LE FMI RÉCLAME LES "VRAIS CHIFFRES" À DAKAR
Malgré les promesses de Sonko d'un "plan de redressement" imminent, l'institution exige de connaître "l'étendue de la mauvaise déclaration et quelles voies ont été utilisées" par l'ancien régime pour dissimuler plusieurs milliards de dollars de dette

(SenePlus) - Alors qu'Ousmane Sonko promet un "plan de redressement" dans les prochains jours, le Fonds monétaire international maintient le gel des financements au Sénégal et attend toujours que Dakar livre les "chiffres finaux" de sa dette cachée. Une situation de blocage qui perdure depuis la révélation du scandale financier hérité de l'ancien régime.
Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du FMI, a précisé les conditions du déblocage en marge du débat sur l'Afrique à Londres. "Nous attendons que le gouvernement partage avec nous essentiellement les chiffres finaux et les questions clés qu'ils ont identifiées", a-t-il déclaré à Reuters. "Et nous espérons avancer aussi rapidement que possible. Nous restons engagés."
Cette attente du FMI porte sur l'ampleur exacte de la sous-déclaration des déficits par l'administration précédente. Un audit mené sous le nouveau président Bassirou Diomaye Faye a révélé que le ratio de la dette fin 2023 atteignait environ 100% du PIB, contre les 74% précédemment rapportés.
Le FMI, financier clé de ce pays ouest-africain lourdement endetté, a gelé les décaissements de son programme avec le Sénégal l'année dernière après ces révélations. Cette suspension intervient dans un contexte où le pays fait face à une crise financière majeure, aggravée par la découverte de cette "dette cachée" de plusieurs milliards de dollars.
Le directeur du département Afrique du FMI a également souligné que l'institution attend de voir "l'étendue de la mauvaise déclaration, et quelles voies ont été utilisées", afin de déterminer comment le gouvernement a réussi à dissimuler une dette plus importante que celle rapportée au Fonds pendant un programme actif.
De son côté, le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé mardi soir dans un discours diffusé sur les réseaux sociaux qu'il présenterait un "plan de redressement" dans les prochains jours. Ce plan devra "dire aux Sénégalais comment remettre le pays sur pied, point par point", selon ses déclarations rapportées par Reuters.
"Nous expliquerons ce que nous attendons du peuple, comment l'État doit réduire ses dépenses, et comment procéder avec nos partenaires", a-t-il précisé. Cette annonce intervient alors que la pression s'intensifie sur le gouvernement pour sortir de l'impasse avec le FMI et relancer l'économie sénégalaise.
L'institution de Bretton Woods ne se contente pas d'attendre les chiffres. Elle veut comprendre les mécanismes qui ont permis cette dissimulation. Cette exigence de transparence s'inscrit dans les procédures du FMI en cas de "misreporting" - fausse déclaration - qui peuvent conduire soit au remboursement des sommes déjà versées, soit à un effacement selon l'évaluation finale.
Le programme initial de 1,8 milliard de dollars, négocié en mai 2023 sous l'ancien président Macky Sall, reste donc suspendu en attendant cette clarification. Cette situation place le Sénégal dans une position délicate, contraint de solliciter d'autres sources de financement à des conditions moins favorables.
L'enjeu de la crédibilité institutionnelle
Au-delà des aspects financiers, cette affaire questionne la crédibilité des institutions sénégalaises et leur capacité à fournir des données fiables aux partenaires internationaux. Le FMI, qui base ses programmes sur la transparence budgétaire, doit s'assurer que de tels dysfonctionnements ne se reproduiront pas.
La résolution de ce dossier conditionne non seulement l'avenir des relations entre Dakar et le FMI, mais aussi la capacité du nouveau gouvernement à crédibiliser sa gestion économique auprès des autres bailleurs internationaux. L'attente se poursuit donc des deux côtés : le FMI pour ses "chiffres finaux", le Sénégal pour un déblocage vital de ses financements.
Source : Reuters