« AUCUNE AUTORISATION D’IMPORTATION DE SACHETS PLASTIQUES NE SERA DELIVREE»
our Abdou Karim Sall, ministre de l’Environnement et du Développement durable, les dérogations apportées à la loi sur le plastique ne sont que des facilités accordées à cause de la pandémie du Covid-19

Les dérogations apportées à la loi sur le plastique déjà effective depuis le 20 avril 2020 ne vont pas impacter son application. Pour Abdou Karim Sall, ministre de l’Environnement et du Développement durable, elles ne sont que des facilités accordées à cause de la pandémie du Covid-19. Il prévient que nulle « autorisation d’importation de sachets plastiques ne sera délivrée ».
Alors qu’elle est entrée en vigueur depuis le 20 avril, toutes les conditions sont elles pour autant réunies pour la mise en application de la loi n°2020-04 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques ?
La loi a été promulguée le 8 janvier 2020 par le président de la République et publiée au Journal Officiel, le 20 janvier 2020. Ce sont là les conditions juridiques pour son entrée en vigueur. Les autres conditions techniques et matérielles se mettront en place au fur et mesure de l’application de la loi. C’est pour dire que l’Etat ne doit pas attendre que toutes les conditions soient réunies pour mettre en place une loi. Dans certaines situations d’urgence, comme c’est le cas actuellement avec l’ampleur de la pollution plastique, il faut légiférer et passer à l’action. Le reste suivra. Car, plus nous attendrons, plus le mal va empirer et atteindre le point de non-retour.
Où en êtes-vous avec les matériaux de substitution aux sachets plastiques ?
Il existe des sacs en papier et en tissu en grande quantité. Des industriels nous ont approché pour nous présenter leurs produits et exprimer leur volonté d’approvisionner le marché sénégalais. Il faut reconnaître que la disponibilité de ces produits alternatifs sur le marché dépendra de la demande. J’en veux pour exemple, les masques pour lutter contre le Covid-19. D’un produit importé, nous sommes passés, aujourd’hui, à un produit en grande partie fabriqué ici au Sénégal par nos artisans et nos industriels. Pour les gobelets en papier et à usage multiple, ils existent déjà en quantité sur le marché. Et, avec l’entrée en vigueur de la loi, ces produits seront davantage commercialisés.
Suite aux souplesses apportées dans l’application de la loi pour permettre aux populations de passer un bon ramadan, vous venez d’accorder un moratoire aux unités de production de sachets d’eau jusqu’à la fin de la pandémie du Covid-19. Cela ne risque-t-il pas de plomber l’application de la loi, comme ce fût le cas en 2015 ?
Comme vous le savez, la production et la commercialisation des sachets d’eau est une activité qui emploie des franges importantes de la population, même si elles occasionnent des dommages écologiques énormes. Même les acteurs du secteur le reconnaissent. Mais, les changements souhaités ne se produisent pas du jour au lendemain. C’est pourquoi, après concertation, il a été décidé de différer la mesure d’interdiction sur la production de l’eau en sachet. L’objectif est surtout d’éviter la fermeture brutale des unités de production d’eau en sachet et l’arrêt de la filière dans ce contexte de morosité économique et sociale.
Et qu’en est-il des autres dispositions ?
Les autres dispositions de la loi vont s’appliquer effectivement. Ce différé devrait permettre de travailler avec tous les acteurs concernés pour accompagner la reconversion vers des modes de production et de consommation plus durables dans le secteur de la production et de la vente de l’eau. D’ailleurs, les services compétents ont commencé la mise en œuvre des plans d’action pour éradiquer les produits plastiques ciblés.
Attendre jusqu’à la date de mise en œuvre de la loi pour répertorier les entreprises qui s’activent dans la fabrication de sachets d’eau, n’est-ce pas un aveu d’échec?
Loin de là. Je rappelle qu’aux termes des dispositions du Code de l’environnement, toute activité susceptible d’avoir des incidences négatives sur l’environnement doit faire l’objet de prescriptions et de contrôle par les services compétents de mon département. C’est le cas pour les unités de production d’eau en sachet dont l’activité nuit gravement à l’environnement à cause des quantités importantes de déchets plastiques qu’elles engendrent. Pendant toutes les consultations que j’ai initiées dans le cadre de la préparation de cette loi, ces acteurs n’ont pas pu être rencontrés car ils n’étaient pas organisés comme c’est le cas aujourd’hui, quand il s’est agi de défendre leurs intérêts. Pourtant, j’ai consulté le secteur privé national, notamment les industriels qui travaillent dans la plasturgie. Toutefois, j’ai reçu les représentants du Collectif des acteurs de l’eau en sachet (CAES) pour échanger avec eux sur leurs préoccupations et leur transmettre la position de l’Etat
Certains spécialistes évoquent la possibilité de remplacer le plastique par des sachets en papier ou faits à partir de l’amidon. Cela pourrait éradiquer la forêt ou créer une insuffisance alimentaire. Quel dispositif avez vous mis en place pour ne pas en arriver là ?
La production de sachets en papier n’est pas synonyme de déforestation. Il faut éviter de tomber dans l’amalgame. Le plus important, pour nous, est que le papier provienne de forêts bien aménagées est exploitées de façon rationnelle et durable. Le choix du sachet en papier réside dans le fait qu’en fin de vie, ce produit ne pollue pas, contrairement aux sachets en plastique qui peuvent rester des centaines d’années sans se dégrader. Pour le problème de l’insuffisance alimentaire liée à la production de sachets à partir de l’amidon, il faut souligner que nous sommes à l’étape expérimentale dans certains pays. L’avenir nous en dira plus.
Qu’avez-vous prévu pour empêcher l’écoulement du stock de sachets plastiques déjà sur le marché?
Ce dont je suis sûr, c’est qu’aucune autorisation d’importation de sachets plastiques ne sera délivrée par le ministère de l’Environnement et du Développement durable. Au cas où ces sachets plastiques entrent frauduleusement dans le pays, les services de contrôle habilités procéderont à leur saisie, conformément à la loi, et infligeront aux contrevenants les sanctions prévues
Vous aviez aussi annoncé qu’une fois entrée en vigueur, la loi va instaurer la consigne sur les bouteilles plastiques. Les entreprises concernées sont-elles d’accord ?
Quand on n’est pas d’accord avec une loi régulièrement établie, il y a des voies de recours que la République a instituées. Mais, tant que la loi est en vigueur, on a le devoir de la respecter, sous peine de commettre une faute et d’être sanctionné conséquemment. La consigne est une disposition importante de la loi et elle s’appliquera comme telle. Les bouteilles en plastique ne sont pas interdites, mais doivent être consignées pour faciliter la collecte et le recyclage.
Quel en sera le mode opératoire ?
Les entreprises concernées doivent individuellement ou collectivement mettre en place des ecoorganismes qui vont se charger de collecter et de gérer leurs déchets plastiques, y compris les bouteilles en plastique. Le système de consigne se mettra en place progressivement, en rapport avec les entreprises concernées. Il est un peu plus complexe que le système de consignation des bouteilles en verre qui sont réutilisables par les producteurs. En effet, les bouteilles en plastique ne sont pas réutilisées par les producteurs et le coût de la bouteille est compris dans le coût total du produit. Néanmoins, nous y travaillons actuellement et, d’ici très peu, vous verrez le dispositif de la consigne se mettre en place./