L’OPPOSITION DENONCE DES CHOIX DOUTEUX, LE POUVOIR PARLE DE «GROS FAUX-DEBAT»
Cooptation de sept membres de la société civile au conseil constitutionnel

La cooptation de sept membres de la Société Civile pour suivre le processus de vérification des parrainages alimente, du côté de l’Opposition, les craintes d’une dérive partisane du Conseil constitutionnel. Mais, du côté du pouvoir, l’on soutient que l’Opposition anime un gros faux débat…
Pour permettre au Conseil Constitutionnel de mieux vérifier les parrainages déposés par les candidats à la candidature de la présidence de la République, le président de la République a, par décret présidentiel, coopté sept membres de la société civile il y a deux semaines. Il s’agit de Waldiodio Ndiaye, coordonnateur « Sunu élection », Pr Babacar Guèye président du Collectif des organisations de la Société civile, Moundiaye Cissé de l’ONG 3D, Abbé Alphonse Seck, Directeur exécutif de Caritas Sénégal, Mazide Ndiaye du Pacte, Maïmouna Dieng de la Plateforme des acteurs non étatiques et Rokhaya Gassama du Cosef. Un choix « douteux dans un climat de suspicion » selon Pape Medoune Sow, coordonnateur du pôle parrainage du Grand Parti. Selon ce membre du parti de Malick Gakou, il aurait mieux valu qu’on demande aux membres de la société civile de choisir à leur niveau des représentants devant aller travailler avec le Conseil constitutionnel au lieu de laisser le soin au chef de l’Etat de nommer qui il veut. D’après Pape Médoune Sow, depuis la cooptation de ces sept personnes, certains de leurs collègues de la société civile s’insurgent contre le choix porté sur elles Donc, tout montre, selon lui, que les gens du pouvoir sont en train de faire du n’importe quoi. « On demande un ministre de l’Intérieur neutre, ils mettent qui ils veulent. Au niveau également de la vérification des signatures, ils décident aussi tout seuls de ceux qu’il faut prendre. Au finish, les gens vont se dire : est-ce que réellement ces gens veulent des élections libres et transparentes ?
Compte tenu de cette situation, ils n’ont qu’à prendre leurs responsabilités par rapport à tout ce qui adviendra dans le futur », estime le responsable du Grand Parti. Cheikh Aliou Bèye, secrétaire national chargé de la Vie et de la massification de Pastef, et coordonnateur départemental de cette formation à Pikine, doute aussi de la fiabilité de la vérification des parrainages. Parce que, confie-t-il, « comme nous le savons tous, personne n’est neutre au Sénégal ». Raison pour laquelle, le responsable politique à Diamaguène Sicap Mbao demande la présence d’un de leurs responsables à la vérification des parrainages. Pour cause, dit-il, « nous n’avons pas confiance au pouvoir en place. »
Poursuivant, M. Bèye accuse les gens de la majorité présidentielle de vouloir « faire de la mascarade du genre de ce qu’a montré Mimi Touré au premier jour du dépôt des dossiers de candidatures lorsqu’on lui avait permis d’être au premier rang devant des hommes. C’est pourquoi, nous nous sommes dit qu’ils n’ont qu’à faire tout ce qu’ils veulent mais pourvu qu’un de nos représentants soit présent à la vérification. Il faut que toute l’Opposition soit représentée au moment où on ouvre les plis comme ça on est sécurisé. Parce que nous, au niveau du Pastef, on est tellement régulier que même si le ciel tombait, nos signatures ne pourraient être entachées d’aucune irrégularité. Nous avons fait les vérifications et nous avons toutes les preuves que nos signatures sont authentiques. Et la seule chose qui me fera tomber d’accord sur la vérification de ces parrainages, c’est notre présence. »
Me Amadou Sall Pds : « Le Conseil Constitutionnel a pris des agents de la présidence de la République et du ministère de l’Intérieur pour la vérification des parrainages »
Du côté du Parti démocratique sénégalais (Pds), on remet aussi en cause le mode de nomination des représentants de la société civile au Conseil constitutionnel. Me El Hadj Amadou Sall voudrait aujourd’hui que le niveau de la démocratie sénégalaise soit tel qu’on ne puisse plus se permettre de nommer de cette façon-là. Il faudrait, selon lui, que les nominations dans ce genre d’instances soit plus démocratique pour permettre une composition plus plurielle. « En réalité, c’est le président de la République qui nomme tout le monde. Même le président de l’Assemblée nationale n’a qu’un pouvoir de désignation. Il désigne un certain nombre de personnes qu’il propose au président de la République qui choisit. Il faudrait revoir tout ça. Parce que la démocratie sénégalaise a évolué de telle sorte qu’il ne doit plus y avoir ce genre de choses. C’est cela qui fait que les gens n’ont plus confiance au Conseil Constitutionnel. Il faudrait tirer les leçons de l’Histoire. Chaque fois, on dit qu’on n’a pas confiance. Etsi on veut que le Conseil Constitutionnel soit un organe de régulation, il faudrait que les Sénégalais aient confiance en lui. Nous, au Pds, nous n’avons pas confiance au Conseil Constitutionnel à la fois par sa désignation et le mode de composition de ses membres », déplore le responsable politique du Pds.
Poursuivant, l’ancien ministre de la Justice sous le président Wade soutient que le Conseil Constitutionnel n’a pas de compétences techniques pour vérifier les parrainages. En plus, il n’a pas dit comment il va faire pour contrôler. Pire, selon Me Amadou Sall, leurs responsables ont découvert que le Conseil Constitutionnel a pris des agents de la présidence de la République et du ministère de l’Intérieur pour la vérification des parrainages. « Comment peut-on faire confiance à la présidence de la République dans ces conditions ? Si le Conseil avait lancé un appel d’offres ou à candidatures, on aurait pu comprendre et c’est ce qui fait que la suspicion est déjà là. Nous n’avons pas confiance. Absolument pas!
L’élection présidentielle est une affaire politique. Elle n’est pas juridique. Nous, nous sommes dans des catégories politiques. Et tout doit se régler politiquement. Le processus même qui aboutit à l’élection présidentielle est politique. Il n’est pas technique. Donc, quel que soit ce que le Conseil fait, nous nous en tenons aux catégories politiques. Parce que nous craignons que le Conseil ait un agenda calqué sur l’agenda du politique », informe le partisan du président Abdoulaye Wade.
Pape Maël Thiam APR : « L’Opposition cherche des arguments pour expliquer son éventuelle défaite »
Bien évidemment, la position est autre au niveau de l’administrateur de l’Alliance pour la République (APR). Selon Pape Maël Thiam, toutes ces supputations autour des parrainages et ces commentaires sur le processus électoral pourtant adopté « en accord avec l’Opposition », le font penser aux dires de ces derniers qui affirmaient que Macky Sall n’irait même pas au deuxième tour. Déjà, il y a, selon lui, un aveu de contradiction de la part de l’opposition. D’après le vice-président du Haut Conseil des Collectivités territoriales (Hcct), l’Opposition a « sûrement fait le constat de la persistance des Sénégalais à plébisciter et à accompagner le président de la République, ce qui a été démontré par le résultat de la collecte des signatures qui donne un chiffre nettement supérieur à nos objectifs de départ. Ces deux combinés font que l’Opposition cherche des arguments pour expliquer éventuellement sa défaite si elle est battue ».
D’après l’administrateur de l’APR, « on risque, si on suit l’Opposition, de ne pas faire fonctionner les institutions de la République. Nous assistons à une mauvaise foi de l’opposition qui dit au premier échelon qu’elle ne veut pas d’un processus électoral. Deuxième niveau, elle dit qu’elle n’a pas confiance au ministre de l’Intérieur. Troisième niveau, elle n’a pas confiance au Conseil Constitutionnel. Quatrième niveau, elle n’a pas confiance à ses propres mandataires. Cinquième niveau, elle n’a pas confiance à ceux-là qui sont de la société civile et dont elle ne manque pourtant pas parfois de louer parfois les services. En fin de compte, l’Opposition veut qu’on lui affecte l’organisation du scrutin. Ce qui n’est pas de son ressort », ironise le responsable apériste qui pense que « ceci est une expression de candidats impréparés face à une échéance qui vient à grande vitesse ». « Dépourvus de programme, ils se permettent d’attiser l’adhésion du peuple. Je pense que l’Opposition parle de gros faux débat », raille en conclusion Pape Maël Thiam.