«LES SENEGALAIS DOIVENT ETRE VIGILANTS CAR MACKY CHERCHE A SE MAINTENIR AU POUVOIR»
Arona Coumba Ndoffène Diouf, candidat déclaré à l’élection présidentielle, se prononce sur la situation économique et politique du pays.

Arona Coumba Ndoffène Diouf, candidat déclaré à l’élection présidentielle, se prononce sur la situation économique et politique du pays. Après avoir décliné les grands axes de son programme, il tire un bilan négatif du magistère du président Macky Sall avant d’alerter le peuple sur la recherche par ce dernier de stratagèmes pour se maintenir encore au pouvoir...
Le Témoin - Vous êtes candidat déclaré pour la prochaine élection présidentielle. Qu’est-ce qui motive votre choix de vouloir être porté à la tête de la magistrature suprême ?
Arona Coumba Ndoffène DIOUF - C’est une ambition renouvelée étant entendu qu’en 2011 j’étais déjà candidat déclaré avant de rencontrer un ami et frère en la personne de Macky Sall qui m’avait convaincu sur son programme et que j’avais finalement rejoint en 2012. Après sa victoire il m’a demandé de venir le rejoindre dans son cabinet comme ministre en charge de l’Energie, des Mines, de l’Environnement et des Energies renouvelables qui relèvent de mes compétences. Je pense l’avoir accompagné dans la plus grande loyauté dans tous ses programmes de développement.
Si tel est le cas pourquoi l’avoir quitté alors ?
C’est au terme de ses deux mandats que je lui ai dit que, puisque nous avions combattu le président Wade sur la question du troisième mandat, il n’était pas question que je le soutienne, lui, pour une troisième candidature. C’est pour cette raison que j’ai quitté son cabinet et déclaré mon ambition de mettre le Sénégal sur les rails du développement.
A quel moment avez-vous senti qu’il voulait briguer un troisième mandat ?
Moi-même j’étais surpris car, au cours de notre rencontre en 2011, il m’avait fait savoir qu’il allait quitter le pouvoir au terme de deux mandats et qu’après si moi je voulais me présenter, j’étais libre d’en exprimer le besoin. Donc, en termes de sincérité, je ne l’ai pas trahi. Mais c’est à partir de 2021 que j’ai assisté dans son cabinet à la naissance d’un courant qui militait pour son maintien au pouvoir. Je ne veux pas citer de noms mais quand ces personnes sont venues me voir je leur ai dit que cette idée ne peut pas prospérer au Sénégal et qu’il ne faut pas compter sur mon soutien.
Finalement, il a renoncé à cette candidature que vous jugez de trop. Comment avez-vous apprécié sa décision ?
C’est une volte-face. Il y a des signes qui montrent que tel n’était pas son souhait. D’abord il a laissé un courant de ministres, directeurs généraux, maires, députés faire des plateaux dans les médias, organiser des meetings pour soutenir sa candidature. Et jamais il n’a cherché à les arrêter. Donc, c’était avec sa volonté qu’ils le faisaient d’autant plus que tous ceux qui étaient contre ont été virés de leurs postes. Et n’eut été la pression internationale portée par des chefs d’État africains d’abord puis des puissances étrangères comme la France et les Etats-Unis, il allait forcer le barrage. D’ailleurs, la visite de Marine Le Pen à Dakar n’avait d’autre objectif que de le faire reculer. A cela il faut ajouter la détermination du peuple sénégalais.
Quel bilan de Macky Sall tirez-vous depuis qu’il est à la tête de notre pays ?
Il a fait beaucoup de programmes mais qui sont mal orientés. Dès son accession au pouvoir, il est tombé dans le piège des partisans de Abdoulaye Wade qui lui ont fait savoir qu’il n’était pas capable de terminer les chantiers de son prédécesseur. Et tout de suite après, il a voulu leur montrer le contraire en s’attaquant à terminer les travaux de Wade et mieux à faire plus que lui dans ce domaine. Et, finalement, il a perdu trop de temps avec la construction d’infrastructures qui n’étaient pas des priorités pour les Sénégalais. Je donne un exemple : rien que pour le BRT et le TER il a mis plus de 1.500 milliards alors que l’autosuffisance alimentaire, l’emploi des jeunes, la formation des femmes, l’industrie étaient plus prioritaires.
Donc vous ne voyez rien de positif dans le bilan du président Macky Sall ?
Pour l’énergie, il a fait des efforts. On a trouvé 550 MGW on est à 1250 MGW. C’est une avancée qu’il faut saluer. Mais il faut analyser les choses en profondeur. Combien cela nous coûte l’achat d’énergie fossile pour réaliser l’autosuffisance en électricité ? Ce sont des milliards alors qu’on pouvait dès le début nous orienter vers les énergies renouvelables et économiser beaucoup d’argent. J’avais théorisé le mix énergétique dans le programme du président de la République. Je lui avais dit que si on parvient à avoir 22% de notre énergie renouvelable injecté dans le réseau de la SENELEC, on aurait économisé 400 milliards de francs qui allaient circuler dans le pays en liquidités, booster de 2 points notre croissance économique et créer beaucoup d’emplois. C’est ce que le Maroc a pourtant réussi. C’est là-bas qu’il y a la plus grande centrale solaire qui fournit 300 MGW qui est l’équivalent de 600 milliards. Et pourtant nous sommes plus ensoleillés que ce pays. C’est aussi le cas avec le phosphate que nous vendons aux Indiens qui le transforment pour nous le revendre alors que c’est nous qui avons la matière première.
Et au plan immatériel ; diriez-vous que le bilan de l’actuel chef de l’Etat est un échec ?
C’est plus qu’un échec. Parlons d’abord de la démocratie qui est en régression profonde. Nos libertés sont bafouées, personne n’a le droit de piper mot de peur de finir en prison pour rejoindre des milliers de jeunes pour des délits imaginaires. Le respect des droits humains est en régression. Et c’est vraiment regrettable. Tout cela est dû au fait que c’est l’exécutif qui contrôle la justice. C’est le ministre de la Justice qui donne mandat aux magistrats qui devraient être les premiers défenseurs des droits humains. Tant qu’il y aura ce link, il sera très difficile de développer un climat serein de justice dans notre pays.
Quel regard portez-vous sur le climat politique actuel ?
C’est très compliqué. On n’avait jamais vécu un climat aussi tendu dans l’arène politique sénégalaise depuis Senghor. Et tout ceci gravite autour de la personne de Ousmane Sonko sur les dossiers l’opposant à Adji Sarr et Mame Mbaye Niang. Dès le début, on a senti de l’acharnement sur sa personne. Au bout du compte nos soupçons se sont avérés avec des chefs d’accusation fallacieux. Et les conséquences ont été énormes en termes de retard au plan économique, de blessés et de pertes en vies humaines. La montagne ayant accouché d’une souris, je pense que Ousmane Sonko devait être libre. Si on l’avait condamné depuis deux ans pour ces chefs d’accusation d’appel à l’insurrection ou troubles à l’ordre public on aurait compris.
Mais pourquoi attendre ce moment pour le faire ?
Donc je considère que tout ceci relève d’une tentative d’éliminer un adversaire politique de grande envergure comme c’était le cas avec Karim Wade et Khalifa Sall. Le président Macky Sall cherche toujours un candidat.
Pourquoi selon vous tarde-t-il à dévoiler le nom de son dauphin?
Je vais vous citer Abdou Aziz Diop avec qui j’ai travaillé dans son cabinet. Il disait que Macky Sall est un président de manigances. Mais j’alerte tous les Sénégalais pour leur demander d’être très vigilants. Je pense que, s’il était dans une dynamique de trouver un candidat, il l’aurait choisi depuis longtemps. Tous ses prédécesseurs savaient qui va les remplacer après leur départ. Il n’y a que lui qui fait dans l’obscur. Avec Macky Sall, il faut s’attendre à tout. Il est même capable d’évoquer le prétexte d’absence de consensus dans sa coalition pour se présenter ou même invoquer un chaos imaginaire d’autant plus qu’il l’avait insinué dans son discours. Mais je crois que les Sénégalais sont assez matures pour ne pas le laisser faire. Et s’il advenait qu’il tente ce coup, il serait responsable de toutes les conséquences qui en adviendraient. Nous sommes dans un tournant décisif et il n’est pas question qu’on rate ce virage historique car pour la première fois on va choisir un président de la République et personne ne va le faire à notre place.
Quel programme comptez-vous proposer aux Sénégalais pour qu’ils vous accordent leurs suffrages ?
Tout mon programme sera basé sur le progrès technique qui ne sera possible qu’avec le capital humain c’est à dire le peuple et les Sénégalais. Donc, il faut faire en sorte que ce peuple soit éduqué avec un niveau intellectuel élevé et soit aussi en bonne santé. A partir de là, je ferai de l’industrie une de mes priorités. Nous avons assez de ressources qu’il faut capitaliser en évitant la chaîne d’exportation de nos richesses. C’est devenu un goulot d’étranglement pour notre développement. Je donne l’exemple du coton qui est cultivé à Tambacounda, exporté puis transformé à l’étranger avant de revenir au Sénégal en tissu Jezner ou Tergal. C’est la même chose avec le phosphate que j’ai déjà expliqué. Nous avons du fer, de la bauxite dont 5 tonnes donnent 2 tonnes d’alumine équivalant à 1 tonne d’aluminium qu’on peut utiliser pour la construction des habitations. Nous avons aussi des montagnes de marbre dans la zone de Kédougou pour la production de carreaux. Nous en disposons depuis avant les indépendances. Avec toutes ces richesses nous avons la possibilité de créer des milliers d’emplois, booster notre économie et nous positionner parmi les grandes puissances en Afrique.
Quels sont les autres grands axes de votre programme ?
En agriculture je donne toujours l’exemple de Arizona aux Etats Unis. C’était un désert mais les Américains en ont fait la zone qui produit les meilleurs fruits grâce à une bonne politique d’irrigation. Nous, on a un potentiel cent fois plus important. Aussi bien l’eau que la terre sont disponibles. L’éducation et la santé me préoccupent aussi. C’est pourquoi je compte valoriser les personnels de ces deux secteurs en les dotant de moyens à la hauteur de leur rang. Pour l’éducation, nous devons réorganiser le système à travers un diagnostic profond qui prendra le temps nécessaire. Mais déjà il faut qu’on enseigne à partir de nos langues nationales pour une meilleure performance de nos diplômés. S’agissant de la santé, le focus sera mis sur la prévention pour réduire les risques de maladies. Il conviendra aussi de doter tous les départements d’hôpitaux bien équipés et surtout permettre l’accès aux soins sanitaires à tous. Si nous voulons avoir moins de malades, il est nécessaire d’investir dans la prévention et la sensibilisation surtout sur les maladies les plus récurrentes.
Parlez-nous des réformes institutionnelles que vous comptez mettre en œuvre…
D’abord je ne serai pas chef de parti. Cela permettra à l’administration dans sa globalité d’être plus indépendante. Je ferai en sorte que tous les Sénégalais aient accès aux informations concernant les dépenses publiques y compris celles du président de la République. Cela se fait ailleurs pourquoi pas chez nous d’autant plus que c’est l’argent du contribuable. Il faut ouvrir des fenêtres d’information accessibles à tous pour plus de transparence. Aussi bien la justice que les corps de contrôle vont travailler en toute liberté sans la moindre pression.
Comment comptez-vous vous organiser pour aller à la rencontre des Sénégalais et les convaincre de voter pour vous ?
D’abord nous sommes prêts il y a longtemps. Dans tous les pays de la diaspora nous sommes représentés. Au plan national nous avons réussi à faire un maillage et régulièrement sommes en contact avec les militants. Les cellules de l’ACAD sont partout au Sénégal et nous tendons la main à tous ceux qui veulent travailler pour le développement du pays de venir nous rejoindre. Pour les moyens je remercie le bon Dieu de nous avoir donné ce qu’il faut pour assurer nos dépenses. Ousmane Sonko est en grève de faim depuis trois semaines.
Quel message voulez-vous lui lancer ?
Je salue son courage et sa bravoure. Il a mené le combat qu’il faut pour son peuple. Mais je l’invite tout de même à mettre fin à sa diète. Qu’il le fasse pour sa mère, ses enfants, ses femmes. Ils ont encore besoin de lui, ses militants aussi. Je souhaite qu’il m’entende et qu’il réponde favorablement à ma demande.