VIDEOUNE ÉCONOMIE EXOGÈNE QUI AMPLIFIE LES CHOCS
27% de chômage chez les moins de 25 ans, pouvoir d'achat en berne, exode vers l'Europe : l'économiste Daby Pouye tire la sonnette d'alarme sur une jeunesse sénégalaise sacrifiée par les choix économiques actuels

Dans une interview accordée dimanche 6 juillet 2025 à l'émission "Jour du Dimanche" d'iTV, Dr Daby Pouye, économiste et PDG du cabinet Cogent Finance SAS, n'a pas mâché ses mots concernant la situation économique du Sénégal sous le nouveau gouvernement.
Selon l'expert, le pays traverse une période économique difficile, accentuée par sa nature d'économie exogène qui amplifie les chocs extérieurs. Plus préoccupant encore, l'économiste confirme que le pays est "à l'arrêt" économiquement, notamment dans le secteur du bâtiment, en raison des audits en cours qui paralysent l'activité.
Dr Pouye pointe du doigt ce qu'il considère comme une contradiction majeure du nouveau régime : "On a espéré que le gouvernement de Sonko allait faire appel aux différentes forces vives de la nation pour s'en sortir. Or, jusqu'à présent, nous baignons dans ce clientélisme tant décrié par ce gouvernement".
L'économiste tire la sonnette d'alarme sur les finances publiques. Avec un taux d'endettement de 120%, qu'il qualifie d'"énormissime", le pays devient dépendant de l'étranger, compromettant ainsi la souveraineté revendiquée par l'équipe dirigeante.
Cette situation d'endettement crée un cercle vicieux : "L'effort qu'on mettra en place aujourd'hui au Sénégal pour avoir des recettes, ces recettes vont être utilisées pour rembourser", limitant drastiquement les marges de manœuvre budgétaires.
Malgré des chiffres de croissance annoncés entre 5,5% et 8%, l'économiste dénonce une réalité bien différente sur le terrain. "Une croissance économique n'a de sens que si elle arrive jusqu'au dernier village du Sénégal. Or aujourd'hui quand on discute avec le Sénégalais moyen, il est dans une véritable souffrance".
Les indicateurs sont alarmants : pouvoir d'achat en berne, prix immobiliers inaccessibles même pour les fonctionnaires de haut niveau, et un coût de la vie qui ne cesse d'augmenter.
Les hydrocarbures : loin de l'eldorado espéré
L'expert s'alarme particulièrement du sort réservé à la jeunesse sénégalaise. "Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans va jusqu'à 27%, ce qui est inacceptable". Cette situation explique selon lui l'exode massif des jeunes vers l'étranger : "Ces jeunes qu'il pleuve ou qu'il vente, on ne peut pas les empêcher de partir à l'étranger. Ils vont se dire mourir pour mourir, autant mourir en mer avec l'espoir d'un lendemain meilleur".
Concernant les ressources pétrolières et gazières, Dr Pouye tempère les attentes. Les recettes estimées à 227 milliards de francs CFA sur trois ans sont jugées modestes, "loin de l'eldorado qu'on attendait". Il insiste sur l'importance d'une allocation intelligente de cette rente vers la formation des jeunes et le développement d'une agriculture durable.
L'économiste n'est pas que dans la critique. Il propose des solutions concrètes : développement de l'agriculture locale, industrialisation du pays, formations professionnalisantes courtes pour les jeunes, et surtout, adoption de ce qu'il appelle une "glocalisation" - penser global et agir local.
"Le développement du Sénégal passera par une économie endogène maîtrisée par les Sénégalais, pas par les étrangers", martèle-t-il, appelant à une véritable appropriation nationale des leviers économiques.
Malgré ce diagnostic sévère, Dr Pouye reste optimiste. "Le Sénégal a tout pour réussir. Le véritable problème aujourd'hui que nous avons, c'est un problème de gouvernance". Il appelle le gouvernement actuel à sortir de ce qu'il qualifie de "gestion clanique" pour mobiliser l'ensemble des compétences nationales, y compris la diaspora.
L'économiste, qui a récemment créé le mouvement politique SOP Sénégal (Souveraineté, Opportunité, Progrès), conclut sur une note d'espoir : "Notre développement, ce ne sont pas les autres qui le feront à notre place, c'est nous-mêmes qui ferons notre développement".