SOKHNA BENGA, UNE POÉSIE DÉLICATE ET BELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Avec Les cris fauves de ma ville, l'auteure inscrit sa signature dans la littérature africaine contemporaine. Sa plume se fait la voix des oubliés, des "visages exilés" et des "peuples sans nom"

Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
La poésie a la particularité de pouvoir posséder des teintes sonnantes qui éveillent nos sens, nous mettent en alerte, comme si la grande signification fondamentale reprenait sa place avec la magie des mots.
La poésie de Sokhna Benga est de cette nature-là, empreinte d’une simplicité esthétique rare, et on sait que l’épuration de la langue est sans doute l’exercice le plus difficile qui soit, mais surtout c’est une poésie profondément sensible et vibrante. Les mots de Sokhna Benga nous touchent là où l’espace s’est vidé de substance, comme si on avait oublié cet indispensable regard au monde. Ses « belles lettres » nous traversent tout en émotions.
Cette candeur littéraire est exceptionnellement juste car elle recèle bien plus d’éclat qu’un lyrisme artificiel qui ne serait pas la continuité de la main habile de Sokhna Benga.
La poésie de Sokhna Benga embrasse les êtres et les lieux, tous les êtres et tous les lieux, réhabilitant les figures fantômes, que l’on voudrait effacer. Elle se fait la voix des « visages exilés, des peuples sans nom » qui sont réduits au silence abscons de la terre, une terre qui continue de tourner malgré les drames, malgré les injustices cruelles qui sévissent un peu partout.
La voix de Sokhna Benga se fait entendre avec beaucoup de naturel, d’efficacité, d’évidence, de générosité, comme une musique douce qui apaise. Et puis il y a ces envolées métaphoriques qui creusent le langage poétique, source de vie, source de créativité, source primordiale du devenir des êtres. Comme si la poésie était l’alliée la plus sûre pour combattre l’inacceptable, le vide, ces couleurs fauves qui transforment la nuit en possible renaissance. Et de ce crépuscule poignant naît une aube triste probablement mais lumineuse par les mots revisités.
La voix de Sokhna Benga, c’est aussi une déclaration totale et totalisante à l’amour, un amour qui transcende les débris de l’humanité qui bute sur l’ignorance, la négligence, l’absolue indifférence des souffrances qui se taisent.
Ainsi elle réinvestit le sentiment amoureux au cœur de la vie, avec des poèmes troublants, talentueux, par un regard conquis pour l’être aimé. Cette proclamation amoureuse est d’une beauté renversante, tant la langue est inventive, une langue qui s’affole et qui se mêle à la fois au corps et au sacré.
Ainsi Les cris fauves de ma ville sont toutes les révoltes silencieuses qui s’étouffent dans les rues désertés, déshumanisées mais débordantes d’être fragiles et abandonnés à la marche du profit, « sous le feu des bombes que crache le ciel […] et des dictatures pernicieuses ».
Sokhna Benga possède une voix personnelle qui murmure une ponctuation vitale, celle de l’amour qui tient debout, qui éloigne le doute, qui seul peut apaiser la douloureuse réalité. Elle se fait la poétesse du discours amoureux, transformé en des prières suprêmes, comme des mélopées sensuelles et profondes.
Ainsi, à travers une langue épurée et raffinée, la poésie de Sokhna Benga propose un nouveau tourbillon esthétique qui trouve une place prépondérante dans le paysage littéraire africain contemporain.
Et il est à souhaiter que cette quête poétique, essentielle aux espoirs de la renaissance africaine, se poursuive pour allonger nos horizons et pour rendre plus triomphante encore la cosmogonie de nos terres sacrées et universelles. Assurément, Sokhna Benga détient un talent littéraire qui agrandit notre humanité plurielle.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Les cris fauves de ma ville de Sokhna Benga, Poésie, éditions Lettres de Renaissances, collection Paroles arc-en-ciel, Paris, 2016.
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