LA VERITE DES FAITS A PROPOS D’UN PONTON D’UTILITE PUBLIQUE !
Attaché à la légalité et voulant, lui, faire les choses dans les règles, Eric Schmill, qui paye régulièrement ses impôts, tente depuis 12 ans d’obtenir une autorisation de construire un ponton qui relierait sa demeure au fleuve

Depuis quelques temps, l’atmosphère du paisible village d’enfance du président Léopold Sédar Senghor, Djilor-Djidiack, dans la commune de Fimela, département de Fatick, est polluée par une histoire de ponton. Une histoire qui divise cette population de 1200 âmes. Pourtant, ce ponton construit dans le domaine fluvial par Eric Schmill, un résident français, et ouvert au public, n’est pas le seul dans ce hameau paradisiaque. Tout au long du domaine fluvial, des pontons sont érigés. Il y en a même un devant la résidence de président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niass, ainsi qu’en face de celles d’autres anciens ministres de la République. Tous ces pontons ont un point commun, celui d’avoir été érigés sans aucune autorisation administrative.
Attaché à la légalité et voulant, lui, faire les choses dans les règles, Eric Schmill, qui paye régulièrement ses impôts, tente depuis 12 ans d’obtenir une autorisation de construire un ponton qui relierait sa demeure au fleuve. Le chef de village, Souley Simon Faye, n’était pas favorable à un tel projet. Surtout que le ponton, s’il part de la résidence, d’Éric pourrait barrer le passage traditionnel du village. Outre le chef de village, le projet attise l’intérêt de l’association villageoise ADD (Association pour le développement de Djilor-Djidiack) portée sur les fonts baptismaux en 1987 et dont le but principal est d’intervenir dans tous les projets de développement du village. Ousseynou Mané, appelé Séni pour les intimes, est à la tête de cette association depuis une assemblée générale tenue le 26 décembre 2020. Nous l’avons rencontré à son domicile, au cœur du village, juste derrière la boutique Nexx Soow du coin.
OUSSEYNOU MANÉ : «Un groupe restreint ne peut pas prendre une décision pour toute une population»
Selon notre interlocuteur, Éric, qui vit dans le village depuis plus de 15 ans maintenant, a entamé l’érection du ponton le 22 mai 2021 sans l’accord des populations. «Il a adressé une lettre à notre association le 21 janvier 2021 pour demander l’érection du ponton. Comme c’était une question typiquement communautaire, j’ai partagé la lettre avec le bureau de l’association avant de répondre. C’est ainsi qu’Écric a demandé à me rencontrer. Au cours de cette rencontre, je lui ai réitéré la position de l’association villageoise qui est contre son projet. C’est d’ailleurs ce même jour que je lui ai demandé s’il avait au préalable pris langue avec le chef de village», nous confie Ousseynou Mané. Le même jour donc, toujours selon notre interlocuteur, avec le résident français et un de ses facilitateurs, ils sont allés voir le chef de village, Souley Simon Faye. Ce dernier demande une lettre écrite. «Mais, précise M. Mané, la deuxième lettre d’Éric ne comportait aucun destinataire et j’ai demandé au facilitateur de la lui retourner».
Après réception de la lettre retournée, Eŕic, selon le président de l’ADD, aurait décidé, sans aucune autorisation, de commencer la construction du ponton le 22 mai 2021 dernier. «Nous lui avons sommé d’arrêter les travaux, confie Ousseynou Mané. Mais, il les a repris 48h après. Je suis allé informer le chef de village qui a demandé l’arrêt immédiat des travaux. Une réunion a été organisée le lundi 24 mai 2021 à 16h 30 chez le chef de village, en présence de celui-ci, de quelques notables, de membres de l’ADD, d’Éric et son facilitateur et d’une conseillère municipale de Djilor.
L’assemblée a donné son accord pour la continuation du ponton mais je ne pouvais pas accepter qu’un groupe restreint prenne une telle décision pour une population de plus de 1000 personnes. À mon sens, la meilleure formule était de poser la question sur la place publique du village. Dans les deux groupes whatsapp du village, les gens étaient manifestement contre le projet. Le 05 juin 2021, l’association a tenu une assemblée au cours de laquelle 100 participants sur 107 ont dit non au projet de ponton d’Éric. Nous avons rédigé un procès verbal que nous avons déposé à la mairie et à la sous-préfecture de Fimela. Le sous-préfet Ousmane Diédhiou a auditionné toutes les parties et saisi le gouverneur qui l’a instruit de réunir les concernées pour trouver une solution à l’amiable. Nous avons tenu cette rencontre le 26 juin à la salle de déliberations de la mairie de Fimela. Il y avait le sous-préfet, le maire, des conseillers, le chef de village et des notables, des membres de l’ADD, le commandant de la gendarmerie de Fimela et le directeur régional de l’urbanisme de Fatick. Il a été convenu, au sortir de cette rencontre, que le sieur Éric Schmill fasse une nouvelle demande d’autorisation pour son ponton afin qu’un autre endroit lui soit désigné».
À en croire Ousseynou Mané, cette décision n’a jamais été respectée et, malgré la descente de la DSCOS (Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol) de Kaolack le 6 juillet dernier, les travaux interrompus auraient repris le 26 juillet. Aujourd’hui le ponton est quasiment achevé et Ousseynou Mané, qui soutient ne vouloir nullement verser dans la violence, demande, au nom de son association, que le promoteur démolisse lui-même le ponton. «Nous défendons un principe qui est de réglementer les pontons afin de préserver nos plages. Nous avons un projet de construction de mur de clôture contre l’avancée de la mer et il y est prévu l’érection d’un ponton pour tout le village. La contribution de tout un chacun est la bienvenue pour réaliser ce projet» conclut notre interlocuteur.
Le chef de village campe sur sa parole donnée
Pour le proche entourage du chef de village, Souley Simon Faye, les propos du président de l’ADD sont tout simplement mensongers en ce sens que, selon eux, c’est Ousseynou Mané lui-même qui serait à l’origine de tout ce tohu-bohu. «Le chef de village ne connaît pas Eric et s’était toujours opposé à son projet d’érection de ponton. C’est Séni qui est lui-même venu plaider une autorisation d’ériger un ponton pour Éric. Nouveau refus du chef de village qui a demandé une assemblée avec les notables du village. Devant les notables, Seni a défendu le projet du sieur Éric qui, contrairement à ce que d’aucuns pensent, serait, selon lui, l’un des bienfaiteurs du village. Après sa plaidoirie, les notables ont tous donné leur accord et le chef du village a entériné la décision» témoigne une source très proche du chef de village.
Selon la même source, Ousseynou Mané est revenu un beau jour pour dire qu’il a parlé avec le bureau de l’association pour le développement de Djilor-Djidiack — qu’il dirige — et que les membres sont... contre le projet ! “Le chef de village, qui est un homme de parole, refuse depuis lors de renier la sienne donnée devant l’assemblée et de se plier aux exigences d’une girouette”. Dans le village, outre les positions tranchées des membres de l’ADD, les populations n’ont vraisemblablement aucun problème avec la construction du ponton. Une dame rencontrée sur place a même soutenu que le seul tort d’Éric est de ne pas avoir... épousé une fille de la localité.
Éric Shmill : «Le ponton est à la disposition du village»
Quant au promoteur du ponton, Éric Schmill, que nous avons joint au téléphone sur son compte whatsapp, il soutient que son seul tort a été de vouloir faire les choses dans les règles en disposant d’une autorisation en bonne et due forme. Il assure avoir non seulement pris en compte les préoccupations des villageois de ne pas barrer leur passage traditionnel en laissant une distance d’une bonne trentaine de mètres entre sa résidence et le ponton mais encore, il laisse l’accès libre à tout le village qui peut l’utiliser à sa guise. Une thèse confirmée par des villageois. Ce ponton en bois quasiment achevé a coûté plus de 4,5 millions de F CFA au promoteur qui s’interdit de se mêler des querelles internes du village mais remercie les autorités locales pour leur accord à son érection. Le commandant Dione de la DSCOS, joint par nos soins, n’a pas voulu se prononcer sur la question.