec la programmation, ce mardi 16 mai 2023, devant la chambre criminelle du tribunal de grande instance hors classe de Dakar du procès opposant Adji Rabi Sarr à Ousmane Sonko, le Sénégal amorce un tournant décisif de son histoire politique

Avec la programmation, ce mardi 16 mai 2023, devant la chambre criminelle du tribunal de grande instance hors classe de Dakar du procès opposant la sulfureuse masseuse Adji Rabi Sarr au président du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef-Les Patriotes) et non moins chef de file de l’opposition, Ousmane Sonko, le Sénégal amorce un tournant décisif de son histoire politique, mettant en balance sa paix sociale et l’avenir précaire de sa démocratie. Retranché depuis presque une semaine dans la capitale du Sud, Ziguinchor, dont il est le premier magistrat, Ousmane Sonko s’est bunkerisé dans son domicile sis au quartier Nema sous haute protection de jeunes partisans venus se constituer en boucliers ;
Des sachets de peinture contre des grenades lacrymogènes
Dès les premières heures de la matinée d’hier, les principales voies menant vers le domicile du leader de Pastef ont été barricadées par des jeunes venus de divers horizons au chevet de leur leader avec des branches d’arbres, des pneus brûlés et des pierres, bloquant la circulation à plusieurs niveaux. Une situation qui a naturellement conduit à l’intervention des forces de sécurité pour rétablir l’ordre, ce qui a occasionné de chaudes échauffourées entre les deux camps. Aux tirs de grenades lacrymogènes lancés par les policiers et les gendarmes pour les disperser, les jeunes manifestants ont riposté avec des jets de pierres, de cocktail Molotov et...de sachets contenant de la peinture à huile. Des sachets qui visaient principalement les parebrise des véhicules des forces de sécurité pour brouiller la vue des conducteurs . Une pratique conseillée par des “liveurs” originaires de la région sur les réseaux sociaux et sans doute rompus aux techniques de guérilla. Dans des posts, des “conseillers de la terreur” jubilaient sur les réseaux sociaux en se réjouissant du “succès” de leurs recommandations.
Le ministre de l’Intérieur annonce...
1 mort côté policier
Plusieurs blessés ont été enregistrés dans les deux camps au cours des affrontements d’hier. Du côté des manifestants, une trentaine de blessés dont des femmes ont été constatés alors que du côté des forces de défense et de sécurité, deux morts étaient annoncés avant que le ministre de l’Intérieur ne sorte un communiqué pour déplorer...un mort en la personne de l’agent de police Hassime Diédhiou. Un mort survenu des suites d’un tragique accident causé par un char du Groupement Mobile d’Intervention (GMI).
“Monsieur Hassime Diedhiou était un agent de police dévoué et courageux, qui a servi avec honneur et dignité. Son décès, dans l’exercice de ses fonctions, est une perte immense pour sa famille, ses collègues et l’ensemble des forces de défense et de sécurité (FDS)», a tenu à témoigner Antoine Felix Diome dans son communiqué en mémoire du disparu.
“En cette douloureuse circonstance, le Ministre de l’Intérieur exprime, au nom de Monsieur le président de la République, Son Excellence Macky Sall, ses sincères condoléances à la famille du défunt et à l’ensemble des fonctionnaires de Police du Sénégal”, a encore ajouté le premier flic du pays qui a tenu à souligner le courage et le dévouement des FDS, qui risquent leur vie au quotidien pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Il a aussi loué leur engagement et leur professionnalisme exemplaires qui appellent notre reconnaissance et tout notre soutien.
Ralliement des leaders de YAW à Ziguinchor
Alors que Ousmane Sonko n’a plus donné signe de vie depuis son message délivré aux membres du F24 le 12 mai 2023 par le biais du responsable de son pôle de communication, El Malick Ndiaye, des leaders de la grande coalition de Yewwi Askan Wi ont commencé à rallier la ville de Ziguinchor pour lui témoigner de leur soutien à la veille de son procès contre Adji Sarr. Malick Gackou, le patron du Grand parti, Aïda Mbodji, présidente de l’Alliance Nationale pour la Démocratie/Saxal Sénégal, Cheikh Tidiane Dièye de la Plateforme Avenir “Senegaal bi ñu bëgg”, Déthié Fall du Parti républicain pour le progrès (PRP) sont déjà sur place. De même que l’ancienne contemptrice de Ousmane Sonko dans le cadre de cette affaire, l’ex-Première ministre, Aminata Touré Mimi, aujourd’hui dans les rangs de l’opposition. “En arrivant, nous avons trouvé deux femmes grièvement blessées avec les jambes ensanglantées, pendantes. C’est dire que la situation est tendue. Nous lançons un appel au président Sall, nous lui disons que la responsabilité de la paix dans ce pays est entre ses mains. L’origine de toute cette tension c’est sa volonté d’avoir un troisième mandat qui n’est pas acceptable. Ce n’est ni moral, parce qu’il a dit partout que c’est son dernier mandat, ni légal selon les dispositions de la loi. Il est impossible de dialoguer sous les grenades. Le président doit déclarer sans délai qu’il ne fera pas de troisième mandat. Ce que j’ai vu à Ziguinchor risque de s’étendre sur l’ensemble du pays”, a alerté l’ancienne tête de liste de la coalition Benno Bokk Yakaar aux dernières élections législatives.
Dakar, Pikine, Mbour et Kaolack dans la rue
Les manifestations pour s’ériger en bouclier de Ousmane Sonko et dissuader les autorités à poursuivre ce “projet funeste” consistant à écarter leur mentor de la course à la présidentielle de 2024 comme ce fut le cas pour Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall en 2029, ont fait tache d’huile et ont été notées à Dakar où le magasin Auchan de Castors ainsi que les stations Total de la même zone ont été vandalisés. Itou pour l’agence de la Senelec. A Pikine, le magasin Auchan a subi le même sort alors que des confrontations avec les forces de défense et de sécurité étaient signalées aux Hlm, à Yarakh, Yeumbeul, Thiaroye, Keur Massar où le dépôt de bus DDD a été incendié, aux Parcelles Assainies et à Rufisque. A Mbour, dans la capitale de la Petite côte, des pneus ont été brûlés à hauteur du croisement Malicounda, rendant la circulation quasiment impossible. A Kaolack dansle bassin arachidier et dansla ville tricentenaire de Saint-Louis des jeunes sont également entrés dans la «guérilla” urbaine. Audience de tous les dangers Jusque tard dans la nuit, des affrontements entre manifestants et forces de défense et de sécurité faisaient encore rage dans certaines localités. Reste maintenant à savoir si le patron de Pastef, en mode désobéissance civique depuis quelque temps, sera présent à l’audience de ce matin. Selon ses avocats, qui ont tenu un point de presse à Paris, leur client n’a pas reçu de convocation. Pour le coordinateur de son pool d’avocats, Me Clédor Ciré Ly, «tout est artifice pour un jugement par contumace. Nous avons vu les violences sur les populations autour de sa maison à Ziguinchor, ce qui conforte l’absence de sécurité».
Du côté de la mouvance présidentielle, on rétorque qu’à force de jouer au chat et à la souris, Ousmane Sonko, qui cherche vaille que vaille à éviter une confrontation humiliante en public avec Adji Sarr, a réussi à se déjouer des huissiers qui devaient lui remettre la convocation comme il l’avait fait au début de la procédure dans l’affaire en diffamation l’opposant à Mame Mbaye Niang.
Cependant, selon certains juristes, la justice qui aurait usé de toutes les procédures prévues par le code de procédure pénale dans pareille situation dispose de moyens contraignants pour faire comparaître le maire de Ziguinchor ou de le juger par contumace.
Autant le dire ici et maintenant, le Sénégal est assis sur des charbons ardents dans l’attente de ce procès de tous les dangers. Dans une plateforme de journalistes, un confrère, dépité par la situation précaire qui prévaut dans le pays, s’est même fendu d’une boutade révélatrice de son désarroi : “Sou ma nékoone deum, Macky Sall, Ousmane Sonko ak Moustapha Diakhaté laay ndjeukeu lékk ndakh Sénégalais yi doundou diaam”.