LE FORUM CIVIL RAPPELLE AU CHEF DE L’ETAT SA PROMESSE ET PROPOSE UN CANEVAS
La section sénégalaise de Transparency International a proposé hier au gouvernement sa contribution au projet de création d’un Parquet National Financier (PNF)

La section sénégalaise de Transparency International a proposé hier au gouvernement sa contribution au projet de création d’un Parquet National Financier (PNF). Le Forum Civil met ainsi le chef de l’Etat devant le fait accompli en lui proposant un canevas en ce sens.
Le Forum Civil s’impose comme une force de proposition. Il a publié hier une contribution rappelant au chef de l’Etat sa promesse tenue le 31 décembre 2020 de créer un parquet financier qui s’occuperait de certains dossiers de prévarication. A en croire la section sénégalaise de Transparency International, un tel instrument est fondamental dans la mesure où l’Indice de Perception de la Corruption en Afrique en général et au Sénégal en particulier montre à suffisance que des mesures juridiques et institutionnelles fortes s’imposent pour faire face au phénomène de la corruption et aux autres délits connexes.
Selon le coordonnateur du Forum Civil, Birahime Seck et cie, la question de la spécialisation des organes de lutte contre la corruption est une exigence souveraine de transparence des autorités politiques et parfois des groupes d’investisseurs et prêteurs. Mieux, soutiennent-ils, c’est un gage d’efficacité de la justice commerciale caractérisée par la technicité, la simplicité et la rapidité. «L’ambition commune des Etats ayant mis en place un tribunal ou un parquet national financier est la recherche d’efficacité et de rapidité dans la gestion du contentieux des affaires publiques par des acteurs intègres et compétents», lit-on dans le document du Forum civil parvenu à la rédaction. Dès lors, Birahime Seck et cie estiment qu’à l’image de l’autorité administrative indépendante anticorruption, le service public de la justice doit être doté ou comporter au sein des juridictions existantes des formations spécialisées en charge de la délinquance économique et financière. Et pour faciliter la tâche au gouvernement, ils ont formulé des propositions au gouvernement en ce qui concerne les modalités de sélection et de révocation des membres du PNF, ses compétences territoriales et matérielles, la procédure applicable et la relation entre ce parquet financier avec les juges en charge de l’instruction et du jugement.
COMPETENCES DU PNF
Revenant sur les modalités de nomination et de cessation de fonction des membres, la section sénégalaise de Transparency International indique que celles-ci doivent obéir aux mêmes règles que celles régissant leurs collègues de même rang. «La fonction de membre du parquet financier doit être plus protégée en raison de la sensibilité de la matière et des exigences de stabilité de l’institution. Il doit être nommé pour une durée de cinq ans renouvelables une fois. La sélection peut être confiée au Conseil supérieur de la magistrature, élargie à des représentants de la société civile et du Bâtonnier de l’Ordre des avocats», propose le Forum civil. Qui ajoute que des entretiens avec les candidats proposés permettraient de renforcer la transparence dans le choix définitif qui se fera sur la base des critères d’intégrité, de compétence et d’indépendance.
Pour être membre du parquet financier, note-t-on, le candidat doit être hors hiérarchie et justifier d’une solide expérience de magistrat du parquet. Aussi, précise le document, les membres du Parquet National Financier sont choisis par appel à concurrence. Pour ce qui est des compétences du parquet national financier, il a été retenu principalement que celui-ci doit avoir une compétence nationale et assurer la direction des enquêtes sur toute l’étendue du territoire. «La compétence matérielle ne doit être ni trop élargie au risque de vider les juridictions répressives de droit commun de l’essentiel de leurs attributions, ni trop restreinte pour laisser échapper d’autres formes d’atteinte à la probité pouvant impacter négativement le secteur économique et financier », lit-on dans le document parvenu à la rédaction.
PROCEDURE APPLICABLE
En outre, sur la procédure applicable, le Forum civil pense que la procédure en matière de traitement des infractions relevant de la compétence du parquet financier doit être celle régissant les crimes et délits dans le code de procédure pénale sous réserve des exceptions proposées. Birahime Seck et ses camarades estiment que les magistrats du parquet financier ne doivent cumuler leur fonction avec aucun autre emploi judiciaire, leur charge de travail étant lourde et complexe. En plus de pouvoir recevoir des plaintes et dénonciations et apprécier les suites à donner, ils peuvent ordonner des enquêtes, procéder ou faire procéder à tous actes de poursuite utiles à la manifestation de la vérité, y compris les interrogatoires et auditions, les perquisitions et visites domiciliaires, les constatations et expertises, déclare le Forum civil. «Outre les procès-verbaux d’enquêtes menées par les officiers de police judiciaire et portant sur des infractions de sa compétence, le parquet national financier doit être directement destinataire des rapports de la Cellule nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) et ceux de l’Office National de Lutte contre la Corruption (OFNAC)», note-t-on dans la contribution de la section sénégalaise de Transparency International. Qui indique également que le procureur national financier ne doit ni pouvoir utiliser la procédure de flagrant délit en raison du statut politique de certains potentiels justiciables, ni classer les procès-verbaux et rapports d’enquête reçus comme ça a été toujours le cas en matière de blanchiment de capitaux. «Le parquet national financier devrait soit ouvrir une information judiciaire, soit citer le ou les présumés auteurs devant la juridiction compétente », souligne l’organisation dirigée par Birahime Seck.
En définitive, la contribution du Forum civil a accordé une attention particulière à la relation entre le parquet financier et les juges en charge de l’instruction et du jugement. L’organisation dit être convaincue que l’efficacité d’un parquet national financier est tributaire en grande partie de l’existence de juges spécialisés en charge de l’instruction et du jugement.
Selon elle, lorsque le procureur de la République financier entendra ouvrir une information judiciaire, il saisit la commission d’instruction composé d’un Président, six juges titulaires et deux suppléants. A la fin de son information, ajoute-t-elle, la Commission pourra prendre un non-lieu ou renvoyer l’affaire devant une des deux chambres financières du tribunal de grande instance hors classe de Dakar. Non sans préciser que les décisions rendues par ces chambres financières sont susceptibles d’appel devant les deux chambres financières d’appel de la Cour d’Appel de Dakar dans un délai de 15 jours, à compter du prononcé de la notification ou de la signification de la décision et selon les formes de droit commun de la procédure pénale. Et les arrêts rendus par les chambres financières d’appel seront susceptibles de pourvoi en cassation, conclut le Forum Civil.