MOBILISATION POUR LA RENAISSANCE DU «GRAND THIAROYE»
Composé à l’époque de 34 quartiers originels, le village se retrouve avec seulement 11 dont deux sous-quartiers…portés disparus. Wanted !

Jusqu’à une époque récente, le village traditionnel de Thiaroye-gare, crée vers 1800 sur une superficie de 168 Ha soit environ 2 Km², regroupait trente quatre (34) quartiers originels. Avec le récent redécoupage administratif effectué sur la base d’une nouvelle carte électorale, le village devenu commune de Thiaroye gare et disposant d’une population de plus de 80.000 habitants s’est finalement retrouvé avec onze (11) quartiers dont deux (02) géographiquement ou politiquement…portés disparus. Face à ce que les élus locaux, notables, jeunes leaders, imams et oumélas qualifient de redécoupage « superficiel et arbitraire », les populations sont entrées en rébellion à travers un mémorandum. But ? Une mobilisation de grande ampleur pour la renaissance du Grand Thiaroye. « Le Témoin » raconte…
Thiaroye ou, si vous préférez, Thiaroyegare ! Ce célèbre quartier de la banlieue dakaroise à l’image de Grand-Yoff, Médina, Grand-Dakar et autres Parcelles assainies semble avoir été défini comme étant le réceptacle de la délinquance urbaine. Hélas, ce sombre tableau n’est que la traduction de certains préjugés puisque la réalité est autre… tellement autre ! Il est vrai que Thiaroye-gare, comme l’indique son nom, est victime de sa gare, qui a pourtant fait son expansion et sa prospérité économique, mais aussi de son grand marché ayant acquis une dimension régionale où convergent commerçants étrangers et marginaux venus d’horizons divers. Des marginaux attirés aussi dans le temps par le grand bordel que constituait « Khourou Mbouki », un quartier pour prostituées étrangères qui s’était constitué à côté du camp militaire de Thiaroye — lequel accueillait un bataillon de parachutistes et une compagnie de transmissions. En dehors de ces deux marqueurs que sont la station ferroviaire et le marché de légumes, « Khourou Mbouki » ayant été rasé et le quartier rebaptisé « Sante Yallah », Thiaroye-gare a vu naitre, grandir et réussir plusieurs générations d’élites dans les domaines académique, politique, militaire, sportif, économique. Grâce à sa proximité avec le lycée Limamoulaye de Guédiawaye et le camp militaire des parachutistes qui présentent des facteurs d’attraction d’excellence et de vocation professionnelle, Thiaroye Gare peut se glorifier de nombreux fils prodiges devenus aujourd’hui d’éminents ministres, avocats, officiers de l’armée, professeurs d’université, journalistes, médecins, talentueux sportifs, richissimes hommes d’affaires, ingénieurs polytechniciens etc. Hélas ! Derrière l’arbre de cette élite thiaroyoise se cache la forêt des politiciens véreux et autres maires du dimanche qui considèrent les populations comme du bétail électoral compte tenu de la très forte démographie de Thiaroye-gare estimée à plus de 80.000 habitants. La forêt de la délinquance, aussi, hélas, la commune regorgeant de marginaux.
Encore une fois, Thiaroye ne saurait cependant être réduit à ces derniers comme certains tendent à le faire croire ! Citoyens, les habitants de Thiaroye gare le sont puisque leur taux d’inscription sur les listes électorales frôle souvent les 65 %. Malheureusement, cette commune manque presque de tout ! Pas de stade municipal encore moins d’hôpital digne de ce nom. Pire, la commune de Pikine, faute d’espace, s’est permis de construire son hôpital en plein centre de Thiaroye-gare précisément sur une partie du camp militaire. Encore, encore, les travaux de construction de canalisations d’eaux pluviales et d’élargissement des voiries entamés il y a dix ans tardent toujours à être achevés. Toujours est-il qu’en écoutant les Thiaroyois, le sentiment qui se dégage d’eux est celui d’une profonde frustration sociale mais aussi, fort heureusement, d’une détermination sans faille pour prendre leur destin en main. Autrement dit, aux élections de janvier prochain, les habitants de Thiaroye veulent se faire entendre ! Le récent redécoupage administratif opéré par l’Administration territoriale a contribué à les faire sortir de leurs gonds. Aux yeux des chefs de quartiers, notables, jeunes leaders, imams et oumélas, ce découpage de trop est perçu comme procédant d’une volonté politique manifeste de faire disparaitre le village historique de Thiaroye Gare de la cartographie électorale du département de Pikine compte tenu de l’engagement politique de sa forte population électorale. Ce qui explique la levée de boucliers des populations qui se sont exprimées à travers un mémorandum aux allures d’un réquisitoire sonnant la mobilisation dans le but de faire renaitre le « Grand Thiaroye » !
Le mémorandum de la rébellion !
Titubant sous le poids d’un lourd mémorandum, des jeunes du Cadre de concertation pour la réunification du Grand Thiaroye ont débarqué dans nos locaux (Le Témoin). Ils se sont empressés de dévoiler et d’expliquer le contenu de leur document renfermant la colère et la désolation des Thiaroyois suite aux récents découpages administratifs. « Regardez bien la cartographie électorale de Thiaroye et les tableaux des quartiers de l’époque…Composé de 34 quartiers originels, le village de Thiaroye se retrouve finalement avec 11 quartiers seulement à cause des découpages et redécoupages à en plus finir ! » se désole Baye Fine Faye dont l’essoufflement de frustration se fait entendre sous son masque anticovid19. « Vous croyez que cela est normal ! » s’étrangle ce jeune leader domicilié au quartier Fass3-Tally Diallo à Thiaroye Gare. Et Mamadou Lamine Diop, coordinateur du Cadre de concertation pour la renaissance du Grand Thiaroye, d’ajouter : « Plus grave, sur les 11 quartiers restants, deux sont géographiquement ou politiquement portés disparus ! Il s’agit de Darou Salam 1/B et Fass 2 dont la disparition est consécutive à la mise en œuvre du projet TER dans sa phase de libération des emprises ferroviaires. De ce fait, le village traditionnel de Thiaroye-gare est aujourd’hui composé de 09 quartiers originels. Parce que nous avons « perdu » entretemps deux quartiers à savoir Darou Salam 1/B et Fass 2. Nous les avons cherchés et recherchés en vain dans toutes les communes d’arrondissement voisines que sont Djidah Thiaroye Kao, Yeumbeul Sud, Diamaguène Sicap Mbao et Tivaouane Diack Sao. On ne les a retrouvés nulle part. Vous voyez comment des politiciens véreux, forts de leurs stratégies politiciennes, ont démembré, charcuté et réduit le village traditionnel de Thiaroye Gare. Mais à travers notre cadre de concertation, les populations vont se battre dans la rébellion politique et sociale pour la réunification du Grand Thiaroye » déclare-t-il (voir interview).
Une charcuterie purement électorale
La commune d’arrondissement de Thiaroye gare, en tant qu’entité administrative décentralisée, est née en 1996 avec la loi N°96-06 du 26 mars 1996 relative à la Régionalisation portant création de la Ville de Pikine, composée de 16 communes d’arrondissement dont Thiaroye gare. Avec le premier découpage administratif issu de la réforme de 1996, le village traditionnel de Thiaroye Gare se retrouve, aujourd’hui, découpé, disloqué voire éparpillé dans quatre autres communes d’arrondissement voisines que sont : Djidah Thiaroye Kao, Yeumbeul Sud, Diamaguène Sicap Mbao et Tivaouane Diack Sao. Contrairement aux autres villages traditionnels comme Yoff, Ouakam, Ngor, Hann etc. qui gardent intacts leurs limites territoriales antérieures, Thiaroye Gare s’est vue raser jusque dans ses fondements. Avec une très forte population électorale, la commune voire le village de Thiaroye vient de subir son pire redécoupage administratif. Une charcuterie électorale et politique qui intervient à l’heure où les villes et communes d’arrondissement des grandes démocraties du monde disposent d’instances locales de concertation. Au même moment, les habitants des quartiers périphériques et de la banlieue dakaroise, eux, sont toujours laissés à quai par la locomotive structurelle de la démocratie participative et inclusive. Aujourd’hui, force est de constater une désillusion totale des populations thiaroyoises face aux multiples maux et fléaux récurrents et endémiques auxquelles elles sont confrontées.
En parcourant le mémorandum élaboré par leurs forces vives, on constate chez les thiaroyois un sentiment d’indignation et de désolation matérialisé par ce découpage à problèmes. Et les signataires qui sont des notables, des chefs de quartiers, de jeunes leaders, des imams et oumélas accusent l’administration territoriale de vouloir égarer leurs « suffrages ». Et, surtout, hypothéquer toutes les ressources et les rares infrastructures existantes du village de Thiaroye Gare. D’où l’urgence nécessité d’une grande mobilisation pour la renaissance du Grand Thiaroye qui passe par la recomposition ou la restauration des 34 quartiers d’antan !