«AUGMENTER LES SALAIRES EST UN LEVIER ECONOMIQUE IMPORTANT»
Contrairement au chef de l’Etat qui, a déclaré que «c’est impensable et impossible d’augmenter les salaires», au motif que cela crève le budget, le Professeur Meïssa Babou est d’avis que l’augmentation des salaires «est un levier économique important»

Contrairement au chef de l’Etat qui, recevant les cahiers de doléances des syndicats de travailleurs avant-hier, mercredi 1er mai, a déclaré que «c’est impensable et impossible d’augmenter les salaires», au motif que cela crève le budget, le Professeur Meïssa Babou est d’avis que l’augmentation des salaires «est un levier économique important». Pour l’économiste et enseignant à l’UCAD, interrogé par Sud Fm, face aux «faibles salaires» et au «coût extrêmement élevé de la vie», la situation des salariés mérite un «fast-track» de l’Etat, qui est invité à subventionner les logements sociaux plutôt que d’instituer une nouvelle taxe sur le ciment au détriment de l’écrasante majorité des «gorgorlu».
SITUATION ECONOMIQUE DU SENEGAL
«Le Sénégal est dans un marasme économique: ceux qui sont dans des secteurs comme l’agriculture, l’élevage sont aujourd’hui dans la dèche. Tout le monde sait que ces autres secteurs ne sont pas rentables, on n’a rien fait pour les moderniser, donc c’est très difficile. De l’autre côté, pour ceux qui se sont urbanisés, si on regarde les travailleurs au Sénégal, c’est à peu près s’ils ne sont pas appauvris parce que les salaires sont faibles, le coût de la vie est extrêmement élevé. Dans les grandes villes, aujourd’hui, on ne peut pas vivre avec moins de 500 mille et tout le monde sait que la moyenne des salaires tournerait autour de 200 mille. Donc, les Sénégalais peinent difficilement à sans sortir, ils tirent le diable par la queue, s’ils ont la chance de voir ce diable-là. Voilà une situation qui demanderait une intervention rapide de l’Etat. Le «fast-track» doit être effectivement orienté vers les secteurs qui font la base de notre économie et où on trouve le maximum de Sénégalais qui, aujourd’hui, sont franchement en difficulté. Il doit les aider à moderniser tout cela et nous mettre dans des conditions de vie plus facile: l’accès à l’eau et à l’électricité. Quand je parle d’accès, je parle du coût parce que les factures sont surélevées, les locations sont surélevées, même payer la scolarité de son fils devient un problème; les Sénégalais sont fatigués.
RAISONS D’UNE AUGMENTATION DES SALAIRES
Souvent, ils prennent des chiffres pour narguer les Sénégalais. Si les salaires s’élèvent à 80 milliards, il devait aussi vous dire : on rembourse les dettes à hauteur de presque 82 milliards, ce qui n’est pas bon. Je croix que si, économiquement, le régime avait compris, il aurait peut-être fait un effort dans ce sens-là. Parce que l’amélioration des conditions de travail et l’amélioration des niveaux de salaires est peut-être une dimension très importante de la croissance économique et du développement à la fois économique et personnel. Quand le travailleur n’a pas suffisamment de moyen, non seulement il n’aura pas développement personnel, mais l’économie sera freinée, parce qu’il nous faut aller acheter. Et je croix qu’en 2004, jusqu’en 2010 presque, Me Abdoulaye Wade (ancien président) a augmenté plusieurs fois les salaires dont ceux de l’université. Et ceux qui ont profité de ces augmentations, ce sont tout simplement tous ces commerçants vendeurs de quelque chose. Parce que nous avons peut-être plus de moyens pour acheter, donc c’est un levier économique important. Maintenant, est-ce que l’Etat du Sénégal, avec un budget de 800 milliards par an, pour un budget de plus de 4000 milliards doit se plaindre ? Oh que non ! On n’a pas atteint le tiers du budget. Je croix qu’il nous faut aussi réfléchir sur ces niveaux de salaire parce qu’il y’a une différence entre les salaires d’en haut et les salaires d’en bas. On vous parle de 2 millions, de 3 millions de salaire pendant que le jeune fonctionnaire touche 180 mille ou bien 200 mille F CFA. Il nous faut réviser tout cela et nous mettre dans une dynamique de classement de ces groupes-là pour qu’on ait une classe moyenne assez forte, qui n’est pas saturé comme ceux qui touchent ces millions-là. Et cette classe moyenne-là est peut-être la classe qui peut faire bouger l’économie parce que cette classe moyenne est en phase avec des besoins non satisfaits. Donc, je crois qu’augmenter les salaires est un levier économique; malheureusement, ça n’a pas été compris.
SUBVENTION ASSEZ FORTE DE L’ETAT POUR LES LOGEMENTS SOCIAUX A LA PLACE D’UNE TAXE SUR LE CIMENT
Pour les logements sociaux, l’Etat avait un programme. Et quels logements sociaux ? C’est à «Diamniadio». Je n’ai pas vu les prix mais, de toute façon si ça dépasse les 20 millions, les 25 millions, ce n’est plus du social. Et vouloir financer des logements sociaux et venir aussi faire des augmentations sur le ciment, je vous rappelle que c’est la deuxième ou troisième fois qu’on fait une taxe sur le ciment, on avait fait une taxe sur les cigarettes et les boissons il y a quelques mois, on avait taxé beaucoup de produits. Face à une difficulté de trésorerie, l’Etat prend simplement le risque de taxer encore davantage des produits qui sont de grande consommation au Sénégal comme le ciment. Et si on augmente ce ciment-là pour contenter peut-être quelques «gorgorlu» dans des logements sociaux, et tous les autres gorgorlu qui ne bénéficient pas de ça qui sont à Fongolembi et qui doivent acheter le ciment beaucoup plus cher encore ? Est-ce qu’on a pensé à ces gens-là ? Je crois qu’à la place d’une taxe, l’Etat devait se pencher peut-être sur une subvention assez forte pour ces logements sociaux et non pas aller toucher au produit qui est extrêmement consommé par les Sénégalais et qui fera très mal pour la petite classe qui n’aura pas les moyens pour cette augmentation-là.»