«L’ETAT DOIT CHANGER DE PARADIGME»
Selon Amadou Methiour Ndiaye, Ingenieur agronome à la retraite, Pour accroitre sa productivité agricole, l’Etat du Sénégal a toujours mis en place des politiques agricoles.

Pour accroitre sa productivité agricole, l’Etat du Sénégal a toujours mis en place des politiques agricoles. Ainsi des milliards ont été injectés dans le secteur pour les semences et le matériel agricole. Malgré cela, le Sénégal peine à atteindre l’autosuffisance alimentaire. Selon l’ingénieur agronome Amadou Méthiour Ndiaye, cela est dû à un manque de volonté politique de la part de l’Etat qui doit changer de paradigme.
«Avant l’indépendance, l’agriculture reposait essentiellement sur la monoculture arachidière. Il n’y avait que l’arachide qui était cultivé au Sénégal. Et la totalité de la production était destinée à l’exportation. Cette monoculture de l’arachide s’est pratiquée durant des décennies et a un peu épuisé les terres. Il a fallu des politiques pour restaurer les sols. Qui plus est, l’Etat a mis en place différentes politiques agricoles et de nombreux programmes se sont succédé dont le projet rizicole de Sédhiou, la Saed. Malgré ces différents programmes, on ne parvenait pas à être autosuffisant en riz et l’Etat continue toujours à importer du riz. Ce qui est paradoxal. Car nous avons de l’eau en quantité suffisante, des semences, des terres à perte de vue, la technicité est là et nous ne pouvons pas nous autosaisir en riz. Idem pour l’arachide. Cela veut dire qu’il y a un manque de volonté politique de la part de l’Etat. On a injecté tellement d’argent dans le secteur et ça n’a pas servi à grand-chose. Le Président Abdoulaye Wade, quand il est venu au pouvoir, a mis ne place le Reva (Retour vers l’agriculture). On a injecté beaucoup d’argent sur ce programme, malheureusement les gens en ont profité pour accaparer les terres. Non seulement les terres n’étaient pas destinées aux ayants droit mais aussi d’autres les ont exploitées à d’autres fins. Avant on avait le service semencier qui était devenu une direction. En ce moment, le capital semencier était de 120 mille tonnes. C’était des semences de qualité, certifiées, homologuées. Mais d’année en année, le capital semencier s’est effrité. Actuellement, ce capital semencier est de 60 mille tonnes difficilement mobilisables. Cela veut dire qu’il y a problème quelque part. Et toujours on continue à injecter des milliards dans l’agriculture pour acheter des semences et du matériel agricole alors qu’on n’a pas les résultats escomptés. Donc, la politique mise en place par les décideurs n’est pas bonne. Soit il faut changer de fusil d’épaule, soit faire table rase sur ce qui existe actuellement. Donc il faut changer de paradigme. Chaque fois que l’Etat met de l’argent dans l’agriculture, non seulement cet argent n’est pas utilisé à bon escient, mais il est dévié à d’autres fins. Cela se répercute sur les productions. On donne également des quotas de semences à certains qui sont des politiciens, marabouts ou autres et ces semences n’arrivent pas à destination chez les paysans. Le nœud du problème, c’est le financement de l’agriculture. Les milliards injectés n’ont pas eu d’impacts sur les productions, sur les revenus des paysans. Donc, ces milliards n’ont jamais servi à rendre le Sénégal autosuffisant que ça soit en riz, en arachide et en céréales d’une manière générale. Je pense qu’il faut revenir à l’orthodoxie et réorganiser les producteurs. Il faut faire revenir les coopératives agricoles pour qu’elles jouent pleinement leurs rôles d’approvisionnement et de commercialisation. Ensuite il faut que le paysan puisse disposer d’intrants de qualité suffisamment à temps et produire et vendre avec un prix rémunérateur. Pour avoir par ailleurs une autosuffisance alimentaire, il aussi maitriser l’eau et avoir des intrants de qualité».