L’UNESCO ACCÉLÈRE POUR COMBLER LE RETARD DE L’AFRIQUE
Trois biens africains ont été retirés de la liste du patrimoine mondial en péril et quatre autres sont candidats à une inscription à l’Unesco, dont deux venant de pays qui n’ont encore aucun sites classés

Trois biens africains ont été retirés de la liste du patrimoine mondial en péril et quatre autres sont candidats à une inscription à l’Unesco, dont deux venant de pays qui n’ont encore aucun sites classés.
L es « Fore ts humides de l’Atsinanana » à Madagascar, le site d’Abou Mena en Égypte et l’ancienne ville de Ghadame s, en Libye, ne font plus partie de la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en péril. L’organisation onusienne, réunie à Paris, a décidé mercredi 9 juillet de les retirer de cette catégorie qui regroupe les sites culturels ou naturels gravement menacés, au point que leur valeur universelle exceptionnelle pourrait être compromise ou perdue.
« Quand des sites quittent la Liste du patrimoine mondial en pe ril, c’est une grande victoire pour tous, a déclaré la directrice générale de l’Unesco Audrey Azoulay, citée dans un communiqué, rappelant « l’effort particulier » accordé à l’Afrique ces dernières années. Des efforts qui « paient aujourd’hui », estime-t-elle.
Depuis son arrivée en 2018, elle s’est engagée à renforcer la représentation des sites africains sur la Liste du patrimoine mondial, alors qu’ils ne représentent qu’une faible proportion des 1 223 biens inscrits. Onze États n’ont même aucun biens sur la fameuse liste de l’Unesco, dont les Comores, le Libéria ou encore la Somalie.
Une anomalie quand on sait que c’est le sauvetage du temple du pharaon égyptien Ramsès II, à Abou Simbel, en 1959, qui a inspiré la création de la Convention du patrimoine mondial en 1972. Le site risquait de se voir englouti par les eaux avec la construction du barrage d’Assouan et les gouvernements égyptien et soudanais avaient sollicité l’aide de l’Unesco pour conserver le monument.
MOINS DE 9% DES SITES AU PATRIMOINE MONDIAL SONT AFRICAINS
Le nombre de sites africains inscrits est passé de 93 à 108 en quelques années, mais ils représentent encore moins de 9% du total des inscrits. Manque de moyens, d’experts formés… « Les raisons de ce retard sont multiples, mais il n’y a pas de mauvaise volonté de l’Afrique », indiquait le directeur du Centre du patrimoine mondial de l’organisation onusienne Lazare Eloundou Assomo récemment sur l’antenne de RFI, soulignant que « les conflits armés, le réchauffement climatique qui entraîne par exemple des feux de forêt, l’exploitation des ressources, sont autant de défis pour les sites africains. »
À ce titre, douze des 53 sites mondiaux en grave danger sont d’ailleurs situés dans des pays africains, parmi lesquels le parc des Virunga en République démocratique du Congo, refuge d’une grande partie des derniers gorilles de la planète, mais victime notamment de conflits armés chroniques, ou encore Tombouctou au Mali, largement détruite par les groupes armés jihadistes.
Au Soudan en guerre, par exemple, les biens culturels sont à la merci des vols. « Nous formons les professionnels à leur sauvegarde, à mettre en place des mesures d’urgence, nous suivons la situation sur le terrain, nous avons des outils de mesure et de contrôle par satellite pour mieux comprendre la situation, mieux informer la population et aussi prendre des décisions pour soutenir tous ceux qui peuvent encore sauvegarder ce patrimoine », pointait encore Lazare Eloundou Assomo.
Ces cinq dernières années, la mise en place de « stratégies ciblées » pour sauvegarder des sites en danger aura permis de faire sortir en tout six biens africains de la liste du patrimoine mondial en péril, après le Parc national de la Salonga en RDC en 2021, les Tombeaux des rois Buganda en Ouganda en 2023 et le Parc national de Niokolo-Koba au Sénégal en 2024.
L’Unesco et Madagascar ont par exemple mis en œuvre « un plan d’action ambitieux » pour préserver les Fore ts humides de l’Atsinanana, sur la Grande Île, classées en péril en 2010 : plans de gestion rigoureux, contro le de l'abattage de l'e be ne et du bois de rose, surveillance par satellite. Résultat, selon l’Unesco : « 63% des zones de couverture forestie re perdues ont e te restaure es, l'exploitation forestie re ille gale et le trafic de bois pre cieux ont e te re duits, et les signes de braconnage des le muriens ont atteint leur niveau le plus bas depuis 10 ans ».
EXPERTS LOCAUX FORMES, PARTICIPATION DES COMMUNAUTES TRADITIONNELLES
Le budget consacré à l’Afrique a augmenté pour atteindre en 2025 plus d'un quart du budget total de l'organisation onusienne (27%), indiquait l’AFP.
Lors de la Conférence internationale sur le patrimoine culturel en Afrique, qui s’est tenue en mai à Nairobi, plusieurs pistes d’action ont été mises en avant pour tenter de combler le décalage. L’Unesco veut placer les communautés locales au centre du processus. Cela passe notamment par la formation d’experts africains. En 2021, elle a lancé un programme de mentorat pour les professionnels africains du patrimoine. Quelque 60 experts, 30 hommes et 30 femmes issus 46 pays différents, dont les onze pays africains encore non représentés, ont été formés dans ce cadre.
A aussi été adopté à cette occasion le Document de Nairobi sur l’authenticité du patrimoine. Ce texte propose des orientations pour mieux préserver les sites inscrits et pour guider les futures inscriptions, tout en renforçant la participation des communautés locales. Il vise à mieux prendre en compte les spécificités culturelles africaines en élargissant la notion d’authenticité au-delà des critères architecturaux occidentaux, pour y inclure les traditions orales, les usages vivants et les contextes sociaux.
L’Unesco accompagne également les pays pour renforcer leurs candidatures pour de nouvelles inscriptions. Ainsi, cette année, quatre pays africains présentent des candidatures, dont deux qui n’ont encore aucun bien inscrit au Patrimoine mondial : l’archipel des Bijagos en Guinée Bissau, sanctuaire de tortues marines et halte essentielle pour les oiseaux migrateurs, et le complexe Gola Tiwai en Sierra Leone, l’une des dernières grandes forêts humides intactes d’Afrique de l’Ouest, abritant des espèces emblématiques comme l’éléphant forestier et l'hippopotame pygmée. Les deux autres dossiers examinés à Paris concernent les Monts Mandara, au Cameroun, et le Mont Mulanje, au Malawi. On devrait savoir d’ici la fin de la semaine si la liste de l’Unesco reflètera mieux la diversité et la richesse du patrimoine mondial.