VIDEOMULTIPLE PHOTOSLUTTE DE POUVOIR ET AMBITIONS CONTRASTÉES
Entre ambitions divergentes et luttes d’influence, la cohabitation au sommet de l’État sénégalais s’effrite entre Diomaye et Sonko. La fracture menace désormais la stabilité des institutions et l’avenir du projet Pastef. Décryptage d'Alymana Bathily.
La cohabitation entre Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko révèle une tension au cœur du système sénégalais : un président doté de pouvoirs très étendus face à un Premier ministre dont l’autorité institutionnelle est limitée. Depuis avril 2024, l’équilibre est fragile, et les ambitions divergentes des deux hommes menacent de transformer l’alliance en rivalité ouverte.
Diomaye Faye incarne la légitimité institutionnelle. Président de la République, il concentre l’essentiel des pouvoirs exécutifs et entend gouverner sans contrepoids. Son horizon est clair : consolider son autorité et briguer un second mandat.
Ousmane Sonko, figure charismatique du PASTEF, reste le véritable moteur de la mobilisation populaire. Contraint de céder la candidature en 2024 pour contourner les obstacles judiciaires, il n’a jamais renoncé à son ambition présidentielle. Son objectif est de reprendre les rênes en 2029. Cette asymétrie institutionnelle accentue la rivalité : le président dispose des leviers, mais le Premier ministre conserve l’aura politique et la base militante.
Le méga meeting du 8 novembre au stade Léopold Sédar Senghor a marqué un tournant. Sonko y a réaffirmé son autorité sur la coalition en maintenant Aïda Mbodj à sa tête. La réaction de Diomaye Faye, désavouant cette décision et nommant Aminata Touré pour restructurer la coalition, a confirmé la rivalité. Ce bras de fer dépasse les personnes : il traduit une lutte pour le contrôle de l’appareil politique et de la coalition majoritaire.
Un risque pour la stabilité institutionnelle
La crise actuelle fragilise l’exécutif. Dans un système où le président concentre déjà l’essentiel des pouvoirs, la rivalité avec son Premier ministre ne crée pas une cohabitation équilibrée, mais une confrontation asymétrique. Le danger est double :
Institutionnel : la paralysie de l’action gouvernementale.
Politique : l’affaiblissement du projet PASTEF face à une opposition qui guette la moindre faille.
Cette situation rappelle une constante des régimes présidentialistes africains : les alliances forgées pour conquérir le pouvoir se fissurent une fois le pouvoir acquis. La logique de coalition, efficace contre un adversaire commun, devient fragile lorsqu’il s’agit de gouverner. Au Sénégal, cette fracture est d’autant plus sensible que le régime actuel s’est construit sur une promesse de rupture avec l’ère Macky Sall. La division interne risque de donner des arguments à l’opposition et d’affaiblir la crédibilité du projet.
La lutte rassemble, le pouvoir divise. Entre un président qui concentre l’essentiel des leviers institutionnels et un Premier ministre qui incarne l’ambition populaire, le Sénégal entre dans une zone de turbulences politiques. La question n’est plus seulement de savoir qui gouverne aujourd’hui, mais qui gouvernera demain.
Face à cette situation ubuesque, Alymana Bathily avance l’idée d’un gouvernement de cohabitation, à rebours du gouvernement d’union nationale prôné par certains observateurs. Selon lui, une telle union nationale ne ferait qu’enliser la crise, puisqu’elle impliquerait de mettre Sonko à l’écart de la gestion du pouvoir, alors même qu’il est l’instigateur du régime.
La crise entre Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko met en lumière une caractéristique centrale du système politique sénégalais : un président doté de pouvoirs très étendus, face à un Premier ministre institutionnellement faible. Cette configuration rappelle fortement la Ve République française, où le chef de l’État concentre l’essentiel des leviers de décision.












