LE MALAISE PERDURE SUR L'AUTOROUTE À PÉAGE
«Il faut soit casser soit renégocier le contrat concédé à SENAC. Dakar-Thiaroye pour 1.000 francs CFA, c’est indécent pour une autoroute dont l’État a assuré 83% du financement. Ceux qui ont participé aux négociations seront entendus un jour par un juge»

Contestée sur ses tarifs, son modèle de réalisation et de gestion, la première autoroute à péage du Sénégal mise en service en 2013 est devenue une pomme de discorde entre ses usagers et l’entreprise SENAC, filiale du groupe Eiffage. Une de plus dans le vieil attelage franco-sénégalais que le Président Macky Sall est invité à arbitrer.
«Bouchon sur 1 km…». Pour bon nombre d’usagers de l’autoroute Dakar-Aéroport international Blaise Diagne, «l’arnaque» commence là. Ils auraient aimé que ce message qui s’affiche sur le panneau lumineux à l’entrée de la voie soit visible bien plus tôt, afin que l’usager ait le choix d’emprunter ou non le tronçon. Construite par l’entreprise française de droit sénégalais Eiffage, la nouvelle autoroute concédée SENAC cristallise des rancœurs.
«Nos exigences portent principalement sur le contrat originel qui nous semble inéquitable et désavantageux à double titre: pour l’État du Sénégal, principal bailleur de fonds, et pour les milliers d’usagers qui paient un coût excessivement cher pour son utilisation», explique à Sputnik l’ex-parlementaire Cheikh Oumar Sy.
Sy est le président du Collectif citoyen des usagers de l’autoroute à péage (CCUAP) à la pointe des revendications auprès de SENAC et de l’État.
«L’État désavantagé, les Sénégalais aussi»
L’autoroute à péage, ou Autoroute de l’Avenir, selon SENAC, sur le tronçon Patte d’Oie-Pikine-Diamniadio, soit environ 25 kilomètres, a été réalisée avec 140 milliards de francs CFA (214 millions d’euros) répartis comme suit: 79 milliards (120 millions d’euros) de fonds publics sénégalais et 61 milliards de francs CFA (40 millions d’euros) d’Eiffage. D’après l’Agence nationale pour la promotion des investissements et des grands travaux (APIX), c’est un partenariat public privé (PPP) qui donne à SENAC le droit d’exploiter l’infrastructure pendant 30 ans et ce depuis le 1er décembre 2009. À l’issue de cette période, l’autoroute retombera dans le patrimoine public. Ce modèle de PPP, dénommé CET (construction, exploitation, transfert), passe mal auprès du CCUAP.
«Dans sa forme, ce contrat ressemble à un PPP mais en réalité, il n’en est pas un. Sous le régime de l’ex-Président Abdoulaye Wade, notre pays avait investi plus de 85% des ressources qui ont permis le démarrage des travaux», souligne Cheikh Oumar Sy, non sans remettre en cause la légalité même du contrat signé entre l’État et SENAC.
Consultant sénior et expert en économie du développement, l’ingénieur Mbaye Sylla Khouma est encore plus radical contre le modèle PPP accepté par l’État sénégalais face à l’entreprise française.
«Il faut soit casser soit renégocier le contrat de concession à SENAC. Dakar-Thiaroye pour 1.000 francs CFA de péage, c’est indécent pour une autoroute dont l’État a assuré 83% du financement. Ceux qui ont participé aux négociations du côté État seront entendus un jour par un juge», prévient-il sur son compte twitter.