VIDEOLES ACTEURS DU BTP RÉCLAMENT DES "ASSISES"
246 milliards de francs CFA d'impayés, 310 milliards de marchés suspendus, 15 000 emplois perdus : les chiffres du secteur donnent le vertige. Patronat et syndicats dressent un constat alarmant

(SenePlus) - TFM a reçu ce lundi soir Jaraf Alassane Ndao, secrétaire général du syndicat des travailleurs du BTP, et Oumar Ndir, représentant du patronat, pour faire le point sur la situation catastrophique que traverse le secteur du bâtiment et travaux publics au Sénégal.
Oumar Ndir n'a pas mâché ses mots pour décrire l'état du secteur. Selon un sondage qu'il a réalisé auprès de 6 à 7 entreprises, les impayés s'élèvent à 246 milliards de francs CFA, soit plus du double des 105 milliards prévus dans la loi de finances rectificative pour le BTP.
"La situation est catastrophique, elle est plus que catastrophique, elle est extrêmement insoutenable", a déclaré le représentant du patronat. Il a également révélé que 310 milliards de francs CFA de marchés attribués à des entreprises sénégalaises ont été suspendus, annulés ou non budgétisés depuis 2023.
Le BTP représente 6% du PIB sénégalais, soit deux fois plus que le secteur de la pêche. Cette importance économique rend d'autant plus préoccupante la crise actuelle qui frappe de plein fouet l'emploi.
Jaraf Alassane Ndao a souligné l'ampleur du désastre social : "En moins de 24 mois, on a perdu plus de 15 000 à 16 000 salariés dans le secteur du BTP, et ça c'est dans le secteur formel. Dans l'informel, c'est pire."
Les grandes entreprises du secteur sont particulièrement touchées. Le consortium CSE a vu son carnet de commandes passer de 140 milliards à 20 milliards de francs CFA. Chez EIFFAGE, près de 1 000 à 2 000 emplois ont été supprimés, tandis que l'entreprise procède chaque mois à des "dégraissages" de 100 à 150 salariés.
"C'est un déchirement parce qu'il faut choisir", a confié Oumar Ndir, évoquant les décisions difficiles que doivent prendre les chefs d'entreprise face à cette crise.
Les 105 milliards jugés insuffisants
Si les deux invités saluent l'effort du gouvernement d'allouer 105,2 milliards de francs CFA au secteur dans la loi de finances rectificative, ils estiment cette somme largement insuffisante.
"C'est une goutte d'eau dans l'océan", a tranché Jaraf Alassane Ndao, rappelant que la dette totale du secteur avoisine les 300 milliards de francs CFA.
Face à cette crise, les deux représentants appellent à la tenue d'assises du secteur BTP réunissant patronat, syndicats, gouvernement, services techniques et partenaires financiers.
"Il faut qu'on déclenche les assises du secteur, sorte d'états généraux permettant de sauver ce qui peut être encore sauvé", plaide Oumar Ndir, qui insiste sur l'urgence de relancer l'investissement public et privé.
Les acteurs du secteur expriment également leurs préoccupations concernant la concurrence des entreprises chinoises. Jaraf Alassane Ndao dénonce le non-respect du code du travail par certaines entreprises multinationales : "Ce que CSE n'ose pas faire, ce que EIFFAGE n'ose pas faire, les Chinois peuvent le faire sans que personne n'ose dire un mot."
Malgré ce tableau sombre, les deux invités appellent au dialogue avec les autorités. "Il n'y a pas plus patriote qu'un chef d'entreprise qui décide d'investir dans son pays", souligne Oumar Ndir, réaffirmant la disponibilité du secteur privé à accompagner l'État dans la recherche de solutions.