LA MENDICITE ET LA PROSTITUTION FONT DU SENEGAL UN PAYS CONVOITE
Souvent dissimulée sous le couvert de la religion, des individus acheminent des centaines d’enfants pour les exploiter à des fins commerciales, notamment par la mendicité, et envoient des jeunes filles dans les zones minières.

La traite des enfants et la prostitution sont des phénomènes devenus courants et presque banalisés dans la sous-région. Souvent dissimulée sous le couvert de la religion, des individus acheminent des centaines d’enfants pour les exploiter à des fins commerciales, notamment par la mendicité, et envoient des jeunes filles dans les zones minières. Pour lutter contre ce fléau régional, les acteurs de la justice de Guinée-Bissau, de GuinéeConakry, de Gambie et du Sénégal se sont réunis du 8 au 10 avril afin d’élaborer un plan commun de lutte.
La traite des êtres humains atteint une ampleur inquiétante avec des estimations mondiales du nombre de victimes variant entre 700 et 900 millions de personnes. Il s’agit d’une activité particulièrement lucrative, classée par certaines études comme la troisième source de revenus illicites après le trafic d’armes et de stupéfiants.
En Afrique de l’Ouest, quatre pays membres de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) partagent cette même réalité : la traite à travers la mendicité et la prostitution. Il s’agit du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée et de la Guinée-Bissau. Malgré de nombreuses initiatives de prévention, ce phénomène reste un véritable défi pour les autorités. Une partie de la population perçoit encore cette pratique comme une étape essentielle dans l’éducation religieuse et l’acquisition de connaissances théologiques, notamment pour les jeunes talibés des écoles coraniques appelées communément «daara». Des enfants talibés sont ainsi convoyés depuis l’intérieur du Sénégal, mais aussi depuis des pays voisins comme la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali ou encore la Mauritanie, pour être exploités dans les rues de Dakar, principalement à travers la mendicité. Dénonçant cette pratique dissimulée sous un manteau religieux, Mody Ndiaye, secrétaire permanent de la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes, estime que l’ampleur du phénomène, notamment chez les mineurs, révèle la faiblesse des mécanismes de détection et d’identification des victimes.
Poursuivant son discours, il déplore le fait que ces lacunes empêchent de lutter efficacement contre les réseaux et de briser la chaîne des re-victimisations qui alimentent ces trafics. «La couverture religieuse crée un sentiment d’impunité chez les trafiquants, qui ont bien compris que la traite des enfants offre un rendement financier élevé pour un risque pénal faible. La faiblesse des moyens alloués à la lutte contre la traite dans les budgets étatiques nous oblige à mutualiser nos forces pour mieux faire face à ce fléau transfrontalier. C’est pourquoi nous avons besoin d’une collaboration étroite entre tous les acteurs de la chaîne pénale de la sous-région», a souligné Mody Ndiaye qui appelle également à la vigilance des parents pour éviter de confier leurs enfants à des marchands d’illusions.
DES CENTAINES DE JEUNES FEMMES ORIGINAIRES DE LA SOUS-REGION SE PROSTITUENT
Outre la mendicité, la prostitution est également devenue un moyen d’exploitation des victimes de traite. Depuis plusieurs années, une recrudescence de la prostitution forcée est observée dans le sud-est du Sénégal, notamment dans la région aurifère de Kédougou avant de gagner les autres villes. Des centaines de jeunes femmes originaires de plusieurs pays de la sous-région y sont victimes de traite. Les servitudes domestiques concernent principalement les jeunes filles.
Pour sa part, Benjamin Ntoung, représentant régional du bureau du Conseil des Nations unies, fait savoir que les gouvernements de la sous-région ont multiplié les initiatives au cours des deux dernières décennies. A l’en croire, ils ont commencé par ratifier les conventions internationales, notamment la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée dite Convention de Palerme et son protocole relatif à la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Ensuite, poursuit M. Ntong, ces pays ont adopté des législations nationales et mis en place des mécanismes de coordination pour la prévention et la lutte contre la traite. «Ces mécanismes nationaux de coordination interagissent dans le cadre du dispositif régional mis en place par la Commission de la CEDEAO en 2007, visant à renforcer la lutte contre la traite des personnes et à assurer un meilleur référencement des victimes dans la sous-région. Cette dynamique contribue à renforcer les liens entre acteurs dans la mise en œuvre des politiques, programmes et projets de lutte contre la traite», a affirmé le représentant de l’ONU