ZIGUINCHOR : LE QUARTIER YAMATOGNE ENGAGE LA BATAILLE DU DÉVELOPPEMENT
Des constructions d’une époque ancienne symbole de la jalousie de ce quartier. À côté, de nouvelles maisons modernes, des rues complètement pavées, signe d’un renouveau et d’un lendemain encore meilleur

Dans le temps, Yamatogne qui subissait des attaques de la part de ses voisins était un petit quartier de la commune de Ziguinchor réfractaire à toute oppression. À leur tour, les habitants ripostaient avec toute la force qui seyait. Aujourd’hui, la donne a complètement changé. Ce chapitre est clos. Yamatogne (c’est toi qui m’a offensé, en langue wolof), niché au cœur de la ville et qui forme une seule famille veille jalousement sur tous ses enfants. Retour dans cet empire de la bagarre où la doctrine du travail afin de parvenir à l’émergence est devenue le maître-mot.
ZIGUINCHOR – Des constructions d’une époque ancienne symbole de la jalousie de ce quartier. À côté, de nouvelles maisons modernes, des rues complètement pavées, signe d’un renouveau et d’un lendemain encore meilleur. Un environnement verdoyant soigneusement préservé. Un calme olympien en cette matinée du mardi 9 novembre dans ce quartier où un vent de délinquance avait eu à souffler. Mais, il y a bien longtemps. Car, cette ère est révolue. Ici, c’est une nouvelle vie qui commence. Elle est incarnée par une jeune génération qui allie études et sports. Nous sommes à Yamatogne, en plein centre-ville de Ziguinchor. Un quartier fondé avant l’indépendance du Sénégal, autrefois opprimé, et qui aujourd’hui, aspire et respire l’air du développement. Dans ce quartier, les jeunes sont désormais endoctrinés au culte de l’excellence pour plus tard, permettre à Yamatogne de faire partie des quartiers les plus développés de la capitale régionale du Sud. Selon le président de l’Association sportive et culturelle (Asc) de Yamatogne, pour concrétiser ce vœu et faire plaisir aux parents, membres à part entière de cette Asc, il suffit juste d’avoir la volonté et d’être armé de courage. « Tous les jeunes joueurs qui composent notre équipe senior ont le Bac+. Pour nous, la tendance doit être changée et orientée vers le développement. Nous avons encouragé les garçons à bien travailler et à pratiquer aussi le sport. Les jeunes sont conscients à 100% des enjeux du développement. Ils savent qu’ils doivent se donner à fond pour y arriver. Nous, nous avons travaillé à mettre en place une Asc. Maintenant, à eux de faire leur quartier. Et c’est possible », préconise Pape Amadou Sagna.
Souvent stigmatisés pour avoir versé dans la délinquance par moments, les Yamatognois, par la voix du président de leur Asc, nient en bloc et soutiennent qu’il n’en est rien. Aussi, précise-t-il que leur jeunesse n’a jamais versé dans des pratiques qui n’honorent pas la réputation de leurs parents. « Jusqu’à présent, il y a des gens qui nous taquinent en nous disant que nous sommes têtus, et que c’est pour cette raison que notre quartier abrite un commissariat de police. Moi, je dis non. C’est juste parce qu’il y a une démographie galopante à Ziguinchor. Nous ne sommes pas têtus, bien au contraire. Nous ne l’avons jamais été d’ailleurs », détaille M. Sagna, sourire aux lèvres. De plus, rassure-t-il, tout ça, c’est derrière nous.
À l’origine, des bagarres permanentes
Cerné par les quartiers Niafoulène, Néma et Boucotte, Yamatogne s’est toujours rebellé contre les voisins qui attaquaient un de ses habitants. Quiconque s’en prenait à un Yamatognois faisait face à la furie des autres. D’ailleurs, cette solidarité imprimée par les générations anciennes y est toujours de mise. À Yamatogne, nul n’a le droit d’offenser un enfant de ce quartier au risque de se faire tabasser par les autres. « Nos aïeuls, c’est-à-dire nos arrières grands-parents étaient des gens qui se bagarraient trop vite. Il y avait plusieurs confrontations. On les attaquait sans cesse. De tout temps, nos arrières grands-parents disaient à leurs frères (des quartiers environnants) que ce sont eux qui les offensaient. Mais, pas le contraire. Voilà pourquoi ils ont pu trouver comme nom, Yamatogne. « Nioun douniou togne ken » (nous, nous n’offensons personne). Nos parents nous ont éduqués de la sorte. Mais, quand on nous attaque, on répond à la provocation », certifie Pape Amadou Sagna, natif et habitant de Yamatogne depuis des décennies. En revanche, il rappelle que ces « bagarres inutiles » ont laissé la place aux forums et thé-débats où ils discutent des questions de fond, notamment l’éducation des enfants. « Nous ne sommes plus dans ça. C’est l’heure des grandes mutations. Ces bagarres vont nous mener nulle part. Aujourd’hui, notre objectif, c’est de maintenir les enfants et leur donner l’envie de faire du sport. Lier sport et études nous permet d’oublier ce qui s’est passé autrefois. Les enfants ne discutent que de sport et d’actualité. Ils ne touchent pas à l’alcool et à la drogue », insiste-t-il, rappelant que le sport et les études sont les deux « drogues » les plus consommées à Yamatogne.
L’Asc, symbole de l’unité infaillible
À Yamatogne, tout le monde supporte l’équipe créée bien avant les années 1990. En plus des « Lalandos », du nom des supporters qui ont un esprit « guerrier », c’est tout le monde qui soutient l’équipe. Connue à l’époque sous le nom de l’Association sportive et culturelle « Cabeing », cette structure qui regroupe toutes les sensibilités (pères et mères de familles, les jeunes filles et garçons, les cadres, etc.) est devenue Asc Yamatogne en 2005. Ce changement de nom n’est pas fortuit. Parce qu’il fallait à tout prix rebaptiser leur entité pour faire adhérer le maximum de Yamatognois au combat commun. Aujourd’hui, cette philosophie est encore adoptée par tous. L’Asc Yamatogne qui dispose de son document de reconnaissance juridique et de son Ninea continue à amasser des trophées et sa progression vers le sommet. Au plan régional, l’Asc Yamatogne a connu son premier succès dans les années 1990. Actuellement, les gloires s’enchaînent. Depuis 2014, cette Asc est sur orbite et joue au moins deux finales (zonales, départementales, régionales ou en coupe du maire) par an. En 2019, Yamatogne a remporté la coupe en catégorie Seniors des phases nationales organisées à Louga. Les secrets de cette réussite, on les trouve dans l’unité. Quand l’équipe joue, tous les parents se mobilisent pour formuler des prières à l’endroit des jeunes. Ici, dit-on, les jeunes ont toujours eu la rage de vaincre. « Le nom Yamatogne est un nom fédérateur. Quiconque habite dans ce quartier est membre de l’Asc, et a le droit et le devoir de se donner à fond pour son développement. Nous sommes solidaires. Moi, je fréquente les jeunes de mon quartier quand je ne suis pas au bureau. Nous allons continuer le travail pour pouvoir rester pendant très longtemps au sommet du football régional et même national », confie le responsable moral de l’Asc Yamatogne. Poursuivant, Pape Amadou Sagna indique que son grand rêve, c’est de hisser son Asc sur l’échiquier du football national (National 1, D2 et ensuite en D1).
S’appuyer sur les cadres pour développer le quartier
Yamatogne qui totalise plus de 500 familles et plus de 6000 habitants fait partie des quartiers les plus dynamiques de la ville de Ziguinchor. Il est divisé en quatre secteurs abritant le siège local de la Loterie nationale sénégalaise (Lonase), l’Unité de formation et de recherches (Ufr)/Santé de l’Université Assane Seck de Ziguinchor, le commandement de la zone militaire N°5, etc. Avec toutes ces infrastructures et les routes dont elles disposent, les populations disent n’avoir rien à envier à aucun quartier de la ville de Ziguinchor. Ce que Yamatogne doit faire, soutient le chef de cabinet du président du Conseil départemental de Ziguinchor, c’est de s’appuyer sur ses hauts cadres (le Pr Ameth Seydi, agrégé en Mathématiques, le Pr Abou Seydi, professeur des universités, le Pr Kourfia Kéba Diawara, ancien Recteur de l’Université Assane Seck…), pour impulser davantage une dynamique de développement afin de bâtir une nouvelle cité moderne au profit de toutes les générations futures