LIBERTE PROVISOIRE POUR LE RAPPEUR NGAAKA BLINDE
Pour falsification, mise en circulation de fausse monnaie

Ngaaka Blindé, Baba Ndiaye à l’état civil, et Khadim Thiam ont comparu hier à la barre de la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. Le rappeur avait été arrêté le 19 décembre dernier en possession de plus de 5 millions de francs en faux billets. L’agent judiciaire de l’Etat a réclamé 50 millions de francs de dommages et intérêts. Le procès est mis en délibéré pour le 27 décembre prochain. Le rappeur et son Co prévenu ont cependant obtenu une liberté provisoire.
Dans une salle remplie de monde, le rappeur Ngaaka Blindé et son Co prévenu, Khadim Thiam, ont fait face à la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. A la barre, le rappeur a expliqué qu’il devait tourner un clip à la cité Mixta. Pour cette vidéo, des filles devaient jeter de faux billets de banque. Le membre de son staff Khadim Thiam a ainsi tiré un billet de 10.000 francs sur Google qu’il a reproduit pour avoir un montant de 5.785.000 francs. En partant récupérer ses affaires en compagnie de ses collaborateurs, il a été interpellé en possession de ces fausses coupures remises par l’étudiant membre de son staff. Face au tribunal, le rappeur a soutenu qu’il ne savait pas que le fait de détenir de faux billets de banque était une infraction. Les limiers ont été informés de la situation sur place et ont trouvé que les billets étaient des photocopies de papiers 4 A. « J’ai fait plus de 10 vidéos. Je n’ai jamais demandé une autorisation », a déclaré le rappeur. Dans sa cellule de prison, il a eu écho de l’info faisant état des faux billets qu’il aurait envoyés à une dame. Ce qui, selon lui, est loin de la vérité. « J’ai tapé sur Google et j’ai téléchargé un billet de banque de 10 mille francs », a soutenu l’étudiant en master de sciences économiques à l’Ucad et codétenu du rappeur. D’après l’agent judiciaire qui défendait les intérêts de l’Etat, on prend trop à la légère des infractions graves. « Le faux monnayage est un crime. Ça ne doit plus être une infraction.
Si Interpol a été créé, c’est pour lutter contre ce genre de fléau », a dit le représentant de l’Etat tout en précisant n’avoir rien contre les artistes. Toutefois, soutient-il, son devoir est de préserver les intérêts des Sénégalais. « Le faux monnayage a des conséquences désastreuses sur l’économie d’un pays. Il touche le consommateur en entraînant l’inflation des produits. Il y a un lien très étroit entre le faux monnayage et les réseaux de criminalité. Les conséquences sont graves. Il ne faut pas leurrer les Sénégalais. Le prévenu a été appréhendé dans sa voiture 4x4 avec ses amis en possession de faux billets d’un montant de plus de 5 millions de francs CFA. Baba a attesté que c’est Khadim qui a confectionné les faux billets de banque. Ce que l’étudiant en économie a reconnu à la barre. Même si ces billets sont confectionnés pour le tournage d’un clip, les prévenus tombent sous le coup de la loi 2018-02 sur le faux monnayage. Le simple fait de photocopier un billet de banque, c’est un crime. C’est le législateur qui le dit. Le législateur n’a pas pris en compte l’intention », a poursuivi l’agent judiciaire de l’Etat.
Selon l’Aje, l’économie du Sénégal en train de sombrer par la faute des faux billets
Ne s’en arrêtant pas là, l’AJE estime qu’« il y a trop d’anarchie dans ce pays. Il faut respecter les lois et règlements de ce pays. Le Sénégal va mal parce que les gens ne respectent pas la loi ». Au terme de sa longue plaidoirie, il a réclamé 50 millions de francs en guise de dommages et intérêts. Quant au procureur, il a requis l’application de la loi. Pour Me Anta Mbaye de la défense, les conditions de la complicité ne sont pas établies par la loi. « A la perquisition, nous avons vu une vulgaire imprimante. Ils n’ont trouvé chez mon client aucune substance permettant de fabriquer un billet de banque. Le fait principal n’était pas constitué. Les prévenus n’avaient pas d’intention coupable. Ils sont victimes de leur passion. Ils ne savaient pas que ce qu’ils faisaient étaient interdit par la loi » a plaidé la robe noire en sollicitant la relaxe des prévenus et, à titre subsidiaire, l’application de l’art 13 de la loi. D’après Me Aboubacry Barro, l’agent judiciaire essaie de prendre la place du parquet. « Le Sénégal ne sombrera pas. Certes, le faux monnayage comporte des inconvénients. Il ne faut pas prendre les prévenus pour des criminels. Ils ont du mérite. Car ils assurent pleinement leur rôle d’éveil. Citoyens modèles, ils sont soutenus par tous les jeunes. On doit libérer les créativités, booster les énergies. Au lieu d’encourager les jeunes, vous les jetez en pâture », a plaidé Me Barro. La défense a demandé la clémence du juge surtout que les prévenus ont fait plus d’un an en prison. Pour les avocats de la défense ce qui fait sombrer l’Etat du Sénégal, c’est d’emprisonner des âmes créatives, des philosophes de la société. L’affaire est mise en délibéré le 27 décembre prochain. En attendant, le tribunal a accordé la liberté provisoire aux prévenus.