LES PETITES ASTUCES DE L’ADMINISTRATION DENICHEES
Dans son rapport de 2017, publié jeudi dernier, l’Autorité de Régulation de Marchés Publics (Armp) a révélé de nombreuses incongruités dans les procédures de passation des marchés publics

Dans son rapport de 2017, publié jeudi dernier, l’Autorité de Régulation de Marchés Publics (Armp) a révélé de nombreuses incongruités dans les procédures de passation des marchés publics. une occasion pour l’organe de contrôle de dénicher certaines astuces utilisées par l’Administration pour contourner les règles établies.
Ils sont nombreux, les établissements administratifs et autres départements ministériels épinglés par l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) dans son rapport de 2017 rendu public jeudi dernier. Pour la plupart, ce sont les mêmes astuces utilisées pour contourner ou violer les procédures de passation des marchés publics. Après une lecture approfondie du document des missions de vérification, «L’As» est en mesure de révéler certaines techniques utilisées par les agents de l’Administration en complicité avec certains soumissionnaires pour attribuer les marchés à des personnes connues à l’avance. Mais également, des stratagèmes de certains départements ministériels pour épuiser à leur guise les budgets qui leur sont affectés. Prenant l’exemple du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2017, il est relevé dans les observations générales du cabinet «Business system Consulting goup» qui a effectué le travail d’audit qu’un nombre important de marchés passés par Demande de renseignement de prix à compétition restreinte (DRP-CR) ou par Demande de renseignement de prix simple (DRP-S) à quelques jours de la date limite de clôture des engagements indiqués par lettre circulaire du ministère de l’Economie des Finances et du Plan portant clôture des opérations budgétaires de la gestion 2017. «Ces marchés ont été pour la plupart attribués pour des montants soient rigoureusement identiques aux reliquats sur les lignes budgétaires concernées avant les engagements en objets ou à des montants légèrement en dessous desdits reliquats », lit-on dans la note du cabinet. Poursuivant, il indique que cette pratique vise à consommer intégralement les montants budgétés pour que les soldes ne soient pas reversés en fonds libres. Une illustration d’une mauvaise planification des achats d’un manque d’efficacité dans la mise en œuvre des processus d’acquisition, précise le cabinet Business system Consulting Group. Il s’y ajoute, dit-il, que des signes de collusion ont été identifiés dans plusieurs DRP-CR et de DRP-S en violation des principes de transparence et de saine lise en concurrence des candidats.
LES MINISTRES DES SPORTS ET DE L’EDUCATION NATIONALE PRIS DANS LEURS MANŒUVRES
Pour ce qui est du ministère de l’Education nationale (MEN), de nombreux manquements ont été également relevés. Il en est ainsi du projet de réfection, d’aménagement de locaux du MEN attribuée à Saphir Groupe pour un montant de 17.700.000 Fcfa TTC. «L’examen du dossier nous a permis de constater que toutes les factures se ressemblent avec les mêmes fautes aux mêmes endroits (décoraif (décoratif) ; étagaires (étagères) ; lammelles (lamelles)). Les offres sont présentées de la même manière par les soumissionnaires laissant entrevoir qu’elles ont été produites par la même source ou par des sources liées. Ce qui dénote une collusion entre fournisseurs, en violation du principe de transparence des procédures édicté par l’article 24 nouveau du COA. » Toujours concernant le MEN, il a été révélé que des soumissionnaires ont eu à se déclare avec le même numéro de téléphone ; sans compter des sociétés gérées par les mêmes personnes. En ce qui concerne le ministère des Sports, le cabinet Grant Thornton qui a procédé au travail de vérification a attiré l’attention sur l’organisation d’un séminaire sur «l’économie des loisirs» attribué à la société «MA & LENA» pour un montant de quatre millions neuf cent quatre-vingt-dix-sept mille trois cents (4 997 300) francs CFA TTC. Toutefois ce qui parait bizarre pour le cabinet c’est que toutes les offres sont présentées de la même manière et prévoient deux (02) pause-café alors que les Tdrs en indiquent une (01) seule. – Aussi, le détail du KIT des participants est le même sur toutes les factures alors qu’il n’a pas été indiqué sur les Tdrs. Toujours aux ministères des Sports, le cabinet s’est focalisé sur l’organisation d’un autre séminaire sur les marchés publics attribué à la société MORA MULTISERVICES pour un montant de trois millions quatre cent quarante-cinq six cents (3 445 600)francs CFA TTC. Le cabinet a pu conclure après contrôle que les domaines d’activités des entreprises présélectionnées n’ont rien à voir avec l’organisation d’atelier ou de séminaire, en violation des dispositions de l’article 3 de l’Arrêté 00107 du 7 janvier 2015 relatif aux modalités de mise en œuvre des procédures de DRP pris en application de l’article 78 du code des marchés publics. Enfin, le cabinet s’est focalisé sur l’avenant n°1 au marché d’Acquisition d’équipements sportifs a été souscrit avec MORA MULTISERVICES pour un montant de 13 637 850 F CFA TTC. A en croire le cabinet, la revue du dossier a permis de relever que la livraison des fournitures a eu lieu le 5 décembre 2017 soit avant même l’immatriculation du marché par la DCMP qui est intervenue le 12 décembre 2017.
LE MINISTERE DE LA SANTE ET LES DEPASSEMENTS BUDGETAIRES
Au ministère de la Santé, des constats spécifiques ont été soulevés en l’occurrence dans le marché relatif à la fourniture et l’installation de groupes électrogènes pour les structures sanitaires du Sénégal. Pour un budget estimé à 130 000 000 FCFA, le marché a été signé pour un montant de 137 899 284 FCFA soit un dépassement budgétaire de F CFA 7 899 284. «Nous n’avons pas eu connaissance de l’attestation d’existence de crédit pour la couverture de ce dépassement », précise le cabinet qui a effectué le travail de vérification. Pour ce qui est du marché relatif à la fourniture et installation de centrales d’oxygène mobiles clés en main au profit des structures sanitaires du MSAS : la livraison a été effectuée le 10 janvier 2018 soit près de 8 mois pour des délais fixés à 45 jours. De ce fait, à en croire le cabinet de vérification, il a été constaté un retard de 6 mois et demi devant ouvrir droit à des pénalités. «Cependant, nous n’avons reçu aucun document relatif à l’exécution financière (preuve de paiement). L’absence de ces preuves de paiement ne nous permet pas de nous assurer de l’application d’éventuelles pénalités en cas de retard de livraison conformément à l’article 135 du CMP », note-t-on dans le rapport 2017 de l’ARMP.
SNHLM EPINGLE POUR DEFAUT D’EXECUTION DE SES MARCHES
Au niveau de SNHLM, il est noté qu’il y a des marchés dont l’exécution n’a toujours pas démarré sans que les raisons ne soient communiquées. Selon le cabinet qui a effectué l’étude : «Il s’agit du : Marché relatif aux travaux de construction de 106 logements à SANDIARA pour les montants de 545 001 578 F CFA pour le lot 1 et 469 844 450 F CFA pour le lot 2 ; l’attribution provisoire a eu lieu le 27 avril 2018 et au moment de notre intervention le marché n’est pas encore signé. Aussi, le Marché N° T 1156/18 - DK relatif aux travaux de construction de 100 logements à TAMBA pour les montants de 551 169 653 F CFA pour le lot 1, 534 615 142 F CFA pour le lot 2, 441 833 922 F CFA pour le lot 3 et 486 688 877 F CFA pour le lot 4 ; le marché a été approuvé le 1er juin 2018 pour un délai d’exécution contractuel de huit mois. Au moment de notre intervention en novembre 2018, les travaux n’avaient pas encore démarré. Pour le Marché N° T 0093/18 - DK relatif aux travaux de construction de 08 logements à SOKONE pour un montant de 271 544 512 F CFA, l’ordre de service est daté du 5 mars 2018 pour un délai d’exécution de 6 mois soit, une réception théorique le 5 septembre 2018. Or, au moment de notre intervention, les travaux étaient toujours en cours et, aucune preuve de l’application des pénalités de retard ne nous a été communiquée. »
LE MINISTERE DE L’INTERIEUR CHAMPION DES ENTENTES DIRECTS
En définitive, pour le ministère de l’Intérieur, il est relevé de nombreux dysfonctionnements dans ses différents services. D’abord pour ce qui est de la Direction générale des élections (DGE), l’Acquisition de matériels informatiques, renseigne que les soumissionnaires «PENDA GROUP» et «DIALIBATOUL MOURAKHIB» ont la même boite postale. De plus, leurs factures pro forma et leurs lettres de soumission sont datées le 14/02/2017 avant même l'envoi des lettres d'invitation du 13/03/2017 aux candidats. Le même procédé a été utilisé pour la fourniture de consommables informatiques. Le plus inquiétant, la notification aux fournisseurs retenus et non retenus du 10/03/2017 est antérieure à l'ouverture des plis (21/03/2017) de même que le contrat signé le 27/02/2017. Toujours dans ses astuces pour violer le processus de passation des marchés, un autre service du ministère de l’Intérieur, en l’occurrence la Direction de l’Administration générale et de l’Equipement (DAGE) a été épinglé à travers sa demande de renseignement de prix DRP) sur la «Désinsectisation service des archives» qui s’est révélé douteuse avec des interrogations quant à l’existence de trois fournisseurs qui se sont manifestés. En effet, des incohérences ont été relevées sur les 3 factures pro forma présentées parmi lesquelles une même faute d’écriture sur toutes les trois factures pro forma présentées par les soumissionnaires. Le ministère de l’Intérieur fait partie par ailleurs des champions des ententes Directes fréquemment. En effet, «les ententes directes passées en revue durant la gestion 2017 se chiffrent à 8 880 027 956 F CFA.
L’urgence impérieuse invoquée dans la plupart des ententes directes n’est pas toujours de mise au vu des lenteurs relevées par la suite dans la procédure de passation et d’exécution», lit-on dans le rapport de l’ARMP. Pour ce qui est de la Direction générale des Elections, elle est épinglée dans l’Acquisition de bulletins de vote et de documents de propagande. Le Marché en question a été exécuté avant l’avis de la DCMP sur le projet de contrat. La Direction de l’Automatisation des Fichiers, quant à elle, est épinglée dans un Marché d’acquisition de véhicules avec l’Africaine de l’Automobile pour un montant de 112 000 000 F CFA. En l’espèce, le bon de livraison du 26/04/2017 est antérieur à l’approbation du contrat du 31/05/2017 et à la notification du 13/06/2017.