VIDEODIOMAYE-TRUMP, LE GRAND TEST
Face à l'"America First" de Donald Trump, le Sénégal peut-il faire valoir un "Sénégal d'abord" ? La rencontre entre le président sénégalais et son homologue américain révèle les défis d'une diplomatie à armes inégales dont il faudra pourtant tirer partie

Au lendemain de la rencontre entre Donald Trump et cinq chefs d'État africains, dont Bassirou Diomaye Faye, les experts s'accordent : le Sénégal fait face à un véritable examen de passage diplomatique.
Sur le plateau de TFM ce jeudi 10 juillet 2025, les spécialistes n'ont pas mâché leurs mots. "Ce qu'a en tête Donald Trump, c'est très clairement les profits américains, l'intérêt des États-Unis d'Amérique et non celui de l'Afrique", a tranché Yankhoba Seydi, géopolitologue et auteur de "Libéralisme, une affaire de philosophie et de liberté".
Pour François Durpaire, spécialiste des relations internationales à l'université Sorbonne Paris Nord, l'enjeu est clair : "Il faudra être extrêmement vigilant sur trois points : les contrats qui seront passés, la place du secteur privé local, et l'équilibre social après la suppression de l'aide américaine."
Le Wall Street Journal a révélé que le département d'État américain avait transmis au Sénégal une demande pour accueilir des migrants expulsés. "C'est une sorte de diplomatie du troc", analyse Durpaire. "Nous allons faire des affaires, mais accueillez ceux dont nous ne voulons plus." Cette proposition place Dakar dans une position délicate, entre opportunités économiques et préservation de sa dignité nationale.
Quelques semaines après la visite "XXL" d'Ousmane Sonko en Chine, Bassirou Diomaye Faye courtise désormais les investisseurs américains. Une stratégie d'équilibre périlleuse selon Yankhoba Seydi : "Le Sénégal marche sur une ligne de crête. Il faudra vraiment de l'adresse, de l'habileté, du doigté diplomatique pour s'en sortir sans frustrer les deux parties". L'expert rappelle que dans le contexte de rivalité sino-américaine, "quelqu'un comme Trump pourrait dire : 'Écoutez, choisissez', car Trump est très cash souvent".
L'appel de Faye aux investisseurs américains, notamment pour le projet gazier Yakaar-Teranga où Kosmos Energy est opérateur principal, intervient à un moment crucial. "Il faut maintenant que le Sénégal sache bien négocier pour ne pas perdre au change", insiste Seydi. "Les Américains ont les moyens de négocier et de défendre leurs intérêts. Trump, dans tout ce qu'il fait, c'est 'America First'. Il faut maintenant que le Sénégal dise aussi 'le Sénégal d'abord'."
Les experts saluent la performance diplomatique du président sénégalais. "Ses conseillers ont très bien travaillé", note Seydi, soulignant que Faye a su "flatter" Trump, conscient de son ego surdimensionné. Cette approche, bien que critiquée par certains, relève d'une "manière nécessaire mais pas suffisante d'obtenir ce que l'on cherche", selon Durpaire.
La mise en scène de la rencontre - les chefs d'État africains debout derrière Trump assis - symbolise le rapport de force. "Ces gens-là doivent être debout derrière lui pendant que certains de ses collaborateurs sont assis. C'est une façon de montrer que c'est lui le patron", décrypte Seydi.
Pour Durpaire, le véritable test se jouera dans "la partie immergée de l'iceberg", lors des négociations concrètes : "Un contrat peut être un levier, mais aussi une camisole."
Le défi pour le Sénégal sera de transformer cette opportunité en gains durables, tout en préservant sa marge de manœuvre diplomatique. Comme le résume Yankhoba Seydi : "La question maintenant, c'est de savoir comment tirer profit de cette mégalomanie."
L'examen de passage du Sénégal sur la nouvelle scène géopolitique mondiale ne fait que commencer.