VIDEOUNE GESTION BUDGÉTAIRE PROBLÉMATIQUE
Recrutements massifs de l'ancien régime, projets mal choisis, absence de rationalisation : le réquisitoire de l'économiste Meissa Babou est implacable face à un budget "plombé" par des décisions contestables

Invité sur le plateau de TFM ce mardi soir, le professeur Meissa Babou n'a pas mâché ses mots concernant l'état des finances publiques. L'économiste de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar a livré une analyse sans complaisance des deux rapports d'exécution budgétaire récemment publiés.
Pour Meissa Babou, les difficultés budgétaires actuelles résultent largement de décisions contestables prises par le passé. "C'est pratiquement des dépenses qui sont dues à de mauvais choix très souvent : choix dans le recrutement, choix dans l'endettement, choix dans les projets", a-t-il déclaré, citant notamment le cas du TER (Train express régional) qui "plombe" le budget à hauteur de 5 milliards de FCFA.
L'économiste pointe également les conséquences des recrutements massifs de l'ancien régime. En janvier 2024, soit deux mois avant la présidentielle, 5421 personnes avaient été recrutées, créant une "surcharge budgétaire" qui coûte aujourd'hui "pratiquement 150 milliards par mois" à l'État.
Le diagnostic de Meissa Babou est particulièrement sévère concernant l'organisation administrative actuelle. "Il y a quatre agences qui interviennent pour les PME, il y a trois-quatre agences qui interviennent pour les financements", déplore-t-il, estimant que cette dispersion ne permet pas d'atteindre "l'efficacité recherchée".
L'économiste appelle à une réorganisation profonde : "Il faut revoir même à l'intérieur des ministères parce qu'il y a tellement de chefs, de directeurs qu'on peut quand même rationaliser". Cette rationalisation, qui était pourtant "une promesse" du nouveau régime, tarde selon lui à se concrétiser.
Les chiffres présentés par l'économiste révèlent l'ampleur de la crise. Le déficit budgétaire 2024 s'élève à environ 1600 milliards de FCFA, tandis que les remboursements de la dette ont explosé, passant "de 3000 à 8100 milliards" avec une augmentation de 24% des charges d'intérêt.
Cette situation contraint le gouvernement à faire des choix draconiens. Malgré un taux d'exécution budgétaire de plus de 90%, plusieurs secteurs prioritaires comme la santé, l'éducation ou les infrastructures rurales affichent des sous-consommations. "Il y a des secteurs entiers qui n'ont rien bénéficié du tout comme la culture", souligne Meissa Babou.
L'économiste insiste sur la nécessité de renouer le dialogue avec le Fonds monétaire international, suspendu depuis l'arrivée du nouveau régime. Les investissements publics, réduits à seulement 2,8 milliards de FCFA, témoignent de cette paralysie. "Tant qu'on n'a pas encore réglé ce problème avec le FMI, les projets ne pourront pas démarrer", avertit-il.
Pour Meissa Babou, cette situation explique le ralentissement économique général : "Dans nos pays, le moteur de l'économie c'est l'État et quand l'État n'investit pas mais se met dans des dépenses courantes, effectivement la machine économique est grippée".
L'économiste préconise un retour rapide du partenariat avec le FMI, estimant préférable d'obtenir "1500 à 2000 milliards" de cette institution plutôt que de multiplier les emprunts sur le marché local pour des montants plus modestes.