DIRECTION GENERALE DES IMPOTS ET DOMAINES, PAR ICI L’APARTHEID !
Le malaise prévalant au sein de la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID) connait une nouvelle tournure avec la décision du Syndicat des travailleurs de l’administration fiscale (STAF) d’aller en grève

Le malaise prévalant au sein de la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID) connait une nouvelle tournure avec la décision du Syndicat des travailleurs de l’administration fiscale (STAF) d’aller en grève. Un préavis couvrant la période allant du 06 septembre au 06 octobre a été déposé sur la table du ministre de la Fonction publique et du Renouveau du Service public par le Staf le 03 septembre dernier. De graves perturbations en perspective pour l’une des plus importantes régies financières de notre pays.
La plateforme déposée sur la table du ministre de la Fonction publique et du Renouveau du Service public renferme trois revendications essentielles. Elles concernent la mise en place d’un système équitable de répartition des fonds communs, le maintien des acquis fonciers du STAF et une gestion équitable des carrières des agents sans discrimination de corps. « Cela fait exactement six ans que le Syndicat des travailleurs de l’administration fiscale (STAF) lutte contre un système discriminatoire de gestion du personnel et de répartition des avantages au niveau de la Direction générale des Impôts et Domaines sans résultat tangible. Diverses actions de lutte avaient été initiées, mais nous sommes désolés qu’aucune avancée significative n’ait été constatée.
Plusieurs demandes pour rencontrer le ministre des Finances et du Budget sont restées sans réponse. L’instruction 00009/MEFP qui octroie 63 % des avantages à 300 agents et 37% aux 1400 autres, continue à plonger des familles dans la précarité car ayant contacté des prêts avec le système précédent de répartition » souligne Dr Alassane Ba Secrétaire général du Staf. Ce dernier, dans une note d’explication adressée au SG de la CNTS Mody Guiro en date du 03 septembre, indique que « la conséquence est que des travailleurs qui, pendant des décennies, collaborent en parfaite harmonie, symbiose et synergie ont du mal à se dire bonjour. Jusqu’à présent des mères et pères de familles se posent des questions sur cette division désastreuse et machiavélique ».
La Cour Suprême annule l’instruction
La Cour Suprême, par l’arrêt n¨ 38 du 09 juin avait annulé l’instruction citée en haut mais « seulement dans ses dispositions relatives à son entrée en vigueur ». Autrement dit, bien que l’instruction soit annulée, elle juge légale qu’un BAC +2 (contrôleur des impôts et domaines) dans l’administration gagne plus qu’un BAC+ 5 ou 6 qui a accédé à la fonction publique par voie de concours sélectif avec, en plus, un parcours scolaire et académique honorable et même plus honorable que celui de beaucoup de ses collègues de la DGID qui ont la chance, eux, d’être des contrôleurs ou des inspecteurs des impôts ou des domaines. « Nous demandons aux hautes autorités, encore une fois, d’intervenir dans ce dossier qui est une apologie au corporatisme et à la désarticulation de l’administration, puis met fin au culte du mérite » indique Dr Alassane Ba. « Pis, l’instruction elle-même est caduque car n’étant pas conforme à l’organigramme actuel de la DGID issu de l’arrêté du 10012 du 14 juin 2017 portant organisation de la DGID. Ce même arrêté verrouille quasiment les postes aux autres corps non fiscalistes. Certains postes qui ont été déverrouillés ne le sont que dans la théorie. Des postes de spécialités ou la direction dispose d’ingénieurs de conception sont réservés aux contrôleurs des impôts dans cet arrêté. Des cadres non fiscalistes sont entrés à la DGID comme agents en complément d’effectifs (agents de bureau) et sont partis à la retraite comme agent de bureau » révèle, pour le regretter, le Dr Ba.
DGID, un broyeur de cadres
A la DGID, les humains sont constitués par les quelque 300 inspecteurs et contrôleurs des impôts et domaines. Tout le reste, soit près de 1400 agents sont relégués en « sous hommes ». D’ailleurs, leur panier de primes est assimilé à un panier « Ebola ».
La discrimination est même culinaire puisqu’au resto, il y a des places de choix réservées aux humains (inspecteurs et contrôleurs des impôts et domaines), et des sortes de tabourets aux « sous humains » fussent-ils des cadres ayant fait Bac+7 ! C’est pire qu’à Soweto durant les pires moments de l’apartheid. Pour en revenir aux primes, qui sont la principale pomme de discorde, les inspecteurs et contrôleurs des impôts et domaines ont touché des dizaines de millions de frs lors du 4ème trimestre tandis que les « sous humains » ont perçu 300.000 frs en moyenne. Une véritable aumône genre « sarakh nguir Yallah ». Elle est réservée aux « sous-hommes » que sont les non-fiscalistes tandis que les Aryens que sont les inspecteurs des impôts et domaines reçoivent leur part du pactole même lorsqu’ils sont détachés au Palais de la République où à l’ex- Primature comme conseillers spéciaux, conseillers techniques ou rangs assimilés. Ce même s’ils n’ont pas participé activement aux résultats financiers ayant justifié les « fonds communs ». Ou, plutôt, les fonds de la discrimination ! Le système est étendu au niveau du ministère de l’Economie et des Finances pour les inspecteurs généraux des finances, les inspecteurs des finances, les conseillers techniques ou rang assimilé.
A la DGID, le cadre non fiscaliste qu’il soit ingénieur informaticien, statisticien, topographe, géomètre ou géomaticien, comptable, financier ne pourra jamais s’imaginer, même dans ses rêves les plus fous, bénéficier d’une promotion pour ne serait-ce que diriger une section. Quant aux directions, il ne faut même pas y penser ! L’aberration est notée à travers l’Arrêté portant organisation de la DGID de 2017.
L’Art 74 évoquant le Bureau de la centralisation des recettes et des statistiques notamment la section « Analyse et Projections des recettes » est dirigée par un contrôleur des impôts et des domaines. Ce dernier coiffe ainsi des agents statisticiens et informaticiens de niveau Bac + 4. Une autre aberration est notée à l’art 62 du même document où il est écrit que « la Direction des Systèmes d’information est placée sous l’autorité d’un Inspecteur des impôts et des domaines ayant au moins le grade de principal ». Ce dernier, un inspecteur des impôts et domaines qui n’y connaît que dalle en matière informatique, coiffe pourtant des ingénieurs informaticiens confirmés et sortis de grandes écoles comme les Ecoles Polytechniques de Dakar et de Thiès. Des ingénieurs informaticiens qui sont pourtant à la base de l’informatisation du système de paiement par voie électronique dénommé Système intégré de gestion de l’information financière (SIGIF). On raconte qu’un inspecteur des impôts est allé jusqu’à souvent ironiser en disant aux agents non fiscalistes que « nos textes ne vous permettent pas de faire carrière à la DGID. Allez voir ailleurs ».
Le problème c’est que nos braves 300 agents des impôts et domaines à eux seuls ne pourraient jamais faire tourner à eux seuls la DGID car ils auraient toujours besoin, sauf à être des démiurges, d’assistantes, de statisticiens, de comptables, de financiers, d’ingénieurs informaticiens ou tout simplement de chauffeurs et de plantons ! S’agissant des cadres, les exemples foisonnent de ceux d’entre eux qui ont été broyés par le système discriminatoire. Vous voulez des exemples ? En voilà ! « Un ingénieur statisticien entré à la DGID comme agent en complément d’effectifs est allé à la retraite comme agent en complément d’effectif. Un brillant cadre sénégalais sorti du prestigieux Institut de formation et de recherche démographique (IFORD) de Yaoundé, qui ne sélectionne qu’un Sénégalais tous les deux ans, végète au niveau de la DGID. Un autre cas, c’est celui du Dr Alassane BA docteur en système d’information qui a le statut d’agent en complément d’effectifs ».
Et on pourrait multiplier les exemples à l’envi. Le malaise est devenu profond et malheureusement, Bassirou Samba Niasse, l’actuel Dg de la DGID, malgré sa bonne volonté, ne peut pas y faire grand-chose tellement le lobby des « fiscalistes », auquel il appartient du reste — tout comme le ministre des Finances et du Budget et ses prédécesseurs — est puissant. Espérons que le préavis de grève déposé par le STAF soit le début d’une révolte du personnel Ebola qui n’entend plus laisser pérenniser un tel système.