«POUR EVITER LE RETOUR DE BATON, IL DEVRA JOUER PLUS SUR LA PERTINENCE DE SES INTERVENTIONS FUTURES»
Dr Atab Badji, analyste politique, se prononce sur la sortie d’Ousmane Sonko

Commentant la dernière sortie du leader de Pastef/Les Patriotes, Ousmane Sonko, qui a qualifié de « fiasco » et d’ «échec», les mesures d’assouplissement de l’état d’urgence dans la lutte contre Covid-19, le Dr Atab Badji, analyste politique, est d’avis qu’elle a été une « opportunité pour Sonko de sortir du confinement » pour tenter de reprendre sa ligne politique. Cependant, a-t-il ajouté, « pour éviter le retour de bâton, il devra surtout jouer plus sur la pertinence de ses interventions futures».
Quelle lecture faites-vous de la sortie de Sonko ?
Un homme politique doit toujours avoir trois choses en bandoulière : l’opportunité, la pertinence et la plus value pour ne pas dire l’efficience, ceci en action comme en verbe, tant bien même qu’il faut rappeler qu’en politique, le verbe est action. L’opportunité, c’est le moment jugé opportun, c’est à dire le bon moment, celui où ce n’est ni avant ni après. D’ailleurs, nous préférons aborder la question sous ce seul angle mais en convoquant un passé récent où une partie de l’opinion commençait à s’offusquer du silence de l’opposition et surtout de l’opposant Sonko dont la marque de fabrique politique n’est sûrement pas le silence. Mieux, la récente sortie du président, au vu de l’appréciation générale qu’elle a suscité, a été une bonne opportunité pour lui de sortir du confinement pour tenter de reprendre sa ligne politique, celle de l’opposant qu’il se réclame. Ainsi, cette sortie marque le début d’un «déconfinement politique».
Ne risque-t-il pas cependant le retour de boomerang, en raison du contexte angoissant où toutes les énergies se cristallisent autour de la psychose Covid-19 ?
Là, par contre, nous allons convoquer le deuxième outil à savoir la pertinence. En effet, vu le contexte chargé d’angoisse comme vous dites, mais aussi et surtout de stress et de nervosité, toute erreur de communication se paie cash. Pour éviter le retour du bâton, il devra surtout jouer plus sur la pertinence de ses interventions futures, les opportunités répétées étant sources de banalisation, voire d’effets boomerang par le simple fait d’une surexposition. Et dans une telle situation trop sérieuse car vitale à tout point de vue, toute intervention sensée doit avoir une valeur ajoutée au moins supérieure au silence. Autrement, le risque d’effet boomerang est réel.
Est-ce la fin de l’entente circonstanciée autour de la riposte contre Covid-19 ?
Si vous faites allusion à l’entente circonstanciée autour du silence, c’est bien oui. Il était même prévisible que cela ne pouvait pas tenir longtemps. Ce silence était un diktat de l’opinion à toute la classe politique face à un péril d’une dimension exceptionnelle, qui n’avait pas encore fini de malmener tous les géants du monde. Paradoxalement, après un peu plus de deux mois, c’est cette même opinion qui semble exiger la parole de ceux-là dont l’existence politique se confond à la parole : l’opposition. C’est pourquoi, le pouvoir est jugé sur ses actions et l’opposition sur ses paroles. La démocratie c’est aussi la richesse des idées et leur pluralité sur les grandes questions politiques, sanitaires ou autres.
Peut-on parler de la sortie de léthargie de l’opposition ou bien ? Léthargie ?
Nous préférons, pour nous coller au contexte, parler plutôt de sortie de confinement politique. En effet, ce confinement en première phase d’épidémie est compréhensible car il fallait obligatoirement prendre le temps de faire une claire lecture de la situation, de sa progression, des actions entreprises et de leurs résultats. Mais aussi de ne passer à travers des interventions intempestives. Nous étions face à une grande inconnue. Après plus de soixante jours de présence de la pandémie, son visage se dessine plus ou moins. Mais la lutte est encore loin d’être gagnée. Et pour ce faire, le concours positif de tous est plus que nécessaire. Non pas nécessairement le silence d’un absent ou le bruitage d’un présent en réalité absent. Mais cette sortie de léthargie comme vous dites, doit être plus que jamais une source alternative ou complémentaire de solutions ou de contre-solutions utiles face à cette grosse équation à plusieurs inconnues qu’est la Covid-19 en phase communautaire.