POUR LES FAMILLES IMPACTEES ET LES TRAVAILLEURS SENEGALAIS DE L’ENTREPRISE CHINOISE CRBC
Autoroute «Ilaa Touba» «Ilaa Barzak»

Le « parcours de l’enfer ». C’est la définition donnée à l’autoroute Thiès-Touba, dénommée « ILAA TOUBA », par les familles impactées et les travailleurs sénégalais de l’entreprise publique chinoise China Road and Bridge Corporation (CRBC). Cette dernière est chargée de l’exécution des travaux dudit projet, une infrastructure longue de 114,952 km, pour un coût de 410 milliards FCFA environ. « C’est le plus grand projet routier jamais engagé par l’Etat. Une autoroute qui est un instrument d’intégration nationale et un outil de développement social et économique », s’enthousiasmait le président de la République, Macky Sall, lors du lancement officiel des travaux.
Le chef de l’Etat, très heureux de jeter les bases de ce projet routier, « le plus grand de l’histoire du pays dans le cadre du Plan Sénégal Emergent », soulignait alors que « ce projet, qui contribuera à la création de plusieurs milliers d’emplois pour les jeunes, a nécessité des études minutieuses sur presque deux ans pour en mesurer les enjeux, définir les contours, évaluer les retombées et maîtriser les impacts sur l’environnement et le vécu quotidien des populations ». Et de se réjouir du « partenariat fécond qui connait un regain d’intérêt depuis ma visite d’Etat en Chine en février 2014 ». L’ambassadeur de la République de Chine, M. Huang XIA, pour sa part, était longuement revenu sur « l’exemplarité de la coopération sino-sénégalaise, à poursuivre au grand bonheur des populations ». Malheureusement aujourd’hui, l’autoroute ILAA TOUBA n’aura pas fait que des heureux. A preuve, les mouvements d’humeur des travailleurs et personnes impactées se poursuivent de plus belle. Le dernier en date reste le sit-in tenu ce lundi 17 décembre devant la base de Keur Mor Ndiaye, à Thiès, à 72 h de l’inauguration de l’infrastructure, le jeudi 20 décembre. En tout, plus de 2000 travailleurs entre Thiès et Touba ont protesté pour exiger « le paiement de nos indemnités de fin de chantier ». Ils interpellent le Chef de l’Etat et comptent rencontrer le Khalife général des Mourides à Touba pour lui expliquer la situation qui prévaut au sein de leur entreprise. Ndongo Dieng, leur porte-parole, dénonce : « les Chinois refusent de nous payer des indemnités de fin de chantier. On compte beaucoup de blessés parmi nous, d’autres ont rendu l’âme, sans avoir reçu d’indemnités venant de la Caisse de sécurité sociale. Il y a une période antérieure (environ 9 mois) qu’ils nous ont fait travailler sans contrat écrit, et ces contrats devraient en principe être requalifiés en CDI pour nous permettre de bénéficier de nos indemnités de fin de contrat »
Lundi 9 Mai : « Les travailleurs observent un arrêt de travail pour exiger de meilleures conditions de travail »
Le lundi 09 mai dernier, les travailleurs de la société CRBC, l’entreprise chinoise chargée du projet de construction de l’Autoroute ILAA TOUBA, ont observé un arrêt de travail. Ils exigeaient de « meilleures conditions de travail, des contrats, l’augmentation des salaires, entre autres doléances que la Direction générale tarde toujours à satisfaire ». Une grève que le délégué du personnel de la société, Abdoulaye Guissé, justifiait par un chapelet de réclamations. Entre autres, les ouvriers exigeaient « la signature des contrats légaux de travail pour tous les travailleurs, l’augmentation des salaires, la prise en charge totale des employés, la non-ingérence dans les affaires ouvrières, le paiement des indemnités de fin de contrat pour tous les travailleurs (anciens et nouveaux), le libre accès pour tout le monde au sein de l’entreprise ». Les protestataires disaient ne pas comprendre que « ce projet de plus de 400 milliards de FCFA soit le plus important de l’histoire du Sénégal, et que ses employés ne soient pas dans de bonnes conditions de travail ». Au niveau de la base de Keur Mor Ndiaye où les travailleurs sont estimés à environ quelques 200 éléments, Abdoulaye Guissé de s’offusquer : « la Direction nous a donné des modèles de contrats qui, franchement, ne servent à rien du tout, parce que faisant fi du paiement des indemnités de fin de chantier ». Les grévistes, après avoir saisi leur direction générale sur les problèmes auxquels ils sont confrontés, en vain, de souligner : « c’est ce manque de considération à notre égard qui, surtout, se trouve à l’origine de ce mouvement d’humeur spontané »
Des indemnités « très en deçà des attentes des personnes impactées
« Le dédommagement des 1700 propriétaires terriens du village de Keur Massamba Guèye, dans la commune de Fandène, impactés par l’autoroute à péage ‘’ILAA TOUBA’’, ne sera pas à la hauteur de celui reçu par les personnes impactées par l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) de Diass ». L’information avait été donnée par le maire de Fandène, Dr Augustin Tine, lors des journées de consultations gratuites organisées dans sa commune. Le ministre des Forces Armées disait que « c’est la décision prise par l’Ageroute et l’entreprise en charge du projet de construction de l’autoroute à péage Thiès-Diourbel-Touba ». Du coup, les plaignants, qui ont épuisé toutes les formes de démarche auprès des autorités compétentes, à Thiès, et de l’entreprise Ageroute, pour réclamer une indemnisation à la dimension des préjudices subis, voyaient leurs espoirs fondre comme beurre au soleil. Dans leur combat, ils se sont toujours indignés des indemnités jugées « dérisoires ».
Le président de leur collectif, Mor Diouf, n’avait pas manqué de fustiger « le niveau des barèmes utilisés par les autorités dans le cadre du dédommagement, qui est ‘’très en-deçà’’ de ceux pratiqués lors de la construction de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio ». M. Diouf soulignait que « l’autoroute Dakar-Diamniadio et l’Aéroport Blaise Diagne devraient plutôt servir de jurisprudence pour éviter toute injustice et réduire les risques de frustration à des proportions suffisamment négligeables ». A l’en croire, « les calculs sont faits à partir d’un barème caduc, qui date de 1964 et crée des problèmes aux commissions départementales, parce que très en-deçà des valeurs réelles des spéculations des espèces fruitières et forestières. De même que les terrains à usage d’habitation ».
«S’il faut passer sur nos cadavres pour réaliser ce projet, il le faudra, car nous sommes déterminées à aller jusqu’au bout»
On est le dimanche 08 novembre 2015. 1720 familles impactées de l’Autoroute dans le département de Thiès, tiennent une assemblée générale pour dénoncer le fait que « depuis le démarrage du projet jusqu’à nos jours, nous n’avons constaté que des ‘’tâtonnements’’ sur toute la ligne ». Aussi elles décident d’entreprendre des actions radicales pour sensibiliser davantage l’opinion publique sur ce que le secrétaire général de leur collectif, Yakhya Coly, appelait « l’insouciance des autorités par rapport à notre indemnisation juste et préalable ». Un sit-in se tient le dimanche 22 novembre au village de Keur Mor Ndiaye. Ces populations qui en ont ras-le-bol s’offusquent de « subir un préjudice énorme : perte de terres de culture, de constructions à usage d’habitation, de bâtiments d’élevage avicole, bref, d’activités diverses ». Mais, selon Yakhya Coly, « le préjudice moral est encore plus profond, car tous nos espoirs sont brisés ».
Les populations impactées estiment que « les limites d’AGEROUTE, l’entreprise chargée de diligenter le processus d’indemnisation, sont manifestes ». Et de poursuivre : « ils veulent nous indemniser sur la base de la loi sur le domaine national qui date de 1964. Mais depuis lors, il n’y a aucune réaction de la part d’Ageroute. Nous contestons d’ailleurs cette forme d’indemnisation faite sur la base d’une loi caduque qui ne prend point en compte les réalités actuelles qui sont totalement différentes des réalités d’alors. » Elles annonçaient alors leur souhait de contacter le Khalife général des mourides d’alors, Cheikh Sidy Moctar Mbacké, pour lui expliquer l’intention manifeste de l’Etat du Sénégal, consistant à « vouloir nous exproprier de nos biens acquis dignement et nous pousser dans la pauvreté. Nous allons poursuivre nos démarches dans ce cadre car nous comptons beaucoup sur lui pour nous aider à régler ce problème ». C’est que, selon ces populations, « le président Macky Sall ne peut pas faire moins que son prédécesseur Abdoulaye Wade qui a correctement indemnisé les populations de l’Autoroute à péage ». Aussi, à rappeler que le jour de la pose de la première pierre du projet, le mouvement pour la défense des intérêts de Diourbel était descendu dans la rue pour exprimer sa désapprobation par rapport au fait que « le tracé de l’infrastructure passe à environ 18 km de la commune de Ndiarème ». Et d’exiger que « cette distance soit ramenée à deux kilomètres afin que les Diourbellois puissent bénéficier des retombées ». Mamadou Wendé Dieng, citoyen de Diourbel, parmi les initiateurs de ce mouvement d’humeur, confiait : « Diourbel est délaissée à tort, oubliée, privée de tout, sans infrastructures, sans autoroute ».