VIDEOLA CRAINTE SUSCITÉE PAR LA LOI SUR LE TERRORISME EST FONDÉE
Samba Thiam, professeur en histoire du droit à l'Ucad, décrypte les portées de la réforme du Code pénal entérinée le 25 juin dernier par l'Assemblée nationale dans un contexte de tensions, au micro de Baye Omar Gueye sur Sud FM

La polémique autour de la loi controversée sur le terrorisme, adoptée en procédure d’urgence par l’Assemblée nationale, a été au centre de la sortie du Pr Samba Thiam, invité à l’émission « Objection » de Sud Fm hier, dimanche 27 juin 2021. Occasion pour le coordinateur de l’Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA), de se prononcer sur la qualification ambiguë du « terrorisme » par la modification apportée sur le Code pénal et le Code de procédure pénale, et sur d’autres sujets annexes comme le trouble à l’ordre public, l’association de malfaiteurs, la marche...
Invité de l’émission «Objection» d’hier, dimanche 27 juin 2021, le professeur agrégé de droit, Samba Thiam, a confié qu’aujourd’hui, «de plus en plus, la loi gagne du terrain, pénètre notre vie et porte atteinte à nos droits fondamentaux, nos libertés fondamentales». Sous ce rapport, les craintes sur cette loi sont légitimes, dira-t-il. Dans cette nouvelle loi d’ailleurs, l’absence de définition exacte du terme «terrorisme» est assez frappante. C’est ce qui alimente la polémique, puisque la loi est totalement imprécise à ce propos, note-t-il. «Dans ce texte, je ne vois pas la définition du mot ‘’terrorisme’’.
Le législateur, celui qui est chargé de faire la loi n’a pas essayé de le définir», fait constater le Pr. Thiam. Et de poursuivre : « Par contre, ce qu’a fait la loi, c’est de poser des actes, de définir des comportements qui pourront être qualifiés d’actes terroristes. Et ce n’est pas une spécificité sénégalaise mais, c’est partout dans le monde. C’est très difficile de dire ce qui est le terrorisme ». Ne s’en limitant pas là, le professeur Thiam fera comprendre que sur le fond aussi, la qualification d’association de malfaiteurs pose également problème avec la loi en question. « Et on va jusqu’à confondre trouble à l’ordre public, association de malfaiteurs avec le qualificatif de terrorisme ».
Sur ce point, l’ancien directeur de l’Institut des Droits de l’homme et de la paix (Idhp) indique : «L’association de malfaiteurs est une notion qui a toujours existé dans le Code pénal. Ce que j’ai vu dans cette nouvelle loi, c’est d’avoir qualifié, considéré une association de malfaiteurs, un trouble à l’ordre public et les menaces à des actes terroristes». De toute façon, conclut-il, « il faut laisser au juge de dire qu’est ce qui correspond au trouble à l’ordre public ». Se prononçant dans la foulée sur la notion de responsabilité pénale de la personne morale, le Pr Thiam s’est dit d’avis que c’est une très bonne chose. «On a toujours attendu cela.
Le principe a été posé depuis très longtemps ; l’histoire nous l’enseigne. Il n’y avait pas possibilité d’engager la responsabilité pénale des personnes morales. Maintenant, la loi vient donner la possibilité de faire sanctionner une personne morale, c’est-à-dire un groupement. C’est une bonne chose, à mon avis», confie-t-il. A ce niveau, le Pr Samba Thiam, dit n’avoir aucune «inquiétude par rapport à cela», même si une telle disposition, pour certains, est taillée sur mesure pour une certaine classe de leaders politiques, surtout après les événements de mars dernier Parce que, justifie-t-il, «même quand on est arrêté et poursuivi, il faut qu’il y ait une possibilité de démontrer l’imputabilité. En quoi je suis responsable de ce qui est arrivé ? Je crois qu’une enquête doit être menée. S’il y a une relation entre ce qui s’est passé, si c’est votre instigation, si c’est vous qui avait poussé, si ce sont vos ordres… On peut bien évidemment vous poursuivre. Mais on ne peut pas poursuivre comme ça, spontanément».
Raison suffisante pour Samba Thiam de revenir sur les fondamentaux : «…dans une démocratie le rôle de la justice, c’est d’arrêter le pouvoir, d’appliquer notre droit et au service de l’intérêt général. Le juge est là pour lire nos règles, pour dire nos droits et il doit lui-même faire respecter les principes fondamentaux que nous avons élaborés pour assurer la protection de le personne si on reste sur le domaine pénal ».