LES PAYSANS CRIENT À L’ARNAQUE ET ACCUSENT LE MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE
Au lieu du prix officiel de 250frs /kg d’arachide, la Sonacos et les opérateurs s’offrent les graines a 200 frs…

Bien que le prix officiel du kilogramme d’arachide ait été fixé à 250 Frs, sur le terrain, la réalité est tout autre. En effet, la Sonacos, bien qu’appartenant à l’Etat, se permet de violer le gouvernement, en s’offrant le kg à 200 frs ». En faisant ce forfait, l’huilier national ouvre la voix aux opérateurs privés véreux qui s’arrogent le droit d’acheter les productions des paysans à moins de 250 frs. Les paysans outrés par cette pratique accusent ouvertement le régime en place, notamment le ministre de l’Agriculture, celui du Commerce et la Sonacos d’être complices de cette situation car ne comprenant pas qu’après la fixation du prix officiel du kg d’arachide, une société nationale puisse se permettre de l’enfreindre. Ce sans que les autorités, y compris celles territoriales, ne réagissent. Pour se faire entendre, les paysans promettent de voter contre le régime lors des locales et prédisent une famine dans la zone rurale. Une campagne arachidière désastreuse et irréversible si l’on se fie aux producteurs d’arachide qui parlent de fiasco qui frappe tout le pays.
Une chose est sûre. La campagne arachidière est très mal partie aussi bien dans le bassin arachidier que dans toutes les autres régions du pays. En effet, l’on se souvient de la fixation du prix officiel du kg d’arachide à 250 frs qui avait même occasionné une vive tension entre les paysans, le ministère de l’Agriculture et la Sonacos. Des producteurs avaient jugé faible ce prix en évoquant la cherté des intrants agricoles.
Bref, le courant ne passait pas entre le régime et ces pauvres agriculteurs qui n’ont que leur terre pour survivre. Finalement, malgré leur désapprobation, le prix a été validé et arrêté à 250 frs. Hélas, depuis le début de la campagne, les prix sont tirés vers le bas par la Sonacos et les opérateurs privés qui achètent à moins de 250 frs le kg d’arachide sur le marché. C’est un secret de Polichinelle d’ailleurs dans le monde paysan. Aucun paysan n’avance le contraire même certaines organisations paysannes taxées à tort ou à raison de rouler pour le régime pour masquer la réalité du terrain. Dans toutes les localités du Saloum, le constat est très amer. Les paysans déplorent une conspiration visant à les dépouiller de leurs productions en les obligeant à les céder à vil prix sans possibilité de refuser.
Pour Tamsir Ndiaye, Sg du syndicat des paysans du Sénégal, cette présente campagne « c’est un échec ». Surnommé « Tamsir Dinguiraye », ce paysan dont le franc parler est connu de tous « refuse d’être amadoué par les autorités qui cherchent à masquer la réalité des champs » et dessine un tableau très sombre de cette campagne.
« La Sonacos achète entre 200 et 230 frs…à la place du prix officiel de 250fr/Kg »
D’après lui, « le kg d’arachide est cédé à 200 frs dans la quasi-totalité des localités du Saloum » et notamment à Ndoffane, Nioro, Kaolack, Kaffrine etc. Il rappelle que ce sont les opérateurs privés chinois qui achetaient d’habitude toutes nos graines à de très bon prix, plus de 350 francs l’année dernière. Hélas, les Chinois sont bloqués par nos autorités qui leur interdisent d’entrer dans la campagne, soutient-il. Tamsir Ndiaye dénonce une machination politique au détriment des paysans et au profit d’une minorité que sont les opérateurs privés stockeurs et l’huiler national, la Sonacos. « Les autorités nous ont laissé seuls avec les opérateurs nationaux qui nous imposent frauduleusement leur prix car le prix plancher c’est 250 frs ». Un prix de 230frs/Kg. Selon notre interlocuteur, la Sonacos est la première à encourager cette pratique frauduleuse qui consiste à baisser les prix, car l’huilier national fréquente le marché parallèle dit « Mbapatt ». C’est dans ces points de vente qu’elle achète en profitant de « la situation financière des pauvres paysans pour les obliger à céder leur graines à de très mauvais prix ». D’où la conclusion de « Tamsir Dinguiraye » : l’Etat, qui a fixé le prix officiel étant le premier à le violer par le biais de sa société qu’est la Sonacos « cela pousse les autres, c’est-à-dire les opérateurs privés, à s’engouffrer dans la même voie ».
« La famine va s’installer dans le monde rural… Cette campagne est pire que celle de la dernière saison… »
« On ne devrait pas bloquer les Chinois qui achètent pratiquement toutes sortes de graines car ayant des unités industrielles qui en ont besoin ». Le pire, c’est que les paysans prédisent la famine. Partout dans la zone rurale de Taïba Niassène, Dinguiraye, Koungueul, Nioro etc… la principale crainte c’est de voir la famine s’installer dans ces zones et même dans d’autres parties du Saloum. Des agriculteurs interrogés pensent que si les autorités ne les appuient pas financièrement ce sera la catastrophe puisque, selon eux, « les greniers sont déjà presque vides, du fait des spéculateurs qui nous obligent à vendre à vil prix nos productions car ils savent que nous sommes confrontés à des difficultés de la vie courante ».
Nos interlocuteurs rappellent que, cette année, les récoltes sont très faibles aussi bien en qualité qu’en quantité. Il s’y ajoute que, en l’absence des Chinois, la Sonacos n’a pas les moyens financiers d’acheter les milliers de tonnes d’arachide produites par les paysans. D’ou, selon ces paysans, cette arnaque qui consiste à afficher officiellement le prix de 250 frs alors qu’elle achète en réalité les graines entre 200 et 230 francs le kilogramme. Ils soutiennent que « le président de la République et son régime ne se soucient pas des paysans puisqu’actuellement, ils sont laissés seuls face aux acheteurs véreux qui les écrabouillent.
Et pire, que ni le ministère de l’Agriculture, ni les autorités territoriales n’ont réagi par rapport à cette situation. Pourtant, nous les avons alertés. ». Selon Mouhamed Kéba Sokhna, Sg du Syndicat national des agriculteurs, éleveurs, et maraichers du Sénégal, si la Sonacos se permet d’acheter l’arachide à ce prix, « c’est parce que le régime le veut ainsi ». Et d’ajouter que « lors de notre rencontre préparatoire de la campagne, ces autorités, avec en tête la Sonacos et le ministère de l’Agriculture, ont voulu nous imposer ce qu’on appelle « une campagne à trois vitesses » qui consiste à laisser la Sonacos, puis les opérateurs sénégalais sur le marché d’abord et après ouvrir le marché international. Ce que nous avions refusé ».
D’ailleurs, signale Kéba Sokhna, il a été entériné que la campagne devait s’ouvrir à la même date pour tout le monde. Mais, contre toute attente, a –t-il déploré, « le ministère de l’Agriculture et la Sonacos nous ont trahis en fermant la porte aux Chinois ». C’est ce qui a, selon lui, constitué la principale cause de cet échec de la campagne qui est nationale.
L’ÉCHEC DE LA CAMPAGNE EST D’ENVERGURE NATIONALE
A preuve, même la Casamance n’est pas épargnée. Les producteurs de cette partie du Sénégal n’ont rien vendu depuis de début de cette campagne. Du moins pour ce qui est des graines destinées au bassin arachidier puisque c’est la localité qui polarise le taux d’échanges commerciaux le plus élevé avec des centaines de camions par jour qui quittaient la Casamance pour la zone centre. A cette période, indique, « Tamsir Dinguiraye », on achetait de la graine décortiquée en Casamance que l’on vendait aux opérateurs, avec des centaines de camions quittaient la Casamance pour le Saloum mais cette année, pas un seul camion car le prix de l’arachide a chuté. Ce qui montre que le phénomène est global. Revenant sur la problématique des semences, Kéba Sokhna rappelle qu’elles ont été subventionnées à hauteur de 100 frs sur les 300frs. Ce qui veut dire que le paysan achète à 200frs. C’est bien beau mais…l’on se rend compte que le Kg d’arachide est cédé à 200 frs présentement à la Sonacos. « C’est de l’arnaque ca » lance-t-il et d’enchainer qu’en vérité, c’est encore pire puisque « le gouvernement n’a jamais donné de semences aux paysans mais il nous donne de l’argent pour nous en procurer. Actuellement, on a un problème de semences pour l’année prochaine au vu de la mauvaise qualité des récoltes due au manque d’engrais dont est responsable le ministère de l’Agriculture car c’est à lui de nous livrer ce produit ». Conséquence, le monde paysan ne trouve d’autre stratégie de riposte que de boycotter Benno Bokk Yakaar (BBY) lors des locales à venir pour se faire enfin entendre. Surtout que, selon Kéba Sokhna, les paysans représentent plus de la moitié de l’électorat du Saloum. En adoptant cette stratégie, ces paysans espèrent que leur cri du cœur sera entendu…