DES RELENTS DE POLITISATION
Le football et basketball se partagent la part du lion, dans les récompenses des sportifs sénégalais.

Ils ont récemment reçu d’importantes récompenses, malgré leurs échecs, au moment où les sportifs d’autres disciplines, tout autant méritants voire plus, courent derrière la considération des autorités de tutelle.
L’universalisme fait la beauté du sport qui bannit tout sectarisme et toute discrimination. Au Sénégal, les autorités semblent oublier ce principe, au moment de récompenser les sportifs. La politique prend le pas sur toutes les autres considérations. Sinon, comment comprendre que les athlètes du football et du basket aient reçu des millions de francs Cfa et d’autres biens, alors qu’ils n’ont rien gagné, sinon des accessits, alors que les autres, dans des disciplines moins cotées aux yeux de ces mêmes autorités, ne reçoivent aucun kopeck et sont royalement ignorés, malgré les sacres continentaux ou mondiaux.
Dernièrement, les Lions du football, vice-champions d’Afrique des nations (2019) ont été royalement reçus et récompensés par le chef de l’Etat. Qui a remis, à chacun d’eux, la somme de 20 millions de francs ainsi qu’aux différents membres de l’encadrement technique. L’autorité ne s’est pas arrêtée là. Elle a également récompensé les basketteuses. Les Lionnes du basket, battues à domicile en finale de l’Afrobasket2019, ont eu droit, chacune, à 10 millions de francs Cfa et un appartement à la nouvelle ville de Diamniadio (région de Dakar). Le ministre Matar Ba a annoncé, dans la foulée de cette finale perdue, que les basketteuses seront honorées par le président Macky Sall. Le football et le basketball sénégalais sont récompensés au moment où d’autres disciplines sont laissées en rade.
Le Beach soccer a décroché la coupe d’Afrique, en décembre 2018. Les karatékas ont fait autant. Ils ont remporté la médaille d’or des champions d’Afrique de kumité, le 14 juillet 2019 à Gaborone (Botswana). Ces athlètes n’ont reçu aucun sou des mains des autorités du gouvernement, malgré leurs performances de grande envergure. D’ailleurs, l’équipe nationale de Beach soccer est quintuple championne d’Afrique. Les protégés du coach Ngalla Sylla sont réguliers également à la Coupe du monde. Cette régularité a été sanctionnée par deux qualifications en quarts de finale.
Les footballeurs de plages ont aussi qualifiés à la Coupe du monde prévue au Paraguay (Amérique du Sud) du 21 novembre au1er décembre 2019. Le Beach soccer a réussi là où le basket et le football ont échoué. A titre comparatif, pendant que les Lionnes du basket peinent, pour la deuxième édition de suite, à accéder à la plus haute marche du podium devant les Ladys Tigers du Nigeria, les footballeurs de plage avaient fini de triompher, pour la deuxième fois, en finale contre le même pays. Le scrabble s’est aussi illustré, cette année, avec le rang de vice-champion du monde décroché par Ndongo Samba Sylla à la 44e édition du Mondial de scrabble francophone tenue à Louvain La-Neuve (Belgique). Le Sénégal avait aussi remporté le titre de champion du monde en 2016 en duo. Une performance réalisée à l’époque, grâce au concours de Ndongo Samba et de son frère Matar Sylla. Depuis toujours, les acteurs du football et ceux de la balle orange captent toute la lumière et également l’attention des autorités qui n’ont d’yeux que pour eux et surtout les foules qu’ils drainent sur leur sillage. D’ailleurs, les handballeuses prendront part auMondial-2019 au Japon (30 novembre-15 décembre) grâce à leur statut de vice-championnes d’Afrique. Doungou Camara et compagnie ont perdu la finale des championnats d’Afrique de handball de 2018(14- 19) comme les footballeurs et les basketteuses. Mais jamais elles n’ont vu la couleur de l’argent.
Priorité aux sports populaires
Ainsi, les autorités ont décidé de prioriser les disciplines sportives les plus populaires : le football et le basket-ball. L’octroi de la prime spéciale de 20 millions de FCfa à chaque Lion du football est intervenu le jour de l’audience improvisée que le chef de l’Etat leur a accordée, au lendemain de leur défaite (0-1) contre l’Algérie en finale de Can (Egypte-2019). Sadio Mané et ses coéquipiers avaient été reçus, après l’accueil triomphal que les milliers de supporters leur avaient réservé à leur descente d’avion à l’aéroport international de Yoff. Les autorités étatiques, surprises par l’immense foule courant derrière les Lions, ont demandé aux fédéraux de conduire la caravane au palais de la République. La promesse d’offrir une indemnité de 10millionsde francs Cfa et un appartement à Diamniadio aux Lionnes du basket procède du même opportunisme. L’annonce a été faite devant plus de 15 000 spectateurs présents au complexe sportif Dakar Arena de Diamniadio. Pendant ce temps, le Beach soccer coure derrière une audience avec les autorités étatiques.
“C’est une erreur monumentale de faire preuve de partialité’’
Cette situation ne plait pas à l’entraîneur adjoint de l’équipe nationale de foot de plage. Mamadou Diallo y voit une injustice de la part des autorités étatiques dans leur façon de traiter les athlètes sénégalais, même s’il reconnait les résultats satisfaisants des sports populaires. “Le basket et le football sont dignes des récompenses qu’ils reçoivent, cela ne fait aucun doute. Mais je dis que c’est une erreur monumentale, de la part de nos dirigeants, de faire preuve de partialité, en laissant presque en rade les autres sportifs, d’autant plus que ceux-ci représentent toujours dignement notre pays, avec à la clé plusieurs trophées. En sus, c’est un manque de considération qui, à la longue, pourrait peut-être décourager tous ces jeunes qui aspirent à évoluer dans des disciplines autres que le football et le basket’’, regrette le technicien. A ses yeux, la reconnaissance de l’Etat à l’égard des disciplines sportives ne doit pas être forcément financière, mais symbolique, car tous les athlètes font figure d’ambassadeurs du Sénégal. “Le karaté, le handball, le roller méritent une attention particulière. Les jeunes sportifs sénégalais ont réalisé beaucoup de performances et le plus important, pour eux, c’est ce symbole que constituerait le fait d’être reçu par le président de la République’’, souligne le technicien. Le football de plage, quintuple champion d’Afrique, tout comme le handball, le karaté, du roller, le scrabble, l’athlétisme… sont les parents pauvres du sport sénégalais. Une injustice que les autorités devraient s’empresser de réparer dans un futur proche.
Matar Ba : « On ne peut pas mettre toutes les disciplines sur la même table »
“Les récompenses pécuniaires relèvent de la volonté du président de la République. Les athlètes essaient de faire le meilleur d’eux-mêmes, mais il revient au chef de l’Etat d’apprécier le montant à attribuer aux athlètes, à la fin de chaque compétition. Ce qui est important, c’est que le chef de l’Etat est en train de se battre pour accompagner tous les sports. Chaque discipline sportive a vu ses conditions s’améliorer, même si beaucoup de sportifs ne sont pas encore reçus par le président de la République. La réception, par le chef de l’Etat, ne doit pas être une condition pour qu’un athlète se batte au profit de son pays. Les disciplines qui ne sont pas encore reçues doivent passer par leurs fédérations respectives. Le Beach soccer a fait beaucoup de résultats positifs. C’est pourquoi j’ai instruit le président de la Fédération sénégalaise de football, Augustin Senghor, de demander une audience pour ce sport. Il n’y a pas une discipline sportive qui est discriminée, même si l’Etat ne peut pas les mettre tous sur une même table. Nous avons 55 fédérations et associations sportives à gérer. J’invite tous les acteurs du monde sportif à travailler la main dans la main, afin d’améliorer nos conditions de participation et de préparation. Cela nous permettra d’avoir des résultats meilleurs que ceux que nous avons enregistrés, ces dernières années.