«ALIOU CISSE DOIT METTRE LE PAQUET POUR TROUVER SON OSSATURE»
Dans cette seconde partie de l’interview qu’il a accordée à «L’AS», l’ancien international sénégalais, passé par Marseille et le PSG, déplore la situation et invite les dirigeants à plus de travail

Il est inadmissible que l’équipe nationale de football du Sénégal ne puisse pas jouer dans la capitale. C’est le coup de gueule de Boubacar Sarr «Locotte». Dans cette seconde partie de l’interview qu’il a accordée à «L’AS», l’ancien international sénégalais, passé par Marseille et le PSG, déplore la situation et invite les dirigeants à plus de travail. L’ancien du «Dial Diop» de Dakar s’est également prononcé sur la méthode «Aliou Cissé», à la tête de l’équipe nationale depuis plusieurs années déjà. Pour «Locotte», gagner le titre continental n’est pas une chose facile. Mais il estime que le coach des «Lions» doit vite trouver la solution pour répondre aux exigences des dirigeants.
LAS : Ancien joueur du Psg, vous avez intégré le staff technique de ce club comme entraîneur adjoint. Etiez-vous déjà préparé à cette reconversion ?
Boubacar Sarr ‘’Locotte’’ : Oui, j’étais un peu préparé. Dans plusieurs équipes dans lesquelles j'étais passé, j'étais capitaine ou capitaine adjoint. Donc je discutais beaucoup tactique de jeu avec mes entraîneurs et les joueurs. Je faisais aussi partie du syndicat des joueurs qui s’appelait UNFP. La passion d'entraîneur, je l’avais quand j'étais encore joueur. J’aimais beaucoup ce métier d'entraîneur. Le plus souvent les mercredis, quand on ne jouait pas ou que les jeunes n’avaient pas école, je n'hésitais pas à aller travailler avec les gamins de 12 à 14 ans. J’avais déjà cette envie de devenir entraîneur. C’est ce qui m’a poussé à embrasser plus tard ce difficile métier.
Vous avez eu à diriger l’équipe nationale du Sénégal. C’était facile de diriger une sélection à l’époque ?
J’avoue que c’était dur à l’époque, parce qu’on n'avait pas le droit d’appeler plusieurs joueurs qui évoluent en Europe. Le règlement de la FIFA autorise, de mémoire, d’avoir deux ou trois professionnels au plus dans des équipes nationales africaines. Ce n’était pas évident, comparé à ce qui se passe actuellement où le sélectionneur peut disposer de 23 joueurs professionnels qui évoluent à l’étranger. C’était une période vraiment difficile pour nous. Je retiendrai cependant qu’à l’époque, on avait un peu lancé beaucoup d’anciens footballeurs, Jules Bocandé et moi-même, afin qu’ils deviennent entraîneurs. Nous leur avons en quelque sorte transmis la passion. Aliou Cissé est aujourd’hui à la tête de l’équipe nationale du Sénégal.
Comment jugez-vous son travail, après plus de six ans sur le banc ?
Depuis l’arrivée de Aliou Cissé, l’équipe nationale du Sénégal a beaucoup progressé. Il ne faut pas oublier que l’équipe s’est qualifiée pratiquement pour toutes les grandes compétitions internationales. Il y a le Mondial 2018 en Russie par exemple, même si cela a été très difficile. Mais c’était une chose très positive. L’équipe a été jusqu’à la finale de la Can pour une deuxième fois. C’est dommage que l'on perde ce match contre l’Algérie. Mais il faut toujours travailler plus et écouter les critiques. Certains disent qu’il est allergique aux critiques et n’écoute presque personne.
Partagez-vous cet avis ?
Certaines critiques sont à prendre en considération pour améliorer l’équipe. Il y a encore les éliminatoires de la Coupe du monde qui vont arriver très vite au mois de septembre. Il y a aussi la Can qui va se jouer au Cameroun en janvier prochain. Il faut que Aliou mette le paquet pour trouver son ossature. Ce qui va lui permettre aussi d’améliorer le jeu. Pour que la mayonnaise puisse bien prendre, la bonne ossature est primordiale. Au Sénégal, on a tellement de joueurs pétris de talent. Il faut s’appuyer sur une ossature qui va vous permettre de trouver votre équilibre d’équipe. C’est ce domaine à mon avis qu’on doit améliorer. Les gens vous décrivent comme un footballeur racé, avec une rare combinaison de technique et de puissance.
Est-ce que le jeu produit par l’équipe nationale vous séduit ?
Oui, il y a des moments où les joueurs pratiquent du bon jeu. Le dernier au stade de Thiès contre la Zambie, j’ai eu la chance de le voir. J’ai vu une très belle première mi-temps durant laquelle l’équipe a produit du très bon et beau football. En deuxième mi-temps, c’était un peu plus difficile. Il faut tout faire pour être régulier sur tout un match. Nous avons des joueurs de qualité qui sont également très talentueux. Il faut allier les deux. Il faut également donner la possibilité à nos individualités de bien s’exprimer sur le terrain. Si nos grosses individualités ne parviennent pas à faire la différence, il faut s’appuyer sur plus de collectif.
Selon vous, qu’est-ce qui manque à cette équipe nationale pour décrocher la Coupe d’Afrique ?
C’est vrai qu’on a la meilleure équipe en Afrique sur le classement FIFA. Mais gagner une coupe d’Afrique, ce n’est pas facile. Ce sont beaucoup de détails qui entrent en jeu. Non seulement il faut avoir du talent, mais également une bonne préparation. Avant la Can, il faut que les dirigeants puissent donner à l'entraîneur la possibilité de disputer des matchs amicaux contre de grandes nations du football, pour permettre à l’équipe de gagner en confiance notamment.
Le manque d’infrastructures est également une réalité. Trouvez-vous cela normal, dans un pays de footballeurs comme le Sénégal ?
Ce n’est pas normal qu'un pays comme le Sénégal n’arrive plus à jouer dans la capitale. C’est un point d’interrogation et c’est navrant pour notre football. On ne dispose que d’un seul grand stade…qui n’est pas actuellement en service. Recevoir le Nigeria ou le Cameroun au stade Léopold Sédar Senghor change tout avec la présence des supporters. C’est magnifique et cela donne une confiance à l’équipe. Il faut qu’on arrive à tout améliorer pour permettre à l’équipe de décrocher cette compétition africaine. On n’en est pourtant pas loin. On fait partie des meilleures équipes d’Afrique. Il faut le rappeler. C’est important qu’on puisse améliorer les infrastructures. Lors des derniers matchs amicaux, il y a certains joueurs qui se sont plaints de l’état de la pelouse. Ils ont tiré le signal d’alarme. Les infrastructures, c’est primordial pour les footballeurs.
Est-ce que l’idée de diriger une nouvelle fois l’équipe nationale du Sénégal vous traverse l’esprit ?
Je ne pense plus à diriger l’équipe nationale du Sénégal. On a beaucoup de jeunes entraîneurs qui ont beaucoup de talent et qui progressent. Il faut juste leur faire confiance et les aider. Moi, avec mon âge, je préfère juste être un conseiller. Avec l’expérience que j’ai accumulée, je suis en capacité de donner des conseils à tous les entraîneurs, éducateurs, etc. Je suis dans ce rôle qui me va très bien. Mais entraîner l’équipe nationale du Sénégal, c’est fini.
Témoin de plusieurs exploits des footballeurs sénégalais, le journaliste sportif Abdoulaye Diaw a été récemment honoré. N’est-ce pas une récompense méritée ?
Abdoulaye Diaw est le Ballon d’Or des reporters. Il a fait une magnifique carrière en tant que reporter. En plus, il a boosté pas mal la carrière de certains joueurs. Quand vous entendiez Abdoulaye Diaw au micro et que vous étiez sur le terrain, cela vous galvanisait. Il vous motivait à aller plus loin. Il a une voix magique. Pour son Sargal (ndlr : hommage qui lui est rendu), les gens ont très bien fait de l’initier et de le réaliser de son vivant parce que c’est important. Abdoulaye Diaw a donné beaucoup de plaisir et de prestige au sport sénégalais et en particulier au football.