LES ACTEURS DU TRANSPORT CRAIGNENT LE PIRE
Quand la pandémie était dans des proportions importantes, les autorités étatiques avaient décrété un état d’urgence assorti d’un couvre-feu pour contenir la montée de la maladie.

Les annonces du président de la République suivies de celles du ministre de la Santé évoquant une plus grande rigueur dans le respect des mesures barrière sont fini de secouer les acteurs du transport. Après avoir vécu une disette à cause des restrictions, ils sont prêts à s’impliquer dans le respect des mesures barrières. Mais ils ne veulent pas entendre parler de limitation de passagers.
Quand la pandémie était dans des proportions importantes, les autorités étatiques avaient décrété un état d’urgence assorti d’un couvre-feu pour contenir la montée de la maladie. Des mesures qui avaient été accompagnées par des décisions fortes. Parmi elles, la limitation du nombre de passagers dans les transports en commun. Chez les bus Tata, cars Ndiaga NDIAYE et autres Cars rapides, plus de passagers debout dans les véhicules particuliers et clandos, le nombre de passagers était limité au chauffeur et à deux autres passagers. De fortes restrictions qui avaient fini d’installer une vraie crise chez les acteurs du secteur. Entre baisse des recettes, rareté des clients, la période d’avril à août fut terrible. Selon Balla Fall, chauffeur de la ligne 40, résidant à Hann Mariste, les recettes avaient connu une baisse de près de 60% avec la limitation du nombre de passagers. Aujourd’hui, avec une hausse des cas de contamination, beaucoup redoutent déjà une deuxième vague. Et les autorités sanitaires semblent être dans l’anticipation. «Il y a une mobilisation nationale à reprendre. Il faut absolument se lever comme un seul homme pour que tout le pays soit debout afin que ces mesures barrières entrent dans la routine des sénégalais…Nous devons nous rendre à l’évidence, être réalistes pour constater que quelque chose est en train de se passer. Il faut absolument le strict respect de l’arrêté du ministre de l’Intérieur sur les mesures barrières. Des dispositions idoines seront prises pour que cet arrêté en vigueur jusqu’au 5 janvier soit scrupuleusement respecté». C’est en somme ce qu’a annoncé le ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr. Même s’il n’a pas annoncé officiellement la limitation du nombre de passagers dans les transports, l’inquiétude gagne déjà les acteurs.
INQUIÉTUDE PALPABLE
A la Cité des Eaux, la circulation est très difficile en cette fin de journée. A la station de taxis qui fait face à l’agence de Sen’Eau, c’est le débat du jour. « Ne vous trompez pas, on va vers la restriction. Le ministre est juste en train de préparer les gens. Moi je n’en doute plus. On va vers de nouvelles restrictions », dit ce chauffeur de taxi, l’air dépité. Selon lui, cette mesure serait une catastrophe pour les acteurs du transport. « Nous n’avons même pas fini de nous remettre de la dure période de disette, si on doit limiter les passagers à nouveau, je vends mon taxi et retourne au village », dit-il d’un ton ferme.
Chauffeur de Ndiaga NDIAYE faisant l’axe Ucad-Pikine, cet homme de forte corpulence a l’air résigné. «Depuis que j’ai entendu le Président alerter sur la situation, j’ai compris qu’on allait tout droit vers ça. Mais comme c’est une mesure drastique, ils prennent le temps de nous préparer», estime-t-il. C’est pourquoi il a d’ailleurs décidé de prendre les devants. Depuis deux jours, dit-il, les heures de travail ont été augmentées. « J’arrêtais à 21 heures au plus tard, maintenant je vais jusqu’à minuit. Il faut faire le maximum d’économies. La première expérience nous a beaucoup servi. Et comme les pays développés ne sont pas à l’abri, nous autres sous-développés devons être intelligents », dit-il. Du côté des chauffeurs de clandos, l’inquiétude est la même. À juste raison. « Le Clando qui quitte l’entrée de Hann Mariste pour l’Ecole japonaise, il prend4clients. Si vous lui dites de n’en prendre que 2, c’est que vous lui dites de travailler à perte. Lors des restrictions, beaucoup avaient tout simplement décidé de garer leurs véhicules», explique Maloum, au volant de sa Peugeot 205, apparemment marquée par le poids de l’âge.
PRETS A PORTER LE PLAIDOYER POUR LE PORT DU MASQUE
Après l’expérience passée, les transporteurs ne veulent plus entendre parler de restrictions. Elles leur seraient fatales. Pour l’éviter, ils sont prêts à jouer leur partition. Masque en wax bien vissé, ce chauffeur de forte corpulence estime d’ailleurs que les chauffeurs n’ont pas été assez impliqués dans la riposte. « Nous pouvons exiger que tous les clients portent un masque. Nous sommes prêts à mettre notre argent pour acheter du gel qu’on remettrait à tous les passagers. Toutes les forces doivent être mobilisées et impliquées », estime-t-il. Parce que, selon lui, avec un vaccin et des mesures de précaution, on peut trouver des solutions à une crise sanitaire, mais pour une crise économique, il faut énormément de temps pour se relever. «Les restrictions avaient mis beaucoup de personnes au chômage. Maintenant il faut que chacun s’y mette pour ne pas vivre le même scénario », suggère-t-il.
LES ALLO DAKAR ET HORAIRES SOUFFRENT EN SILENCE
Parmi les victimes des mesures barrières, les transporteurs interurbains communément appelés Allô Dakar avaient souffert. En effet, l’autorité avait décidé d’interdire le transport interurbain. Ils en avaient souffert. Mamoudou Wone est chauffeur. Originaire de Thiambé dans le département de Ourossogui, il fait la navette Dakar-Ourossogui. « La premier chose que je regarde en recevant le point du jour, c’est le nombre de cas dans les régions. Je suis sûr persuadé qu’à ce rythme, il n’est pas exclu de retourner à cette décision. La France l’a fait et si vous regardez bien, toutes les dispositions qui ont été prises ici ont des ressemblances avec celles de la France. Eux sont retournés en confinement», dit-il avec amertume et inquiétude. Farba Fall lui, faisait le Allo Dakar entre Touba et la capitale. Mais pour lui, il n’y a pas à chercher loin. Le Sénégal va tout droit vers les mesures de restrictions. Pour parer à ces éventualités, il a changé de business. « J’ai décidé de me reconvertir dans le transport d’élèves. Au moins, en cas de nouvelles mesures, j’aurais une idée de ce qui m’attend», dit-il.
LES AUTORITÉS POINTÉES DU DOIGT
Pour la plupart des personnes interrogées, si aujourd’hui le respect des mesures barrières est discutable, la faute est aux autorités. En effet, dit ce gérant de multiservices, officiellement, le port du masque est toujours en vigueur. « Mais si vous voyez que les autorités elles-mêmes ont cessé de le porter, c’est comme si elles disaient aux gens : baissez la garde. Lors de la tournée économique du Chef de l’Etat, il y avait une foule énorme. Aucun respect des mesures barrières. Qu’on le veuille ou pas, c’est le message qu’on envoie aux gens », peste-t-il. Patron d’une entreprise de livraison, Khalil pointe aussi du doigt les responsables.
Selon lui qui a l’habitude de fréquenter les bureaux, les mesures barrières ont disparu depuis longtemps. « C’est rarement que je trouve un service ou tout le monde porte un masque et respecte la distance physique. Tout le monde avait fini de penser que le virus avait quitté le pays. Aujourd’hui, on ne sait plus où donner de la tête », peste-t-il. Quoi qu’il en soit, le Chef de l’Etat avait alerté : «une deuxième vague serait insupportable pour notre économie.» |