S'OPPOSER CE N'EST PAS ÊTRE ABONNÉ DU NON
Sans parrainage, impossible d’organiser une élection nationale sérieuse. L’opposition a un discours côté cour et un discours jardin. Ceux qui ne peuvent pas collecter 37 000 parrainages peuvent se mettre ensemble - ENTRETIEN AVEC MIMI TOURÉ

Coordonnateur national du parrainage de « Benno Bokk Yaakaar » (Bby), Aminata Touré explique comment la coalition de la majorité présidentielle travaille pour remporter les prochaines élections législatives.
Le président de la République, Macky Sall, vous a désigné Coordonnateur national du parrainage de « Benno Bokk Yaakaar » (Bby). Quelle est la stratégie que vous avez mise en œuvre pour recueillir le nombre de signatures requises ?
Vous comprendrez que notre stratégie ne soit pas discutée publiquement, mais ce que je peux vous dire, c’est que c’est un moment de mobilisation collective pour notre coalition qui a tourné la page des municipales pour s’engager sur le chemin d’une autre victoire. Sans prétention ni arrogance, nous allons à la rencontre de nos concitoyens pour leur expliquer qu’une large majorité parlementaire permettra au Président Macky Sall d’aller encore plus loin dans les programmes de mise à niveau de nos infrastructures, dans la mise en œuvre des programmes sociaux et de la relance économique en s’appuyant sur les femmes et les jeunes. Nous discutons aussi des contraintes et choses à améliorer. Le parrainage, c’est aussi un moment de grande écoute pour davantage affiner nos programmes en direction des populations.
Même si l’opposition est sur le terrain pour la collecte des parrains, elle continue de dénoncer ce système qu’elle juge antidémocratique. Quelle analyse en faites-vous ?
Ceci est assez paradoxal ! D’ailleurs en 2019, l’opposition était descendue sur le terrain chercher les parrainages ; ce qui veut dire qu’elle a appliqué la loi. Qu’est-ce qui a changé entre-temps ? L’opposition assiste à toutes les réunions du Ministère de l’Intérieur sur la question. Elle dénonce publiquement le parrainage, mais en ce moment, elle collecte le parrainage. Sans parrainage, il est impossible d’organiser une élection nationale sérieuse. C’est le cas dans toutes les démocraties majeures où les candidats ancrés comme ceux peu ancrés sont nombreux à vouloir être élus. Franchement, collecter 37 500 parrains sur un électorat de 6,8 millions, celui qui ne peut pas le faire doit rejoindre une coalition où les efforts seraient peut-être mutualisés.
Pourquoi le pouvoir insiste à maintenir le parrainage ? Est-ce qu’il ne devrait pas écouter l’opposition afin de trouver une solution consensuelle ?
Comme je vous l’ai dit, l’opposition a un discours côté cour et un discours jardin. Elle dénonce publiquement le parrainage et, en même temps, demande à ses militants de collecter le parrainage dans les quartiers. Le jour du dépôt, vous verrez l’opposition qui sera là. S’opposer, ce n’est pas être un abonné du « non ». Quand une réforme est consolidante pour notre démocratie, il faut que les acteurs politiques l’embrassent, car c’est dans l’intérêt de tous que des élections soient bien organisées. C’est comme cela que toutes les avancées démocratiques se sont faites dans notre pays. J’appelle l’opposition à ne pas être dans le double langage parce que nos concitoyens attendent de nous tous, majorité comme opposition, des discours responsables. Encore une fois, ceux qui ne peuvent pas collecter 37 000 parrainages sur 6,8 millions peuvent se mettre ensemble. Ça sera peut-être plus facile. Donc, personne n’est exclu en réalité.
La Direction générale des élections a présenté, mercredi dernier, le logiciel devant contrôler les fiches de parrainage pour les prochaines élections législatives. Comment appréciez-vous cet outil ?
Je ne sais pas grand-chose de ce logiciel. Il y a des experts au ministère de l’Intérieur qui connaissent leur job depuis le temps qu’ils organisent des élections régulières. Personne n’a contesté les dernières élections de janvier dernier ni celles de 2019, de 2017, de 2012 et même de 2000. Ce sont les mêmes fonctionnaires qui sont chargés des élections législatives à venir. Ils ont déjà donné la preuve parce qu’ils savent faire leur boulot en toute impartialité.
Quel rôle comptez-vous jouer aux prochaines échéances électorales ?
Nous n’en sommes pas encore là. Des élections, c’est un jeu collectif avec un entraîneur, le président de notre coalition. Ce n’est pas un jeu individuel ou individualiste. Cela sera discuté et décidé ailleurs que dans les colonnes des journaux.
Est-ce que vous serez sur les listes de « Benno » aux prochaines élections législatives ?
J’ai déjà répondu à la question, je pense. Nous travaillons à resserrer nos rangs et à élargir notre victoire de janvier dernier. Nous serons encore plus performants dans cette élection nationale à venir ; j’en suis sûre. Pas par prétention, mais parce que le bilan de notre régime et du Président Macky Sall sera largement partagé et récompensé par les électeurs. C’est mon souhait que ces joutent soient des élections de propositions, loin des insultes et invectives que certains veulent ériger en programme d’action.
Avez-vous des ambitions pour diriger la présidence de l’Assemblée nationale du Sénégal ?
On en reparlera quand on aura gagné. C’est cela notre objectif collectif du moment.
Quel est votre avis sur le retard relatif à la nomination du poste de Premier ministre ?
Je ne considère pas qu’il s’agisse de retard, mais plutôt de logique. Un Premier ministre doit présenter son programme à l’Assemblée nationale. N’est-ce pas plus logique d’attendre d’avoir une nouvelle Assemblée, dans quatre mois, avec une majorité franche et fraîche ? Ce n’est pas comme si le Gouvernement avait suspendu sa respiration en attendant les prochaines élections. À ce que je vois, son travail se poursuit normalement.
La Cour de justice de la Cedeao a ordonné l’abrogation de l’arrêté Ousmane Ngom. Quel est votre commentaire sur cette décision ?
D’une manière générale, je voudrais dire que la Cour de justice de la Cedeao a vraiment des dossiers plus sérieux que le Sénégal, vous ne pensez pas ? Entre les coups d’Etat anticonstitutionnels du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso, qu’elle revoie son programme de travail pour s’atteler à ces urgences démocratiques. De tout l’espace Cedeao, et même en Afrique, la Cour sait très bien qu’il n’y pas une démocratie plus avancée que le Sénégal dont elle semble se préoccuper tout particulièrement. Que la Cour sache également qu’elle n’est pas au-dessus des Constitutions que se sont choisis les pays. Je pense que les juges ont besoin de connaître les limites et frontières de leurs missions. Ce ne sont pas des supers chérifs qui, lasso en main et revolver au colt, tirent sur tout ce qui bouge. Qu’ils aient raison gardée.
Pensez-vous que cette décision sera exécutée par l’État du Sénégal ?
Comme je l’ai dit tantôt, la Cour n’a qu’à s’autosaisir et statuer sur les violations constitutionnelles flagrantes au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Au Sénégal, le droit est entre les mains de nos magistrats qui connaissent aussi leur boulot. À vouloir faire dans l’activisme débordant et tendancieux, la Cour risque de perdre en crédibilité.
Poursuivi pour viol présumé, Ousmane Sonko doit faire face au magistrat instructeur très prochainement. Il a soutenu qu’il ira répondre et a demandé à ses militants de rester chez eux. Comment jugez-vous son message ?
Il n’y a pas de commentaire particulier à faire. Tous les jours, des justiciables répondent à des convocations de juges sans qu’ils en fassent tout un plat.
Que répondez-vous à ceux qui disent que cette affaire est un complot politique contre Ousmane Sonko ?
Comment cela le serait-il ? Qui complote contre qui ? C’est une affaire strictement privée entre deux citoyens qui se sont rencontrés dans un espace privé. Leur contentieux est strictement privé. Il n’y a absolument rien de politique ni de complotiste dans cette affaire.