LE SOCIOLOGUE ABDOU KHADRE SANOKHO ANALYSE L’INACTION DU MINISTRE DE LA JEUNESSE
Drames de l’émigration irrégulière, le sociologue Abdou Khadre Sanokho dénonce la posture du ministre de la Jeunesse et exprime la nécessité d’une action urgente

L’émigration irrégulière est devenue un défi majeur pour le Sénégal. Aujourd’hui de nombreux jeunes risquent leur vie pour atteindre des pays européens dans l’espoir d’un avenir meilleur. Les périls des traversées en mer sont bien connus. N’empêche, cela n’arrête pas le flux de départs désespérés. Cette semaine a été marquée par un énième drame causé par l’émigration clandestine avec 18 victimes repêchées au large de Ouakam. Un drame qui intervient à la suite de beaucoup d’autres et qui a mis tout le pays sous le choc. Face à cette tragédie, le sociologue Abdou Khadre Sanokho dénonce la posture du ministre de la Jeunesse et exprime la nécessité d’une action urgente.
Le sociologue Abdou Khadre Sanokho s’est exprimé par rapport au silence du ministre de la Jeunesse face aux drames de l’émigration clandestine qui se multiplient et plongent notre pays dans un deuil permanent. Selon le sociologue, le ministre Pape Malick Ndour aurait dû réagir rapidement face à ce drame aussitôt après le président de la République. Ceci, en montrant son attachement à la jeunesse et en compatissant avec elle. Notre interlocuteur critique la posture institutionnelle de nos gouvernants et suggère qu’ils devraient parfois agir en technocrates plutôt qu’en politiciens car certaines situations nécessitent des approches différentes de ce qui se fait actuellement.
Abdou Khadre Sanokho rappelle qu’à l’instar de ce qui se faisait sous le magistère du président Abdoulaye Wade, le ministère de la Jeunesse est confié aujourd’hui à un jeune. À son avis, il est essentiel de remettre en question cette approche et de procéder à une rupture profonde en ce qui concerne le management de ce secteur. Il ne suffit pas seulement d’être jeune, estime-t-il, mais il est primordial d’être un jeune capable de s’attaquer de front à cette problématique avec une vision claire et une réflexion approfondie. «Nous avons besoin de personnes réfléchies, profondes et véritablement porteuses d’idées novatrices. D’individus réactifs et dotés d’un leadership fort, capables de proposer des solutions révolutionnaires pour ce domaine. Malheureusement, les précédents ministres tels qu’Aliou Sow, Keïta, et Modou Diagne Fada n’ont pas été à la hauteur. Néné Fatoumata Tall et Goorgui Ndong ont également été décevants dans ce ministère. Nous espérions que l’actuel ministre de la Jeunesse, nommé dans un gouvernement dit de combat, apporterait un changement significatif. Cependant, il s’est davantage concentré sur les aspects politiques de sa mission que sur les enjeux institutionnels liés à cette problématique de la jeunesse », regrette le sociologue.
M. Sanokho soulève également des préoccupations concernant la politisation du ministère de la Jeunesse depuis le magistère du président Abdoulaye Wade jusqu’à aujourd’hui. Il estime qu’il n’y a pas eu de vision globale de politique de jeunesse, malgré divers programmes de financement tels que l’Anpej, le Fnpj, la Der etc. qui n’ont pas résolu les problèmes.
Toutes choses qui font dire au sociologue qu’il est impératif de segmenter les politiques de jeunesse afin de prendre en compte les spécificités des jeunes ruraux, de ceux formés et diplômés, des jeunes urbains ainsi que ceux impliqués dans l’éducation alternative. Il déplore le fait que les gouvernants n’aient pas recours aux chercheurs de ce domaine en tant que conseillers et consultants, alors qu’ils pourraient apporter une expertise précieuse sur le terrain.
Selon M. Sanokho, le rôle d’un bon ministre de la Jeunesse consiste à être sur le terrain, à écouter les jeunes, à mettre en place des politiques pour redonner confiance à cette couche de la population et à la guider dans son développement. Il encourage également à retirer certaines responsabilités aux politiciens au profit de jeunes compétents pour résoudre les problèmes psychosociaux liés à la crise de la jeunesse
Le fait que seuls les politiciens semblent être portés au sommet inquiète notre interlocuteur. Surtout que cela se fait au détriment d’experts expérimentés et compétents qui pourraient beaucoup apporter au secteur. M. Sanokho appelle les gouvernants à être plus ouverts aux laboratoires et universités pour trouver des solutions efficaces aux problèmes du pays.
Abdou Khadre Sanokho plaide enfin pour une approche pragmatique et visionnaire de la politique de jeunesse au Sénégal. Selon lui, il est essentiel de se défaire des postures politiques pour répondre efficacement aux problématiques sociales et économiques auxquelles les jeunes font face. Le pays ne doit pas sous-estimer le potentiel de ses chercheurs et experts en la matière, qui pourraient apporter un éclairage nouveau pour façonner un avenir meilleur pour la jeunesse sénégalaise, soutient en conclusion le sociologue Abdou Khadre Sanokho.