LES MEDECINS EN SPECIALISATION BRISENT LE SILENCE ET EXPOSENT LEURS SOUFFRANCES
Laissés en rade dans la distribution des primes de motivation Covid-19, ils ont déversé tout ce qu’ils avaient dans le cœur et, par conséquent, révélé au public leurs mauvaises conditions de vie et de travail

Le Ministère de la Santé et de l’action sociale a sorti le 21 avril dernier un «ordre de virement de fonds» destiné aux agents des établissements publics de Santé (Eps), au titre de prime de motivation Covid-19 destinée aux agents des établissements publics de Santé (Eps). Mis à l’écart dans la répartition de ce fonds, les médecins en spécialisation n’ont pas caché leur désolation.
Dans une lettre ouverte, publiée hier, et adressée au ministre de la Santé et de l’Action sociale, le collectif des médecins en spécialisation (COMES) n’y est pas allé par quatre chemins. Laissés en rade dans la distribution des primes de motivation Covid-19, ils ont déversé tout ce qu’ils avaient dans le cœur et, par conséquent, révélé au public leurs mauvaises conditions de vie et de travail. «Nous tenons à rappeler que les médecins en spécialisation communément appelés DES sont titulaires d’un diplôme de Docteur d’Etat en médecine, à la suite de quoi ils embrassent une filière de spécialisation afin d’affiner leurs connaissances pour le grand bonheur des malades.
Dans ce cadre, ils assurent des activités de consultation, le suivi des patients hospitalisés, les permanences, les gardes ainsi que certains actes médicaux et chirurgicaux, totalisant ainsi un volume horaire dépassant les 40 heures par semaine», ont-ils précisé d’emblée. Avant d’ajouter que la continuité du service est assurée, pour l’essentiel (plus de 80%) par les DES dans l’écrasante majorité des hôpitaux de la région de Dakar. Qui plus est, à en croire le COMES, dans plusieurs régions où il n’y a pas de spécialistes, les DES qui effectuent un stage rural après 4 à 5 années d’apprentissage assurent le fonctionnement de leurs services respectifs.
Pour preuve, le COMES indique que ce sont des DES qui assurent les services de réanimation dans les centres hospitaliers régionaux (CHR) de Kaolack, Fatick et Ziguinchor ; de même ils assurent les services de pédiatrie dans les CHR de Kaolack et Sédhiou ; et le service de cardiologie dans le CHR de Kolda. Malgré ces responsabilités et cette énorme charge de travail, ces derniers ne sont pas traités conséquemment du fait de l’absence de statut, se désole le COMES. Il affirme dans la foulée que les médecins en spécialisation sont aussi confrontés à divers problèmes qui entravent leur épanouissement tant au plan professionnel que personnel, gage d’un meilleur rendement et de satisfaction des usagers du service de santé.
«LE SARS-COV-2 NE FAIT PAS DE DISTINCTION ENTRE AGENTS DE SANTE, QU’ILS SOIENT DU MINISTERE OU NON»
Toujours dans la lettre ouverte, les médecins en spécialisation font savoir au ministre Abdoulaye Diouf Sarr qu’ils se sont toujours impliqués corps et âme dans la lutte contre le Covid-19 au risque de leur vie et ou de leur santé pour honorer leur serment d’Hippocrate. «Ces époux, épouses, pères et mères de famille ne comprennent pas le traitement qui leur est réservé et dénoncent avec la dernière énergie le manque de protection lors des gardes d’urgences ; l’absence d’un statut définissant leurs droits et obligations ; l’absence de couverture maladie pour eux et leurs familles (conjoint, enfants) ; le nombre dérisoire de bourses de spécialisation accordé chaque année ; les retards récurrents constatés dans le paiement des bourses.
Pour preuve, l’allocation du mois de décembre 2019 a été payée le 27 mars 2020 et jusqu’au moment où nous écrivons ces lignes, la régularisation des mois de janvier, février mars et avril 2020 n’est pas effective », déplorent-ils.
Poursuivant, ils dénoncent le non-remboursement des frais d’inscriptions des non boursiers ; le défaut de prise en compte dans l’allocation des primes de risque et de motivation hospitalière alors qu’ils contribuent pleinement à la création des richesses. Ils disent apprendre, à leur grand dam, la lettre du DAGE du Ministère de la Santé les excluant tout bonnement des agents de santé du Sénégal. «Cette fois-ci, la pilule est trop grosse pour passer !
Loin d’être une question d’argent; si tel était le cas, nous nous serions manifestés d’ores et déjà pour les 4 mois d’arriérés de bourse», déclarent-ils. Une manière de dire que leur sortie se justifie par un souhait de recouvrer leur dignité mais surtout, la considération et le respect de leurs autorités de tutelle et des administrateurs d’hôpitaux. «Cette situation n’a que trop duré ! Jusqu’ici, nous nous sommes abstenus de toute action visant à entraver le bon fonctionnement du système de santé de notre pays, encore moins en ces temps de pandémie à Covid-19 où notre patrie a besoin de toutes ses forces valides, de surcroît de tous ses agents de santé. Vos conseillers ne sont pas sans savoir que le SARS-CoV-2 ne fait pas de distinction entre agents de santé qu’ils soient du ministère ou non», laissent-ils entrevoir.
POUR UNE ADOPTION AU PLUS VITE DU PROJET DE STATUT DU DES
En définitive, le COMES soutient que l’histoire lui a donné raison dans le combat pour la généralisation des bourses de spécialisation à tous les médecins pharmaciens et dentistes. A en croire le collectif, les spécialités définies comme étant non prioritaires telles que les maladies infectieuses et tropicales et la pneumologie occupent aujourd’hui le devant de la scène dans la lutte contre le Covid-19. Le COMES prend ainsi l’opinion à témoin et exige instamment le paiement intégral des arriérés de bourses, le remboursement des frais d’inscriptions des DES non-boursiers ainsi que la prise en compte de ses membres dans la liste des primes de motivation Covid-19. Il suggère aussi vivement la réparation des injustices et irrégularités susmentionnées par l’adoption du projet de statut du DES dans des délais raisonnables.