LEGS-AFRICA LIVRE 12 RECOMMANDATIONS
Une gestion des données limitée et peu transparente pour mieux apprécier l’évolution épidémiologique ; des décisions liberticides inefficaces qui renforcent le pouvoir du Président de la République

Une gestion des données limitée et peu transparente pour mieux apprécier l’évolution épidémiologique ; des décisions liberticides inefficaces qui renforcent le pouvoir du Président de la République ; ou encore des mesures drastiques contre les réalités d’une économie majoritairement immédiate et informelle. Telles sont les remarques faites par LEGS-Africa, avec l’appui technique et financier d’OSIWA, dans une étude portant sur la riposte à la pandémie Covid-19, au Sénégal.
Au total, 12 recommandations ont été formulées par le think-tank, Leadership, éthique, gouvernance et stratégies pour l’Afrique (Legs-Africa), initiative panafricaine d’orientation scientifique, politique, économique et sociale, dans une étude d’évaluation de la riposte à la pandémie de Covid-19 au Sénégal. Avec l’appui technique et financier d’OSIWA, dans le cadre du projet de redevabilité de la gouvernance sanitaire, économique et sociale de la pandémie à Covid-19 au Sénégal, Legs-Africa préconise entre autres, de «favoriser la redevabilité pertinente car, elle revêt un aspect à la fois éthique et juridique» ; «disposer d’une loi sur la santé publique à défaut d’un code de la santé». La mise en place d’une plateforme «Open data» visant à encourager et permettre aux organismes publics de diffuser de manière spontanée et structurée des données accessibles aux chercheurs et aux citoyens pour favoriser la transparence, fait partie des suggestions faites par Legs Africa.
Dans la même dynamique, le président de Legs Africa, Elimane Haby Kane et ses camarades du think-thank estiment nécessaire de «mettre en place un comité d’éthique avec des ressources humaines de qualité, capables de conseiller les décideurs, de protéger les populations et d’éclairer les chercheurs dans des situations d’urgence sanitaire». Mieux, et toujours dans la même logique d’instaurer une gestion claire, ils pensent qu’il serait bien de «respecter le principe de transparence et la redevabilité, en l’intégrant comme composante institutionnelle dans l’évaluation et le suivi des politiques de santé publique».
Toujours comme exhortations, ils optent pour l’instauration d’une véritable culture de santé publique pour éviter et/ou atténuer au maximum la survenance d’épidémies et leur dissémination; la refondation en profondeur de notre système de santé pour le rendre résilient afin de faire face aux prochaines épidémies ; ou encore la remise de la prévention et la précaution appliquée au centre des priorités des politiques de santé publique. A ne pas oublier la nécessité de mener un plaidoyer pour faire de l’investissement en recherche médicale une ultime urgence et priorité.
CES NOMBREUSES ANOMALIES NOTEES DANS LA RIPOSTE A LA PANDEMIE
Sur les raisons de toutes ces recommandations, l’analyse réalisée par l’équipe pluridisciplinaire de chercheurs spécialisés en droit de la santé, épidémiologie, économie et socio-anthropologie, avec le concours d’un statisticien et d’une vingtaine d’enquêteur, a fait paraitre certains constats. Il en ressort, que la gestion des données est limitée et peu transparente pour mieux apprécier l’évolution épidémiologique. Cela, dans la mesure où, selon eux, «les indicateurs sont majoritairement basés sur le nombre de tests qui reste faible dans le pays».
Pis, relèvent-ils comme principale difficulté, l’accès aux données, d’autant plus que «le processus d’acquisition de données est peu clair, avec une absence de linkage des bases de données et d’un organe de gestion et de régulation des bases de données à caractère public». L’étude relève aussi des décisions liberticides inefficaces qui renforcent le pouvoir du Président de la République.
En effet, les enquêteurs se sont penchés sur les mesures prises par l’Etat du Sénégal dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. C’est pour noter une «hypertrophie» des mesures, une «inflation des normes», ou encore l’adoption d’une approche «martiale» avec l’usage de la métaphore «guerrière».
Suffisant pour en déduire que «les décisions prises pour l’essentiel, portent atteinte de manière considérable aux libertés fondamentales garanties par la constitution en son article». Cela, d’autant plus que, selon eux, «plus la crise perdure, plus on se rend compte de l’absence de bases tangibles qui fondent la prise de certaines décisions». Ainsi donc, ils soutiennent que, non seulement les mesures de restrictions n’étaient ni opportunes ni proportionnelles, mais aussi que «les pouvoirs du Président de la République (PR) se trouvent renforcés».
Sur le plan économique, l’étude révèle une affectation négative du portefeuille des ménages et des caisses du gouvernement à cause des mesures d’état d’urgence, de couvre-feu, de restrictions des déplacements. Pour les enquêteurs, les mesures du Plan de résilience économique et social (Pres) qui s’en suivirent ne sont pertinentes que pour soutenir l’économie formelle dans le très court terme (maximum 40 jours), et que «sur les 1000 milliards, aucun filet pour sécuriser le secteur informel».