GUINÉE, LES PUTSCHISTES PROMETTENT UN GOUVERNEMENT D’UNION NATIONALE
Le rendez-vous crucial du lendemain du coup d’Etat en Guinée aura permis aux nouveaux maîtres de Conakry de dévoiler un peu plus leurs intentions

Pas encore de gouvernement en Guinée et aucune date n’est pour le moment pour cette nouvelle équipe qui se voudra d’ouverture pour gérer la transition. Au lendemain du coup de force qui a renversé le président guinéen Alpha Condé, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya a reçu hier, lundi matin 6 septembre, tous les membres de l'ancien gouvernement et les responsables des institutions. Il a ensuite, dans un discours, promis la mise en place d'un «gouvernement d'union nationale» et assuré qu'il n'y aurait pas de «chasse aux sorcières». Aussi ces anciens dignitaires du régime de Condé ont-ils été interdits de sortie du territoire nationale dont les frontières ont été partiellement rouvertes et la garde présidentielle invitée à se rendre.
Le rendez-vous crucial du lendemain du coup d’Etat en Guinée aura permis aux nouveaux maîtres de Conakry de dévoiler un peu plus leurs intentions. Selon Rfi.fr, les ministres sortants et les responsables régionaux étaient convoqués hier, lundi 6 septembre 2021, par les putschistes au Palais du peuple pour une réunion dont «tout refus de se présenter sera[it] considéré comme une rébellion», avaientils prévenu. La réunion a été retransmise à l'extérieur du Palais du peuple par des haut-parleurs. À son arrivée, le chef des putschistes, le colonel Mamady Doumbouya a été acclamé. La cérémonie a commencé par une minute de silence à la mémoire des victimes du régime d’Alpha Condé.
LA CONTINUITE DES SERVICES ASSUREE PAR LES SECRETAIRES GENERAUX DES MINISTERES, JUSQU'A LA FORMATION D’UN GOUVERNEMENT
Les plus hauts dignitaires du régime d'Alpha Condé ont répondu présents à la convocation. Le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, le ministre de la Défense Mohamed Diané, le ministre de la Sécurité, le porte-parole du gouvernement, le président de l'Assemblée nationale Amadou Damaro Camara et celui de la Cour constitutionnelle étaient présents. Plusieurs autres ministres ont également participé à cette réunion comme le président de la Haute autorité de la communication Boubacar Yassine Diallo ou encore le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Pour les putschistes du Comité national pour le rassemblement et du développement (CNRD), la présence des plus hautes autorités civiles de la capitale guinéenne signe la prise en compte du coup de force de dimanche et leur adhésion. Ils s'assurent ainsi de l'allégeance de ces figures politiques guinéennes.
Après avoir reçu les hommes forts de l'ancien gouvernement, le lieutenant-colonel Doumbouya a tenu un discours dans lequel il a promis la mise en place d'un «gouvernement d'union nationale». «Les secrétaires généraux des ministères assureront la continuité des services jusqu'à la mise en place du prochain gouvernement», a-t-il précisé. En attendant, les documents de voyage et véhicules de fonction doivent être remis aux autorités. Côté économie, le chef des putschistes a annoncé une concertation «pour écrire les grandes lignes de la transition» et a également demandé aux compagnies minières de poursuivre leurs activités. «À cet effet, les frontières maritimes restent ouvertes pour les activités d’exportation des produits miniers. Le comité assure les partenaires qu’il respectera toutes ses obligations et rappelle son engagement à favoriser les investissements étrangers dans le pays», a-t-il déclaré.
REOUVERTURE PARTIELLE DES FRONTIERES
De son côté, l'opposition à Alpha Condé, en particulier le collectif de la société civile FNDC, attend la libération d'une petite dizaine de ses représentants. Elle avait appelé la population de Conakry à manifester, hier lundi, en soutien «à nos héros injustement détenus à la maison centrale» et qui seront libérés, sans grand succès. Une information non confirmée par le CNRD. Dans un message lu, hier lundi, par le porte-parole de l'Armée à la télévision nationale, les putschistes annoncent que les frontières terrestres et aériennes ont été rouvertes, pour les échanges commerciaux et humanitaires. Les putschistes avaient décrété, la veille dimanche, la fermeture des frontières mais aussi l'instauration d'un couvre-feu dans tout le pays «jusqu'à nouvel ordre». En même temps ils lancent un appel aux éléments de la garde présidentielle à se rendre.
PROMESSE D’UNE «PERIODE DE TRANSITION» ET DE RENDRE «LA POLITIQUE AU PEUPLE»
Toutefois, France24.fr constate aussi, la capitale guinéenne Conakry, habituellement bouillonnante, s'est réveillée au ralenti lundi matin. Les militaires ont dressé, à l'entrée du centre-ville, des barrages contrôlés par des soldats des Forces spéciales assistés de quelques hommes du Bataillon autonome des troupes aéroportées. Des soldats armés et encagoulés interdisaient d'approcher le palais présidentiel. Nombre de magasins sont restés fermés et le marché central de Madina était étonnamment inactif. Le calme était entrecoupé par les applaudissements des quelques résidents sortis dans la rue au passage de véhicules militaires circulant à toute allure. Les militaires affirment vouloir rendre «la politique au peuple». Ils ont proclamé dissoudre le gouvernement, les institutions et la Constitution qu'avait fait adopter Alpha Condé en 2020 et dont il s'était servi pour se présenter la même année à un troisième mandat, malgré des mois de contestations meurtrières. Ils ont promis une période de transition, à la manière du voisin malien, théâtre d'un putsch lui aussi récemment. Déjà dans la soirée de dimanche, ils ont annoncé au journal télévisé remplacer les ministres par les secrétaires généraux de chaque ministère, et les préfets, sous-préfets et gouverneurs de région par des militaires. Ils ont appelé les fonctionnaires à "reprendre le travail dès ce lundi". Leur coup de force surprise parachève des mois de grave crise politique et économique, aggravée par la pandémie de Covid-19, sous la présidence du président Condé, au pouvoir depuis 2010, mais de plus en plus isolé.