«POURSUIVRE LES REFORMES POUR AMELIORER LA CROISSANCE»
En marge de la réunion trimestrielle du Comité de politique monétaire, le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), Tiemoko KONE a fait face à la presse pour aborder certaines questions de l’heure.

Vous sortez de la réunion trimestrielle du Comité de politique monétaire de la Bceao où vous avez eu à étudier la situation économique de l’Union monétaire ouest africaine. Quel est le tableau que vous en dressez ?
La situation économique de l’Union est bonne. La croissance est toujours au-dessus de 6 % pour une moyenne africaine autour de 3 %. Les activités aussi se portent bien, malgré le fait que nous ayons quelques difficultés sur le plan sécuritaire. Nous avions raison de craindre que cela puisse influencer négativement nos activités économiques. Heureusement que ce ne fut pas le cas. Les activités se portent assez bien et la situation économique et monétaire est bonne, mais il faut continuer à croître la production et à faire de telle sorte que cette situation s’améliore encore plus et permette aux Etats de juguler la pauvreté et d’accroître, de façon sensible, le niveau de vie des populations.
A part la situation sécuritaire, y a-t-il d’autres facteurs qui pouvaient entraver la projection de croissance ?
Les risques sont de différents ordres. A part les risques immédiats dont j’ai parlé, il y a d’autres risques liés à la situation économique mondiale et notamment l’articulation du commerce international qui connaît actuellement quelques difficultés à cause des restrictions qui sont mises sur certains articles de commerce international et sur certains pays. Il est évident que même si nos pays ne sont pas engagés directement dans cette perturbation, nous le ressentirons d’une façon ou d’une autre sur notre commerce.
Quand vous exhortez les Etats de l’Union à « améliorer la situation », cela renvoie à quoi ?
C’est tout simplement l’amélioration de la production, des exportations, du cadre économique parce qu’il y a des réformes qui sont faites par les Etats. Chaque Etat a mis en place un plan national de développement. Ce plan comporte des réformes sur certains secteurs et des améliorations de fonctionnement, je fais référence à tout cela. Si ces réformes se font et que l’activité économique est beaucoup plus active, dans ce cas-là, l’amélioration se ressentira immédiatement. Les taux de croissance, il y a de cela quelques années, étaient de 1 %, aujourd’hui, nous en sommes à 6 %, nous avons été même jusqu’à 7 % à un certain moment. C’est pour vous dire que ce sont les réformes et les mesures prises qui améliorent la croissance économique et l’articulation économique. La monnaie ne fait que suivre ce qu’il y a lieu d’améliorer dans les économies.
Le taux directeur n’a pas changé, qu’est-ce qui l’explique ?
Oui, c’est vrai, les taux directeurs sont maintenus inchangés. Mais il faut voir d’abord les raisons pour lesquelles ces taux sont mis en place. Nous avons conçu et mis à un niveau le plus bas possible le taux de base de la Bceao, c’est-à-dire le taux directeur, pour stimuler la croissance, permettre aux acteurs économiques de bénéficier d’un taux beaucoup plus réduit. C’est vrai que certaines banques n’ont pas répercuté immédiatement ces taux mais, dans la durée, on peut s’apercevoir que les taux de prêt des banques qui étaient de deux chiffres ont nettement baissé. Maintenant, la baisse n’est pas globale pour tout le monde car il y a une question d’appréciation du risque. Mais ceux pour lesquels les banques estiment que le risque n’est pas aussi important, les taux ne sont pas à deux chiffres, ils sont à un chiffre. Cela veut dire que la baisse du taux directeur a eu un impact puisque, de toute façon, les banques se refinancent auprès de la Bceao à un taux beaucoup plus faible et répercutent ce taux. Maintenant, c’est une question d’appréciation. C’est pourquoi nous avons mis en place le Bureau d’information sur le crédit (Bic). C’est pour que les citoyens, les entreprises puissent être inscrits à cette plateforme. C’est une manière d’inciter les banques à leur faire confiance et à leur accorder des crédits à des taux moindres. Mais celui qu’on ne connaît pas, qui ne paie pas ses factures, qui se cache ou qui a un endettement ailleurs, il est évident qu’il est un risque pour les banques et elles ne lui feront pas du crédit. Ce dispositif a été mis en place pour permettre aux banques de mieux connaître leurs clients et de leur permettre de négocier des taux compatibles avec leurs activités. Si cela ne se fait pas, la tendance à la baisse des taux ne se produira pas. L’activité économique ne peut s’accroître que si les gens accèdent à des crédits dont ils ont besoin pour faire fructifier leurs activités. Nous sommes partis d’un peu plus loin en mettant en place une politique d’inclusion financière afin de permettre à tout citoyen de bénéficier d’un compte bancaire pour lui permettre de faire les opérations qu’ils veut. C’est comme cela que nous arriverons, progressivement, à faire de telle sorte que le citoyen puisse bénéficier de l’apport financier qui lui permettra à la fois de faire ses opérations et d’accroître ses activités.
Les taux d’intérêt sont relativement bas dans la zone Uemoa, pourtant on a l’impression que les investissements peinent à décoller. Etes-vous de cet avis ?
Je ne pense pas que les investissements peinent à décoller. Tout dépend des conditions dans lesquelles ces investissements se font. Il y a les investissements publics dans les infrastructures continues. Par exemple, il y a des routes qui sont construites et ce sont des investissements publics. Ce sont ces investissements publics dans les infrastructures qui amènent les opérateurs économiques à s’installer beaucoup plus facilement. Parce que si on s’installe quelque part là où il n’y a ni eau, ni électricité, notre affaire ne va pas prospérer. Non, les investissements ne peinent pas à décoller, peut-être que ce n’est pas au niveau qu’on aurait souhaité.