XAAR YALLA, LE RENDEZ-VOUS DES CHERCHEURS D’EMPLOIS JOURNALIERS
A Keur Massar, dans la banlieue dakaroise, des jeunes ont rendu célèbre un coin dénommé Xaar Yalla (Attendre Dieu). Ils s’y regroupent tous les matins, nourrissant l’espoir de décrocher un travail journalier dans les métiers du bâtiment.

Au moment où beaucoup de jeunes déposent des demandes au niveau des entreprises ou dans l’administration avec l’espoir d’étrenner leur premier emploi bien rémunéré, certains d’entre eux se regroupent quelque part dans un coin perdu de la capitale et sa banlieue pour chercher de quoi vivre ou survivre. La préférence de ces jeunes porte sur des secteurs dont la réputation est d’employer des journaliers qui seront payés au terme d’une journée de labeur. A Keur Massar, dans la banlieue dakaroise, des jeunes ont rendu célèbre un coin dénommé Xaar Yalla (Attendre Dieu). Ils s’y regroupent tous les matins, nourrissant l’espoir de décrocher un travail journalier dans les métiers du bâtiment.
L’un des bus de la marque Tata vient juste de stationner devant une boulangerie de Keur Massar. Beaucoup de passagers sont ainsi obligés de descendre et poursuivre le trajet à pieds. En effet, à cause des travaux de construction de l’autopont de Keur Massar, ce bus qui quitte Liberté 6 pour ce populeux département, doit changer d’itinéraire. Tout ce beau monde est ainsi obligé de longer une étroite ruelle dont des zincs protègent les piétons et les magasins qui font face à d’éventuels dangers du chantier. Il faut marcher à la queue leu leu ou bousculer des gens pour se frayer un passage. Élèves, ouvriers, commerçants et autres sont devenus des habitués de ce long tronçon de plus d’un kilomètre. A quelques mètres de l’un des tunnels qui jalonnent cette infrastructure devant rendre la circulation plus fluide dans cette ville très fréquentée, le piéton doit se résoudre à marcher lentement. Un véritable embouteillage humain s’y crée, le passage étant trop étroit. Juste à droite de ce couloir, un groupe de jeunes a pris possession d’un espace de ce périmètre. C’est le lieu de rendez-vous d’une quarantaine d’ouvriers évoluant dans tous les secteurs du bâtiment. Ils sont menuisiers, maçons, ferrailleurs, plombiers etc., D’autres cependant sont sans qualification. Tous s’y retrouvent pour avoir un travail journalier dans un chantier de la zone ou ailleurs dans la capitale. Sac noir sur le dos, les yeux rivés sur les voitures qui circulent devant lui, Khadim Top fait partie de ces ouvriers qui squattent les lieux tous les matins avec l’espoir de trouver un boulot. Ici, c’est Xaar Yalla (on attend Dieu). Un haut lieu de recrutement d’ouvriers prêts à travailler dans des chantiers partout dans la capitale. « Chaque matin, je quitte Médina Fass Mbao dans la commune de Diamaguène Sicap Mbao pour ce coin perdu de la ville dénommé Xaar Yalla avec l’espoir de trouver un emploi journalier et régler mes besoin et ceux de ma famille », a expliqué cet adulte au visage juvénile que trahissent des cheveux blancs sur une partie qui couvre la tête.
Rémunération comprise entre 8 500 et 10 000 francs CFA
Dans un brouhaha énorme, toutes les langues y sont presque parlées. Le sac à presque le sol pour certains, et au dos pour d’autres, ils sont tous prêts pour n’importe quel boulot. Devant son matériel, composé d’une puissante cisaille et d’un marteau, Abdoulaye Seck attend comme tous les autres un entrepreneur à la recherche d’ouvriers. « Je viens ici depuis plusieurs années en quête d’un travail dans un chantier. Notre métier n’est pas aussi structuré au point d’avoir un contrat avec un entrepreneur. C’est pour cette raison que nous venons tous les jours en espérant être embauché par les nombreux gérants de chantiers qui cherchent de la main d’œuvre », explique cet ouvrier ferrailleur. Dans cet endroit, le principe est simple. Les personnes détentrices de chantiers viennent pour embaucher des ouvriers en mesure de servir dans des domaines précis. Alors que la fraîcheur s’accentuait en cette veille du mois de ramadan, les premières voitures, avec à leur bord des chefs de chantier, débutent leur défilé. Les discussions se font à partir des fenêtres des véhicules. Elles sont sont souvent longues, chacun cherchant à tirer parti de cette collaboration. Ce qui ait que les négociations tirent en longueur. Moustapha Diop tient un chantier aux Almadies. Xaar Yalla est son lieu préféré pour trouver des travailleurs motivés et qualifiés. « C’est un endroit bien réputé qui répond aux critères que nous cherchons pour le bon déroulement de nos chantiers », a-t-il lancé dans une ambiance indescriptible. Selon lui, les offres sont souvent chères. Les habitués de Xaar Yalla ne cessent de faire monter les prix. « Souvent, un ouvrier peut décliner une paie journalière de 8 000 francs CFA. Certains exigent une journée de travail moyennant 10 000 francs CFA », nous confie Top, toujours dans l’attente de trouver un ouvrier. Avec les travaux sur l’autopont, ce lieu de rendez-vous a été délocalisé du rondpoint de Keur Massar, juste en face du centre commercial, pour le bas du tunnel de ce chantier. Peu avant dix heures, la presque moitié du groupe avait déjà trouvé un point de chute dans différents chantiers de la ville. Quant à Moustapha Seck, il va devoir patienter encore. A défaut d’être pris, il devra rentrer jusqu’au lendemain.
Solidarité
« Cela arrive souvent qu’on ne trouve pas de boulot parce que ce n’est pas notre jour de chance. Parfois aussi, on nous prend sans même avoir passé une heure ici », souligne le jeune homme habillé d’un blouson de couleur bleu, une tasse de café à la main. En plus de se réunir dans le but de trouver un travail, les habitués bénéficient souvent d’un grand élan de solidarité. Rares sont ceux qui achètent à manger le petit déjeuner. Pour Khadim Top, il arrive que de bonnes volontés viennent leur offrir du café, du pain ou encore des beignets pour ceux qui restent à attendre. Il ajoute que dans la plupart des cas, le bienfaiteur se veut anonyme. Ce qui renseigne, selon le jeune Adbou Sagna de Malika, sur la solidarité et la générosité qui règnent à Xaar Yalla. Pour lui, ce ne sont pas seulement des maçons ou autres ouvriers qui squattent cet endroit. « Nous y rencontrons des élèves et des étudiants en quête d’un petit boulot pour pouvoir gérer certaines dépenses comme se procurer des livres fournitures », a expliqué Abdou. Ce jour n’étant pas son jour de chance, il devra rentrer bredouille. Il n’a pas voulu la somme que lui proposait un chef de chantier. « La tendance, c’est minimum 8 500 F Cfa la journée de travail, mail il n’a pas accepté de payer cette somme », se justifie-t-il. Demain, il sera encore au rendez-vous souhaitant une journée meilleure à Xaar Yalla.