LE SENEGAL RATE LES OBJECTIFS
3 700 personnes tuées sur la route chaque jour dans le monde, révéle, le responsable du Programme de politiques de transport en Afrique, lors du forum national de la sécurité routière sur le thème «sécurité routière au Sénégal : Bilan et perspectives»

Environ 3 700 personnes sont tuées sur la route chaque jour dans le monde, a révélé hier, le responsable du Programme de politiques de transport en Afrique (SSAPT) qui faisait le bilan de la sécurité routière, lors du forum le forum national de la sécurité routière sur le thème «sécurité routière au Sénégal : Bilan et perspectives». Selon Ibou Diouf, au moment où la moyenne mondiale est de 18 personnes tuées pour 100 000 habitants, en Afriques le taux monte jusqu'à 27 personnes tuées pour 100 000 habitants. Pis, compare M. Diouf, «au Sénégal, la situation n’est pas meilleure». D’après lui, les statistiques enregistrées entre 2014 et 2017, indiquent qu’il y a trois morts tous les 2 jours et 2 blessés par jour. «Pour une population de 15 millions d’habitants, c’est quand même assez significatif», estime-t-il.
«Aujourd’hui, il y a un consensus que nous n’atteindrons pas cet objectif»
Pour M Diouf, ces chiffres et cet état de fait interpellent toute l’Afrique qui occupe la dernière place. «Les accidents de la route occupent une place première parmi les 10 principales causes de mortalité pour les jeunes âgés de 15 à 29 ans. En termes de conséquences immédiates à la fois pour l’économie, mais également pour la société, nous perdons entre 2% et 4% du Pib de chaque pays. Dans certains cas, nous avons évalué des pertes en termes de productivité à 17% du Pib», explique Ibou Diouf qui, par ailleurs, représentait le Directeur des opérations de la Banque Mondiale à ce forum. Il estime, en outre, qu’il y a des éléments qui ne sont pas mesurables tels la perte d’enfants ou d’une frange la plus importante de la population. «Les accidents impactent la vie des populations les plus vulnérables, mais impactent également les populations les plus productives. D’où la nécessité de réévaluer notre façon d’apprécier la conséquence immédiate des accidents de la route», recommande le responsable du SSAPT. De son constat, le Sénégal ne peut atteindre les objectifs de la décennie d’action 2018-2028 des Nations Unies visant à réduire de moitié les traumatismes liés aux accidents de la route. «Aujourd’hui, il y a un consensus que nous n’atteindrons pas cet objectif», avoue M. Diouf selon qui, il y a donc nécessairement une réévaluation de cette décennie du plan d’action d’abord au niveau des Nations unies, ensuite au niveau de l’Union africaine et en fin au niveau des Etats pour qu’enfin on prenne des mesure holistiques et drastiques qui permettent d’atteindre cet objectif, ne ce serait-ce que sur la décennie 2020-2030.
Pour «la mise en place d’une entité unique et autonome de gestion de la sécurité routière»
Le responsable du SSAPT a également posé le problème de la collecte des statistiques liées aux accidents de la circulation qui diffère d’une institution à l’autre même au sein d’un pays. «Aujourd’hui, quand on évalue le rapport mondial produit par l’OMS et celui que chacun des Etats produit, il y a un écart extrêmement important. Tant que nous n’aurons pas dans chacun de nos pays une entité unique chargée de collecter, de traiter et d’analyser les statistiques d’accidents, on ne peut pas avoir une source fiable qui reflètera la situation des accidents», fait remarquer Ibou Diouf. Il plaide, ainsi, pour la mise en place d’une entité unique et autonome de gestion de la sécurité routière conformément aux directives de l’UEMOA. «Il y a eu un consensus au niveau des Nations Unies pour que chacun des pays se dote d’une entité autonome chargée de la gestion de la sécurité routière», renseigne-til. Cependant, il reconnaît que «le Sénégal est en train d’améliorer, de façon notoire, la qualité des infrastructures de transport. C’est un élément important, parce que jusque-là, les conducteurs et les usagers se refugiaient derrière les insuffisances de la qualité des infrastructures pour justifier les accidents. Je voudrais faire un plaidoyer pour que l’équipement des routes en matière de signalisation soit une priorité, parce que quelques fois c’est un moyen manquant».
Me Youm : «Il y a beaucoup de textes qui doivent être revisités, évalués, modernisés et actualisés»
De son côté, le Ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Me Oumar Youm , a posé le problème de la fiabilités des statistiques. «Je rappelle que les statistiques en la matière ne sont pas très fiables. D’où l’urgence de mettre en place, comme vous l’avez suggéré, une unité de coordination devant, au moins, nous permettre de disposer des statistiques plus fiables et plus viables et les plus proches de la réalité», entrevoie Me Youm. «Il est impératif d’évaluer ce plan sur la sécurité routière, parce que j’ai l’impression que l’indication qui est fixée, de réduire de 35% (les accidents) n’est malheureusement pas atteinte. Il va falloir réviser ce plan, réévaluer et aussi se projeter sur l’avenir donc définir un nouveau plan sur la décennie après 2020», indique-t-il, rappelant la batterie de mesures prise par le gouvernant et allant dans le sens d’apporter une réponse durable à cette problématique qui constitue un enjeu économique et social majeur. «Je pense qu’il y a beaucoup de textes qui doivent être revisités, évalués, modernisés et actualisés», soutient Me Youm. «Avec ces initiatives phares, le Sénégal amorce un virage décisif dans la lutte contre l’insécurité routière qu’il convient d’aborder avec engagement, rigueur et pragmatisme, selon une approche collaborative. Il était donc nécessaire d’œuvrer, tous ensemble, à bâtir un consensus national fort autour de l’impératif de combattre l’insécurité routière en mettant chaque acteur devant ses responsabilités. Il s’agira de définir une nouvelle orientation nationale qui servira de cadre stratégique pour donner des réponses adéquates aux défis énormes qui nous interpellent sur cette question lancinante», explique le ministre.
CONTROLE TECHNIQUE - 44% des véhicules qui circulent à Dakar n’ont pas fait la visite
Près de la moitié des véhicules à Dakar n’ont pas fait de visite technique, révèle le Directeur des Transports routiers, Cheikhou Oumar Gaye. «En 2019, le taux fréquentation est de 56%, ce qui veut dire que 44% des véhicules qui circulent à Dakar n’ont pas fait de visite technique. Certains circulent avec de faux documents», renseigne Cheikhou Oumar Gaye qui intervenait, hier, lors d’un panel entrant dans le cadre du forum national de la sécurité routière sur le thème «sécurité routière au Sénégal : Bilan et perspectives». Il souligne aussi que le Sénégal qui délivre 30 000 permis de conduire par an, travaille en étroite collaboration avec les 200 autoécoles formelles pour une prise de conscience collective des problèmes liés à la sécurité routière. «Il y a des autoécoles clandestines», révèle encore M. Gaye. Selon le Directeur des Transports routiers, 83% des accidents répertoriés au Sénégal sont constatés au niveau du transport interurbain et 17% en milieu urbain. Ainsi, plaide-t-il pour une sensibilisation sur les accidents de la route. Parlant au nom du réseau des parlementaires pour la sécurité routière, Seydou Diouf indique que c’est cette recherche de gains égrenés qui, la plupart du temps, nous amène à des situations dramatiques. «Beaucoup de familles sont aujourd’hui disséminées, des vies brisées, des élans sont arrêtés, la vie de plusieurs jeunes est aujourd’hui compromise par la route», regrette-t-il. «Nous devons davantage nous concentrer sur le facteur comportemental si l’on veut diminuer significativement le nombre d’accidents. Il est impératif de continuer de veiller au bon état des routes, à améliorer la sécurité des véhicules et surtout à adapter notre dispositif normatif dans ce contexte de modernisation de notre réseau routier», recommande le député.