«À TRAVERS CETTE MESURE POPULISTE, L’ETAT A PORTE UN PREJUDICE ENORME AUX MENAGES LES PLUS PAUVRES»
Le président du mouvement AGIR, Thierno Bocoum, estime que l’histoire lui a donné raison concernant la loi sur la baisse des loyers au Sénégal. Une mesure qui, selon lui, a créé plus de problèmes qu’elle en a résolus

Le président du mouvement AGIR, Thierno Bocoum, estime que l’histoire lui a donné raison concernant la loi sur la baisse des loyers au Sénégal. Une mesure qui, selon lui, a créé plus de problèmes qu’elle en a résolus
«Baisse des loyers au Sénégal: Eclairage sur le projet de loi de l’Etat.» Tel est l’intitulé de la tribune signée le 15 janvier 2014 à travers laquelle l’ancien député attirait l’attention de l’Etat sur les risques qu’encouraient les Sénégalais avec cette loi «populiste». «Nous avions été vertement attaqué y compris par des organisations consuméristes qui pensaient (à leur décharge) être en face d’une loi qui réglait un problème crucial pour les ménages», a-t-il indiqué. Six ans après, Thierno Bocoum soutient que c’est Macky Sall lui-même dans le communiqué du Conseil des Ministres du 30 octobre dernier qui fait le même constat ; avant de demander «au ministre du Commerce, en rapport avec les ministres chargés des Finances et de l’Habitat, d’intensifier les actions de régulation des loyers par la mise en place d’un dispositif consensuel et opérationnel réglementant les activités immobilières sur l’ensemble du territoire national. Aujourd’hui, à travers cette mesure populiste et démagogique, l’Etat sénégalais a finalement porté un préjudice énorme aux ménages les plus pauvres», tonne le président du mouvement AGIR dans un communiqué parvenu à notre rédaction. «Nous avons perdu six années à résorber une question essentielle pour les ménages tout en encourageant une spéculation monstrueuse», dénonce-t-il.
CONTENU DE LA TRIBUNE DE THIERNO BOCOUM PUBLIEE EN 2014
Pour rappel, de façon succincte, Thierno Bocoum prédisait dans sa tribune que cette décision régalienne de l’Etat allait créer une instabilité regrettable dans les relations entre bailleurs et locataires qui avaient réussi à établir un accord privé et ne permettra pas, pour autant, de baisser le coût des loyers et de freiner la spéculation. En effet, selon lui, la mesure ne se prononce pas sur la fixation des prix des loyers mais seulement sur leur baisse s’ils ont été déjà fixés. «Cela veut dire en terme pratique que le bailleur qui fixe son prix après le vote de cette loi ne sera pas concerné par la baisse imposée par l’Etat.
Par conséquent, ce bailleur à qui on impose la baisse d’une location en cours peut se rattraper sur la fixation des prix dans le prochain contrat en majorant selon sa convenance. La loi se limite à exposer des fourchettes de prix sans aucune distinction liée au standing, à la zone d’habitation ou encore à la position d’habitation. Le bailleur est donc libre de choisir sa fourchette de prix et de la calquer sur ses intérêts économiques », expliquait-il dans la note rendue publique le 15 janvier 2014 qu’il estime toujours d’actualité.
Dans le document joint au communiqué parvenu à la rédaction, Monsieur Bocoum soutient que cette nouvelle loi légalise ce qui a été jusque-là considéré comme illégal. A en croire l’ancien député, cette loi inaugure une possibilité de mettre son bien en location sans recourir au calcul suivant la surface corrigée. «En légalisant les locations sans recourir au calcul suivant la surface corrigée et en se contentant d’établir des fourchettes de prix sans aucune distinction liée au standing, à la zone d’habitation ou encore à la position d’habitation, l’Etat encourage et à la limite légalise la spéculation», dit-il.
Désormais, poursuit Thierno Bocoum, la seule obligation qui pèse sur le bailleur c’est de baisser le loyer en cours. Il peut par conséquent fixer ses prix selon sa convenance après s’être libéré du contrat qui le lie avec le locataire. Le plus invraisemblable dans cette affaire, poursuit-il, c’est que l’Etat a décidé d’imposer une réforme sociale à incidence financière, sans aucune contrepartie financière de sa part. «L’Etat va imposer aux bailleurs de réduire le loyer sans réduire lui-même les taxes qu’il leur impose. C’est ainsi que l’impôt sur les revenus fonciers, la TOM, l’impôt sur le foncier bâti, la TVA sur les loyers mensuels... sont maintenus intacts. Ce qui constitue un abus de pouvoir manifeste», soulignait le président du mouvement AGIR. Il a tenu à rappeler que le projet de loi n° 04/2014 portant baisse des loyers n’ayant pas été calculés suivant la surface corrigée consacre une diminution de 29% pour les loyers inférieurs à 150.000 Fcfa, 14% pour ceux compris entre 150.000 Fcfa à 500.000 Fcfa, 4% pour les loyers supérieurs à 500.000 Fcfa. Et qu’elle s’applique à tous les baux à usage d’habitation en cours