MACKY FACE AUX EQUATIONS DU TIMING ET DU CANDIDAT CONSENSUEL
La mouvance présidentielle et particulièrement le parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr) est dans l’attente de connaitre, cette semaine, le nom du candidat que le président Macky Sall va choisir pour la présidentielle 2024.

La mouvance présidentielle et particulièrement le parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr) est dans l’attente de connaitre, cette semaine, le nom du candidat que le président Macky Sall va choisir pour la présidentielle 2024. Un choix déjà validé en conférence des leaders. Une tâche très compliquée vu le timing très court qui nous sépare de la présidentielle mais surtout les difficultés liées à un choix qui fera l’unanimité au sein de la majorité présidentielle.
Contre toute attente, le président Macky Sall a finalement décidé de ne pas être de la course pour sa propre succession. Cette annonce, qui était la moins attendue des Sénégalais, a paru amère à avaler pour les partisans de la coalition BBY, mais surtout de son propre parti l’APR, qui n’en reviennent toujours pas malgré les discours de félicitations et d’hommages qui lui sont dédiés. La réalité est que leur réaction ne pouvait être autre. Mais dès lors que le vin est tiré, la seule alternative qui s’offre à eux c’est de le boire jusqu’à la lie quel qu’en soit le goût et de se projeter vers le futur en trouvant un candidat pour mener le combat. Ce qui va davantage compliquer les choses puisque, à tous points de vue, la pièce de rechange que le président Macky Sall va lui-même désigner risque d’être confrontée à plusieurs obstacles dont le principal est le peu de temps dont il dispose pour préparer ce candidat. Mais la plus grosse difficulté, c’est bien sûr celle consistant à trouver un candidat consensuel. Un autre paramètre important est lié à l’évolution de la façon de faire de la politique qui a beaucoup changé depuis un certain temps au Sénégal. L’on assiste de plus en plus à l’émergence d’une nouvelle conscience surtout chez les jeunes avec le développement de l’outil informatique mais aussi face à leurs responsabilités dans le choix de leurs gouvernants. C’est dans ce contexte tout nouveau que le président Macky Sall a pris la décision salutaire d’organiser une élection à laquelle il ne va pas participer. Chose inédite au Sénégal et qui va permettre à notre peuple de choisir pour la première fois un président de la République et non pas de sanctionner.
Le timing, premier adversaire de l’APR
En recevant ses troupes au Palais, le président de la République sait que son tout premier adversaire est le temps très court qui nous sépare de la présidentielle. C’est pourquoi, aussitôt sa décision de partir annoncée, il a tenu à leur tenir un discours fédérateur, les invitant à l’unité et à l’écoute de ses instructions pour élargir les bases, seule moyen, d’après lui, de se maintenir au pouvoir. Mais un tel vœu, aussi fort soit-il, risque de se confronter à la réalité politique du terrain. Et à ce niveau, le président Macky Sall aura été le principal responsable de la situation dans laquelle se trouve sa coalition pour n’avoir pas très tôt “imposé “un dauphin en faisant fi de ses appréhensions de voir naître plusieurs ambitions dans le parti. Ce choix effectué à temps aurait permis de travailler avec ceux qui ont décidé de rester fidèles au parti, de procéder à sa réorganisation et au besoin de les mettre à des positions stratégiques de pouvoir afin de leur donner les moyens mener le combat politique à la base. L’autre erreur commise réside dans le fait que le futur “homme fort” du parti ne va pas disposer du temps nécessaire pour aller à la rencontre des militants et sympathisants du Sénégal des profondeurs afin de nouer des contacts directs, de les écouter afin de bien s’approprier de leurs doléances sachant que les populations du monde ruralsont très attachées à ce genre d’exercices. D’ailleurs lui-même, le président Sall, alors directeur de campagne du PDS aux présidentielles de 2007 et législatives, avait réussi à se « vendre », c’est-à-dire à se faire connaître, en faisant le tour du pays. Ceci avait beaucoup contribué à sa victoire à la présidentielle de 2012. En battant campagne pour son propre compte, il était dans un milieu déjà connu et bien maîtrisé. C’est pourquoi le choix de Mme Aminata Touré comme tête de liste de BBY, lors des dernières élections locales, a été une mauvaise option. Car en définitive, il aura plus bénéficié à l’actuel leader de Mimi 2024 qu’à l’APR. Toujours dans le même sillage de la course contre la montre, le candidat du parti au pouvoir devra accorder une part importante de son agenda politique aux tournées dans l’intérieur du pays pour combler le gap qui le sépare des autres concurrents (Pastef et Yaw) qui ont déjà investi le terrain depuis des années et ont réussi à capter des militants déjà acquis à leur cause. Compte tenu de tous ces paramètres, le futur candidat de l’APR est déjà sur un faux départ que seule une présence permanente sur le terrain peut combler.
Un choix unanime, l’autre obstacle difficile à franchir..
L’élection présidentielle est un rendez-vous entre une personne et son peuple, dit-on. Si cet adage s’applique au parti de BBY, l’image du président Sall, qui va disparaitre de la prochaine campagne, risque de beaucoup porter préjudice aux aperistes. Après avoir constaté avec amertume le retrait de celui sur qui ils fondaient tous leurs espoirs pour se maintenir au pouvoir, ils vont devoir maintenant lui prêter oreille pour savoir sur qui va porter sa préférence pour le remplacer.
Pour la première fois depuis douze ans, ils devront faire sans lui. Même si on ignore de qui il s’agira, nous pouvons toutefois espérer qu’il va remplir certains critères. A savoir : bénéficier d’une expérience dans la gestion de l’État, avoir du charisme, disposer d’une base politique sûre et certainement être un militant de la première heure de l’APR. De ce point de vue, le parti au pouvoir ne manque pas de profils pour prendre le relais du président Sall et préserver le legs. Mais c’est justement à ce niveau aussi que se trouvent les risques d’une implosion dès lors que tout choix pourrait faire l’objet de contestations de la part des non-choisis avec le soutien de leurs propres militants.
En effet, confronté à un problème de structuration, l’on se demande comment ce parti pourrait tenir en l’absence de “la seule constante” depuis sa création. L’autre gros risque que court l’Apr est lié aux départs de hauts cadres qui vont taper aux portes d’autres coalitions ou signer leur retraite politique sachant qu’ils n’accepteront jamais d’être aux ordres d’un leader autre que Macky Sall. Une autre catégorie de personnes peut quitter le navire marron-beige en procédant à des calculs politiciens consistant à aller trouver refuge ailleurs pour éviter de sombrer avec le parti. Et une fois l’alternance réalisée, elles chercheront à rallier la nouvelle mouvance présidentielle au cas où leur candidat ne serait pas élu.
Aussi, l’épineuse équation de la poursuite du compagnonnage avec la coalition BBY, tant souhaitée par le président Sall, est à prendre en compte. Il a fait savoir qu’il tient toujours à cette entité politique bien qu’il n’ait plus les cartes en mains pour s’assurer leur soutien avec la nouvelle donne provoquée par sa non participation qui a tout chamboulé. D’où une forte probabilité d’assister aux départs des formations comme le PS et l’AFP pour tenter leurs chances. Une possibilité qui prend de plus en plus forme depuis les ambitions affichées de l’ancien ministre Alioune Sarr de succéder à Moustapha Niasse et le clin d’œil de Taxawu Sénégal à ses anciens compagnons socialistes dont Jean Baptiste Diouf qui s’est autoproclamé « candidat » des Verts. Pendant ce temps, le « turbulent » Abdoulaye Wilane prêche pour une candidature du Ps à la reconquête du pouvoir. Des départs et autres frondes qui, s’ils se confirment, ne feront que fragiliser le bâtiment jaune marron dont les fissures sont visibles sur ses murs qui n’ont pu résister aux échos de la déclaration de non candidature de son père fondateur. A moins que Macky Sall ne fasse usage d’un tout dernier coup de génie politique pour sauver ce qui peut encore l’être… Vaste programme !