LE VISA OBLIGATOIRE POUR FIABILISER L’INFORMATION FINANCIERE
Après la Côte d’Ivoire, le Sénégal devient le deuxième pays de l’Uemoa à instaurer un visa obligatoire pour les états financiers. Une mesure qui devrait améliorer, « de façon substantielle », l’information financière délivrée par les acteurs économiques.

On dit parfois que les Pme ont souvent trois états financiers différents : un pour le fisc, un pour la banque et un autre (le bon) pour les actionnaires. Avec l’instauration d’un visa obligatoire des états financiers de synthèse, ce subterfuge ne sera plus possible. Désormais toutes les entreprises soumises à l’obligation de produire des états financiers doivent nécessairement avoir un visa délivré par un expert comptable. A l’exception de celles qui sont soumises au système minimal de trésorerie (un chiffre d’affaires inférieur à 60 millions pour les entreprises de négoce, 40 millions pour les entités artisanales et 30 millions pour les entités de services) ou les grandes entreprises soumises à l’obligation de commissariat aux comptes. La philosophie qui sous-tend cette réforme est simple. Dans un monde où les marchés dictent largement leur loi en matière de choix économiques, la fiabilité de l’information financière est devenue un intrant indispensable pour les décideurs publics et privés. Cette mesure a été testée en 2018 pour le compte des états financiers de 2017, mais elle était restreinte aux grandes entreprises. Cette année, son application sera étendue à tous les états financiers établis pour le compte de l’exercice 2018 et dont le dépôt est prévu à la Direction générale des impôts et des domaines (Dgid) au plus tard le 30 avril 2019. Le temps est donc compté. Dans cette perspective, l’Ordre national des experts comptables et des comptables agréés du Sénégal (Onecca) a organisé, jeudi, une conférence de presse conjointe avec la Dgid pour expliquer les tenants et les aboutissants de cette réforme.
Les enjeux
Les enjeux sont multiples. Il s’agit d’avoir une « unicité » du bilan des entités concernées. Autrement dit, chaque entreprise devra fournir un seul état financier authentifié par un expert comptable. Jusqu’ici, il fallait déposer cinq exemplaires à la Dgid qui, à son tour, remettait un exemplaire aux autres structures (Bceao, Ansd, etc.). L’autre enjeu, c’est d’avoir des politiques économiques conformes à la réalité. « Si on n’a pas une information financière fiable, nos politiques économiques sont forcément mal dimensionnées et manqueront d’efficacité », explique Mor Fall, conseiller technique à la Dgid. Pour lui, le premier bénéficiaire, c’est l’entreprise, « parce que quand on n’a pas une comptabilité fiable, on ne peut pas avoir une bonne stratégie ». Et aussi moins de crédit auprès des banques ! Enfin, il s’agit de pousser les entreprises du secteur informel à se formaliser. L’Etat a choisi l’Onecca comme étant la seule structure (à travers ses membres) à délivrer un tel visa. Une façon de lutter contre l’exercice illégal de la profession qui, selon le président de l’Onecca, Serigne Moustapha Kâ, « gangrène » l’économie. Pour éviter la reproduction frauduleuse du visa, sa structure a travaillé avec des partenaires techniques spécialisés dans la signature électronique pour « authentifier et assurer son inviolabilité », explique-t-il. M. Kâ précise aussi que l’Ordre a organisé plusieurs séminaires et ateliers à l’intention de ses membres pour échanger sur la mise en œuvre de cette réforme. Pour ce faire, il incite ses collègues à se déployer dans les régions pour être plus proches des acteurs économiques. « C’est une mission publique qui nous a été confiée par les autorités pour fiabiliser l’information financière et aider les acteurs économiques à avoir un outil performant dans leur gestion », indique le président de l’Onecca qui voit dans ce visa un outil « gagnant-gagnant » pour la Dgid, les experts comptables et les acteurs économiques. L’Etat a tenu à ce que la rémunération soit « la plus faible possible », avec un barème qui équivaut à la moitié de celui appliqué en Côte d’Ivoire. Reste à savoir si cela sera suffisant pour rassurer certaines entreprises qui y voient une augmentation des charges.
Le visa obligatoire, c’est quoi ?
Conformément aux dispositions de l’article 31 du Code général des impôts, l’arrêté n° 1954 du 09 février 2018 a institué une procédure de visa des états financiers avant leur dépôt au Guichet unique de dépôt des états financiers (Gudef). Ce visa vise à vérifier la vraisemblance et la cohérence d’ensemble des états financiers, leur caractère complet, leur unicité, leur homogénéité ainsi que leur comparabilité au référentiel comptable applicable, à savoir le Syscohada révisé tel que réglementé par l’Acte uniforme de l’Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) relatif au droit comptable et à l’information financière.