LE FMI DESAVOUE MACKY ET DONNE PRESQUE RAISON A SONKO
Selon le FMI, « le déficit budgétaire et la dette publique pour cette période sont désormais estimés significativement plus élevés que les chiffres précédemment rapportés dans les lois de finances et de règlement »

Selon le FMI, « le déficit budgétaire et la dette publique pour cette période sont désormais estimés significativement plus élevés que les chiffres précédemment rapportés dans les lois de finances et de règlement »
Entre Macky Sall et Ousmane Sonko, qui dit vrai sur la question de la manipulation des finances publiques ? En attendant que la Cour des Comptes produise son rapport sur l’état des finances de la Nation, le Premier ministre peut afficher le sourire puisqu’il a obtenu un soutien de taille venant du Fonds monétaire international (FMI). En effet, l’institution de Breton Woods vient tout simplement de reconnaître, à la suite d’une mission qu’une de ses équipes vient d’effectuer au Sénégal du 09 au 16 octobre, que « le déficit budgétaire et la dette publique pour cette période sont désormais estimés significativement plus élevés que les chiffres précédemment rapportés dans les lois de finances et de règlement ».
L’on n’a pas encore fini d’épiloguer sur les accusations de maquillage — ou misreport — de la situation des finances publiques du régime du président Macky Sall formulées par le Premier ministre Ousmane Sonko lors de sa conférence de presse du 26 septembre dernier. Le chef du Gouvernement avait indiqué que les déficits budgétaires avaient été annoncés à une moyenne de 5,5% du Pib sur la période 2019-2023 mais qu’en réalité, ils ont atteint une moyenne de 10,4%, soit presque le double de ce qui avait été avancé par le précédent régime. En outre, avait souligné le Premier ministre, à la fin de 2023, la dette de l’Etat central, hors secteur parapublic, s’élève à 15.664 milliards de Fcfa, soit 83, 70 du PIB, alors que le régime du président Macky Sall parlait de 13.712 milliards de Fcfa, soit 73,6 du PIB. D’après le chef du gouvernement, il s’agit donc d’un supplément de dette non publié de près de 1.892 milliards de frs, soit 10% du PIB de plus. Le morceau était gros à avaler. Les auteurs de ces maquillages désignés et offerts à la vindicte populaire étaient notamment le président Macky Sall, les anciens ministres des Finances Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo et Moustapha Ba. Cet exercice de vérité des nouvelles autorités avait pris des proportions mondiales jusqu’à provoquer la dégradation de la note du Sénégal par l’agence Moody’s, le 4 octobre dernier. La signature du Sénégal en a pris un coup et notre pays va payer plus cher son endettement. La riposte attendue des accusés n’est pas venue jusqu’à présent. Seule la formation politique de l’ancien président incriminé, l’Alliance pour la République, a fait une riposte… littéraire. C’est sans doute ce qui a poussé le président Macky Sall à monter au créneau pour se défendre et de défendre son régime. Dans un entretien accordé à l’agence de presse américaine Bloomberg ce mardi 15 octobre il a, en marge d’un forum à Londres, rejeté les accusations de maquillage des comptes et de misreporting. « Ces propos sont faux, totalement faux. Attendons que la justice confirme ou infirme avant d’accuser les gens », a réagi Macky Sall. « J’ai laissé un pays où les indicateurs étaient au vert », a-t-il ajouté en peignant une situation particulièrement rose de la situation des finances publiques sous son magistère
Le FMI tranche pour Ousmane Sonko…
Cette réponse de Macky Sall a installé un flou dans l’esprit des Sénégalais, mais aussi des partenaires techniques financiers du Sénégal. En attendant que la Cour des Comptes publie son rapport sur l’exécution de la loi de finances 2023, le Gouvernement peut se féliciter d’avoir reçu un soutien de taille, celui du FMI. La coïncidence est opportune puisque la mission du FMI qui a séjourné dans notre pays du 09 au 16 de ce mois d’octobre survient au lendemain d’un mano à mano entre le pouvoir actuel et l’ancien régime. Les termes de référence de la mission étaient de discuter des conclusions préliminaires du rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF)sur les finances publiques nationales couvrant la période 2019-2024, ainsi que des perspectives budgétaires pour le reste de l’année. Elle devait aussi commencer à évaluer les implications des révisions des données résultant de ce rapport pour les programmes soutenus par le FMI dans le passé, et le programme en cours soutenu par les accords de la Facilité élargie de crédit (FEC), du Mécanisme élargi de crédit (MEDC), et de la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD), et approuvé par le Conseil d’administration du FMI le 26 juin 2023. « Le personnel du FMI se félicite du rapport de l’IGF sur les finances publiques et de l’engagement du gouvernement en faveur d’une gouvernance solide et de la transparence budgétaire. Les conclusions préliminaires indiquent des révisions substantielles des données d’exécution budgétaire pour la période 2019-2023. Ces révisions sont principalement attribuables à des investissements financés par des emprunts extérieurs et des prêts contractés auprès des banques locales. En conséquence, le déficit budgétaire et la dette publique pour cette période sont désormais estimés significativement plus élevés que les chiffres précédemment rapportés dans les lois de finances et de règlement. Durant le processus de certification des conclusions de l’IGF par la Cour des comptes, le personnel du FMI continuera à travailler en étroite collaboration avec les autorités dans les semaines à venir pour évaluer l’impact macroéconomique et définir les prochaines étapes, notamment l’évaluation d’éventuelles erreurs de déclaration dans les programmes passés et en cours soutenus par le FMI » a indiqué le chef de la mission du FMI M. Edward Gemayel. « L’évaluation d’éventuelles erreurs… » Qu’en termes diplomatiques certaines choses sont dites !
… et prévoit une aggravation du déficit budgétaire avant d’exiger des mesures audacieuses
Le FMI redoute d’ailleurs une aggravation de notre déficit budgétaire. « Le Sénégal continue de faire face à un environnement difficile, avec des signes de tensions accrues dans l’exécution du budget. Le manque à gagner en termes de recettes, identifié lors de la dernière visite des services, a été confirmé à fin septembre. Parallèlement, les dépenses sont restées élevées, principalement en raison d’une augmentation substantielle des dépenses d’investissement, comme le suggèrent les conclusions préliminaires du rapport de l’IGF. En l’absence de mesures décisives sur les dépenses, le déficit budgétaire devrait s’aggraver cette année, dépassant l’estimation précédente de 7,5 % du PIB » a indiqué Edward Gemayel, le chef de la mission du FMI. Il estime qu’« à l’avenir, il est essentiel que les autorités mettent en œuvre des mesures audacieuses et rapides pour assurer la viabilité des finances publiques et placer la dette publique sur une trajectoire décroissante. La Loi de finances 2025 représente une occasion cruciale pour le gouvernement de réaffirmer son engagement en faveur des réformes essentielles et de répondre aux défis structurels de longue date. Des actions stratégiques pour renforcer la mobilisation des recettes domestiques — en particulier à travers la rationalisation des exonérations fiscales — ainsi que des efforts pour éliminer progressivement les subventions énergétiques et les transferts non essentiels seront déterminants pour favoriser la discipline budgétaire et renforcer la confiance dans la gouvernance publique, jetant ainsi les bases d’un modèle de croissance plus inclusif, tiré par le secteur privé. » Autrement dit, les Sénégalais n’ont pas fini de se serrer la ceinture !