UN ANCIEN DE LA BAD MET LE CURSEUR SUR LES FAILLES DE L’INSTITUTION
Magatte Wade, maire de Mékhé, a choisi son terroir pour lancer son livre intitulé «La Banque africaine de développement (Bad), réformer la gouvernance face au piège de la pauvreté».

Magatte Wade, maire de Mékhé, a choisi son terroir pour lancer son livre intitulé «La Banque africaine de développement (Bad), réformer la gouvernance face au piège de la pauvreté». Dans ce brûlot, il raconte l'institution financière africaine au fil du temps et explique pourquoi elle n'a pas encore réussi son pari d'éradiquer la pauvreté dans le continent. après avoir jeté un regard critique sur l'institution, il a plaidé pour des réformes sur la gouvernance.
Partir du terroir pour aller à la conquête du monde par les idées, telle est la démarche de Magatte Wade, Maire de la Commune de Mékhé, C'est pourquoi, Docteur Es lettres de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et auteur d'importants travaux de recherche sur l'énonciation et la communication linguistique, expert de développement et ancien fonctionnaire de la Banque Africaine de Développement (BAD), il a choisi l'hôtel de ville de Ngaye Mékhé pour lancer son livre intitulé "La Banque Africaine de Développement (BAD), réformer la gouvernance face au piège de la pauvreté". Dans ce brûlot, il jette un regard critique sur l'institution financière africaine, en racontant la banque au fil du temps, depuis sa création. Ainsi, le livre raconte son vécu professionnel à la Banque Africaine de Développement (BAD) et au sein des institutions de financement à travers le monde.
Selon lui, le constat est que ces institutions, malgré les multiples efforts, les réformes et tout ce qui a été entrepris pour s’ajuster à la lutte contre la pauvreté sur le continent, n’ont pas réussi le pari. Et après ces séries d’ajustements sans atteindre les objectifs, il faut oser aller maintenant vers une restructuration, sur la base d’une nouvelle charte et repartir carrément sur de nouvelles bases. Pour lui, l’ambition des pères fondateurs était que la banque s’arrime au développement de l’Afrique, en vue d’affirmer une identité africaine au lendemain des indépendances. Ce qui a été, au fil du temps ; mais l’objectif qui était de promouvoir le développement économique et social dans les pays africains, pris individuellement ou collectivement, reste encore un vieux rêve. C'est dire qu'après un demi-siècle d’exercice, on est loin d’éradiquer la pauvreté, même si on a financé le développement. Donc de l'avis de l'auteur, la mission des pères fondateurs était noble et il faudrait être dans la ligne de mire de l’axe de développement et des stratégies de ces pères, pour que l’Afrique pense par elle-même, agisse par elle-même, mais tout en s’ouvrant à la coopération internationale. Le monde étant une civilisation planétaire, il faudrait prendre les autres comme des partenaires, mais que le socle de la réflexion stratégique pour notre développement soit fondamentalement africain. En dépit des études qui ont été faites et des financements énormes consentis, la pauvreté reste toujours debout. Il faut donc, à ses yeux, une autre lecture de la pauvreté d’où la nécessité de revoir les paradigmes de son évaluation et essayer de la résoudre en fonction des réalités africaines. Il souligne que le piège est toujours là et on met des dollars en imitant des institutions dirigées par de grands outils et de grands bras extérieurs et c’est pourquoi on n’en sort pas.
La Banque Africaine est prise dans le piège de la pauvreté, parce qu’après une soixantaine d’années, elle n’a pas réussi à l’éradiquer. Lors d’une assemblée générale de la banque en Ouganda, rappelle-t-il, le Président Yoweri Museveni disait: « Chaque année, vous venez avec un slogan sur la pauvreté, il faut maintenant y mettre fin et arrêter les slogans comme « éradiquer la pauvreté », « alléger la pauvreté », sinon nous serons toujours dans la pauvreté ».
D’où l'urgence, d'après lui, d’avoir une autre façon d'aborder les questions de développement et dans ce cadre, il faut que les intellectuels africains soient beaucoup plus déterminés, plus courageux de même que nos dirigeants, sinon l’Afrique continuera à tourner en rond pour ne jamais s'en sortir. Pour lui, le courage, c’est d’avoir une vision propre, enrichie par l’apport extérieur et avoir la maîtrise du guidon de là où on veut aller. Il ajoute : "L’Afrique a toutes les richesses du monde, avec des terres arables, suffisamment d’eau, des énergies avec la disponibilité du soleil, les hommes, il ne reste que des stratégies de développement adaptées à nos réalités, pensées par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Il faut aussi qu’on arrête au niveau de la BAD de tendre la main en mettant fin au Fonds Africain de Développement (FAD). L’argent, c’est le nerf de la guerre, mais si on ne se départit pas de l’aide au développement à travers le FAD, la banque ne sera jamais autonome, ne sera jamais ce qu’on voudrait en faire".
Prenant l’exemple de la pandémie de la COVID19,il soutient que la banque aurait pu financer un très grand centre international de production de vaccins africains, mais elle dira que ce n’est pas de sa mission, mais de celle de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). C’est aussi le cas du virus Ebola, du SIDA et parfois on a même l’impression que ces maladies sont utilisées pour anéantir l’Afrique. De l'avis de Dr Magatte Wade, il y a 25 ans, on parlait de dividende démographique, estimant que la croissance de la population et la croissance économique ne faisaient pas bon ménage et qu’il faudrait réduire la population africaine. Mais l’Inde et la Chine ont suffisamment démontré que c’est faux et qu’on pouvait capitaliser sur les ressources humaines. En ce qui concerne les propositions fortes pour mieux opérationnaliser la BAD, il affirme qu'il faut impérativement alléger la technostructure de l'institution, réformer la gouvernance, arrêter la bureaucratie et que les Chefs d’Etat arrêtent aussi d’influer sur les prises de décisions. "J’espère que mon Président sera le premier à m’entendre. Il faut qu’on ait un Etat fort, ce qui n’est pas seulement une fonction publique forte. Il faut financer le secteur privé pour prendre en charge la problématique de l'emploi dont on parle tant. Seul le secteur privé est pourvoyeur d’emplois et de richesses", déclare le Maire de Mékhé. Et d'ajouter qu'il pouvait bien lancer le livre à Abidjan, Paris, Londres, Dakar, etc., mais son plus grand plaisir est de le faire à Ngaye Mékhé parce qu'il est fils de la localité, imbibé des valeurs du terroir. "C’est ce qui m’a inspiré à réfléchir sur des enjeux que personne n’ose toucher actuellement", conclut-il.