APRÈS LES PROMESSES, L'HEURE DES SACRIFICES ?
Les investisseurs saluent la transparence du nouveau pouvoir sur l'état réel des finances, mais s'inquiètent de la lenteur des réformes. Suppressions de subventions, réforme fiscale "ambitieuse"... le plan de redressement promis par Sonko se dessine

(SenePlus) - Alors que le Sénégal traverse sa pire crise financière depuis des décennies, l'annonce par le premier ministre Ousmane Sonko d'un "plan de redressement" économique suscite autant d'espoir que d'inquiétude. Six mois après les révélations explosives sur l'état réel des finances publiques, les contours de ce plan restent flous, alimentant les craintes d'une cure d'austérité à venir.
Depuis février et la publication du rapport de la Cour des comptes révélant une dette cachée de 7 milliards de dollars, les nouvelles autorités sénégalaises multiplient les annonces sans pour autant dévoiler leur stratégie concrète. "La démarche de transparence des nouvelles autorités autour de la dette est globalement saluée par les investisseurs. Néanmoins, beaucoup s'inquiètent du fait que cela traîne en longueur", confie au Monde un responsable du FMI.
Cette lenteur dans la mise en œuvre inquiète d'autant plus que la situation financière du pays continue de se dégrader. Le dernier rapport de la banque britannique Barclays, publié le 30 juin, réévalue la dette publique sénégalaise à 119% du PIB pour 2024, faisant du Sénégal "le pays le plus endetté d'Afrique", selon Le Monde.
Face à cette dégradation continue, Ousmane Sonko a tenté de rassurer lors d'une allocution télévisée de 45 minutes diffusée le 1er juillet. "Nous avons hérité d'un pays malade. Le régime précédent a hypothéqué le pays et les générations à venir", a-t-il déclaré, promettant qu'un "plan de redressement" serait présenté "sous peu". Mais là encore, aucun détail concret n'a été fourni.
Malgré le silence officiel, plusieurs sources permettent d'entrevoir ce que pourrait contenir ce fameux plan de redressement. D'après Le Monde, "le ministère des finances a communiqué à plusieurs reprises ces derniers mois sur la nécessité d'une réforme fiscale, ambitieuse et structurelle".
Un haut fonctionnaire proche du dossier, interrogé par le quotidien français, dévoile les grandes lignes envisagées : "Il est question de supprimer un certain nombre de subventions à l'énergie, des exonérations fiscales, mais aussi d'élargir l'assiette d'imposition". Une approche que le premier ministre avait déjà esquissée lors de sa déclaration de politique générale fin 2024 : "Il faut faire payer moins les Sénégalais, mais tous les Sénégalais", avait-il énoncé.
Des négociations au point mort avec le FMI
Cette philosophie fiscale s'inscrit dans un contexte budgétaire particulièrement contraint. Selon la loi de finances rectificative votée le 28 juin, près de 39,7% des dépenses du budget général sont déjà absorbées par les salaires de la fonction publique et le remboursement de la dette. "Presque tout l'argent du pays est consacré à la dette", a confirmé Ousmane Sonko lors de son intervention télévisée.
L'urgence de la situation est d'autant plus criante que les négociations avec les bailleurs internationaux piétinent. Les discussions avec le Fonds monétaire international n'ont toujours pas permis de lever la suspension du prêt d'1,8 milliard de dollars accordé au Sénégal.
"Nous avançons sur la question du misreporting [fausse déclaration] de la dette par les anciennes autorités mais, pour l'instant, il n'y a pas de négociation à proprement parler pour un nouveau programme avec les autorités", indique une source du FMI citée par Le Monde.
Cette situation complique davantage l'accès du Sénégal aux marchés financiers internationaux. Les obligations d'État sénégalaises en dollars ont perdu de leur valeur : -15% pour celles à échéance 2033, -32,8% pour celles de 2048, révèle le quotidien français.
Pour compenser, Dakar s'est tournée vers le marché régional de l'UEMOA, récoltant 400 milliards de francs CFA en avril et près de 300 milliards fin juin, avec des taux d'intérêt entre 6% et 7%. Le pays prépare également le lancement de "diaspora bonds" pour 1 500 milliards de francs CFA, un emprunt obligataire réservé aux ressortissants de la diaspora.
Malgré l'annonce de l'installation d'une usine Mercedes d'assemblage de camions au Sénégal, censée prouver l'attractivité du pays, les observateurs restent sceptiques. "Ce serait un non-événement si nous n'étions pas en période de crise", tempère Elimane Haby Kane, directeur exécutif du groupe de réflexion LEGS Africa, cité par Le Monde.