LE DESENCHANTEMENT DES CADRES QUI ONT TENTE L’AVENTURE
Le mythe de l’Eldorado est toujours présent chez beaucoup d’Africains. Malheureusement, de nombreux migrants sont souvent confrontés à toutes sortes de difficultés et voient leur espoir d’un lendemain meilleur anéanti.

Le mythe de l’Eldorado est toujours présent chez beaucoup d’Africains. Malheureusement, de nombreux migrants sont souvent confrontés à toutes sortes de difficultés et voient leur espoir d’un lendemain meilleur anéanti. C’est le cas du banquier à la retraite El Hadji Ndiaga Thiam et de Fatou Bintou Lo. Après plusieurs années d’aventure infructueuse en occident, ils sont revenus au bercail pour refaire leur vie. Ils ont témoigné sur leur vie d’expatriés hier lors d’un atelier organisé par le Panos en collaboration avec l’Unesco. L’atelier porte sur la question de la migration.
El hadj Ndiaga Thiam, âgé aujourd’hui de 65 ans et banquier à la retraite, avait chopé le virus de l’émigration. Après avoir perçu ses indemnités de départ après 15 ans de service dans une banque de la place, il a réuni ses économies et s’est envolé pour l’Italie. Mais son rêve de décrocher un job bien rémunéré afin de se refaire une bonne santé financière a vite tourné au cauchemar. «Après avoir reçu mes indemnités de départ et soldé mon prêt immobilier, j’ai pris le reste de l’argent pour émigrer. Entretemps, un ami qui vit en Italie m’a rendu visite et je lui ai fait part de mon intention de tenter l’émigration. Il trouvé l’idée géniale et m’a aussitôt encouragé en disant qu’il y avait du travail. Fort de ces conseils, je me suis envolé pour la Belgique où il est venu me chercher pour me conduire en France. C’est par la suite que je suis allé en Italie. Sur place, j’ai vu mon ami laver, la nuit, ses habits dans les toilettes. Au bout de quelques jours, il m’a remis une valisette contenant des produits pour que j’exerce le métier de marchand ambulant. Nous étions 8 personnes à partager la même chambre», raconte le banquier. On peut dire que la chance ne lui a pas souri. Car la première fois qu’il est allé vendre ses articles, il est arrêté par la police. Mais après un an de calvaire, El Hadji Ndiaga Thiam a pris son courage à deux mains et est rentré au bercail. «Je suis revenu, car toute ma famille était à Dakar. A mon retour, j’ai eu la chance de décrocher un nouvel emploi dans une autre banque. J’ai travaillé pour le compte de cette banque à Diourbel pendant un an avant de décrocher», renseigne-t-il avant de regretter amèrement son aventure italienne.
L’ENSEIGNANTE: «JE SUIS REVENUE AU SENEGAL APRES 14 ANS SANS RICHESSE»
Même son de cloche. La dame Fatou Bineta Lo a pratiquement vécu la même expérience. Professeur d’espagnol, elle a décidé de quitter, du jour au lendemain, son métier d’enseignante pour tenter l’aventure. Elle choisit de déposer ses baluchons en Italie. Malheureusement au pays de Berlusconi, elle peine à profiter de son métier. C’est ainsi qu’elle devient médiatrice culturelle et linguistique de 1999 à 2013. «Lorsque je suis arrivée, je n’ai pas pu avoir un boulot adéquat, car mes diplômes n’ont pas été reconnus. J’ai eu la déception de ma vie. C’est finalement le métier de médiatrice que j’ai fait», relate-t-elle. En Italie, l’enseignante à la retraite a connu des conditions de vie extrêmement difficiles. «Mais ce qui m’a le plus marqué au cours de cette aventure, c’est l’histoire d’un jeune Sénégalais qui souffrait du cancer de foie en phase terminale. Ce jeune devait revenir au Sénégal, mais ses parents lui ont demandé de rester se soigner en Italie, alors que les médecins avaient déjà engagé le pronostic vital. Il ne lui restait plus beaucoup de temps pour vivre. Le jeune homme me confiait toutes les difficultés qu’il a vécues. Finalement, je l’ai convaincu de revenir au bercail. Nous sommes arrivés au Sénégal le mardi. Le lendemain (mercredi), il a passé la journée avec les membres de sa famille et le jeudi il est décédé», témoigne-t-elle. Fatou Bintou Lo raconte le cas d’une dame qui a vécu pendant 7 ans avec son mari et sa coépouse, mais qui n’est jamais sortie de sa maison. «Ces derniers l’a battaient tous les jours. Je l’ai amenée dans un centre d’accueil de migrants afin qu’on puisse la prendre en charge», confie la dame Fatou Bintou Lo qui regrette amèrement son aventure en Italie. «J’ai perdu 14 ans de ma vie en Italie, je suis rentrée les mains vides», se plaint-elle. A l’en croire, les personnes qui marchent en claudiquant ne le font pas pour frimer. «C’est lié au fait qu’elles portent des sacs très lourds qui ont fini par déformer leur démarche», explique-t-elle. Pour Fatou Bintou Lo, aucune campagne de sensibilisation ne saurait décourager les jeunes à émigrer, car ils sont souvent leurrés par leurs devanciers. C’est pour lutter contre ce mirage que l’Institut Panos en collaboration avec l’Unesco, a organisé hier un atelier de formation des journalistes sur la migration.