L’INCERTITUDE VA RESTER INTACTE MÊME SI ON PARVENAIT À FAIRE CESSER LES VIOLENCES …
Après plus de soixante-douze heures de manifestations et d’une situation de ni guerre, ni paix, l’activité économique a pris un sacré coup. Emedia a tendu le micro au Professeur Abou KANE, agrégé d’économie, Assesseur (Vice-Doyen) de la FASEG/UCAD

Après plus de soixante-douze heures de manifestations et d’une situation de ni guerre, ni paix, l’activité économique a pris un sacré coup. Emedia a tendu le micro au Professeur Abou KANE, agrégé d’économie, Assesseur (Vice-Doyen) de la FASEG/UCAD pour mettre le curseur sur les impacts de cette crise qui secoue le landerneau sénégalais. Entretien.
Emediasn : Cela fait bientôt 72 heures que tout tourne au ralenti s’il n’y a pas blocage au Sénégal, quel impact cette situation pourrait-il avoir sur l’économie ?
Les violences auxquelles nous assistons depuis jeudi 1er juin auront des répercussions certaines sur l’économie sénégalaise. D’abord parce que la capitale Dakar qui est la ville la plus touchée par ces émeutes concentre plus de 80% des activités économiques du Sénégal, ensuite parce qu’au-delà de l’arrêt ou du ralentissement des activités économiques, des investissements seront reportés à défaut d’être annulés jusqu’après l’élection présidentielle prévue en Février 2024. En effet, l’incertitude va rester intacte même si on parvenait à faire cesser les violences dans les prochains jours. Les destructions de biens publics et privés ont eu une ampleur insoupçonnée qui ne peut pas laisser les opérateurs économiques indifférents. Quant à l’État, il aura à faire des dépenses imprévues pour rétablir certaines infrastructures publiques ; ce qui aura des conséquences au plan budgétaire.
Pr Abou Kane : Quels sont les sous-secteurs qui sont les plus affectés et comment se manifestent les Impacts ?
Les sous-secteurs les plus touchés sont le transport, le commerce et l’éducation car, avec ces violences, beaucoup de routes sont devenues impraticables ou dangereuses et beaucoup de magasins sont fermés soit parce qu’ils ont été pillés, soit parce qu’ils craignent d’être la cible des manifestants. On a aussi constaté la fermeture de la quasi-totalité des écoles et universités du Sénégal. D’ailleurs, certaines universités comme l’UCAD doivent procéder à des réparations très coûteuses et qui prendront beaucoup de temps avant de pouvoir reprendre les activités pédagogiques.
On a vu des infrastructures non encore réceptionnées comme le BRT sérieusement affectées, comment gérer les coûts et autres délais impartis ?
Le BRT va coûter presque 300 milliards de FCFA si l’on inclut aussi bien les contributions de la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement, le Fonds vert mondial pour le climat que celles du Fonds d’investissement français Méridiam (SNCF, RATP et KEOLIS) et du FONSIS.
Le saccage des installations du BRT va non seulement retarder la mise en service initialement prévue en fin 2023, mais entraînera des pertes financières évidentes. Si l’on sait que ces fonds ne sont pas ceux de l’État du Sénégal, il y a de quoi craindre des répercussions sur les délais et/ou les conditions de remboursement puisque le début de l’exploitation va être reporté.
En tant que universitaire, comment appréciez-vous les saccagés orchestrés au niveau surtout des campus pédagogiques ?
Rien ne peut justifier les saccages notés à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Vu l’étendue des dégâts, cela m’étonnerait que ça soit l’œuvre d’étudiants de l’UCAD. Ce qui est désolant, c’est que notre université avait initié un rattrapage infrastructurel remarquable avec des investissements colossaux, mais une bonne partie a été détruite. Sur la plan pédagogique, beaucoup d’établissements de l’UCAD avaient commencé à rétablir le calendrier universitaire mais avec la fermeture des campus pédagogique et social, on risque de perdre tous les efforts qui ont été consentis ces dernières années. C’est regrettable et les responsabilités doivent être situées le plus rapidement possible.