WANTED, LES PETITES PIECES DE MONNAIE ONT DISPARU DE LA CIRCULATION !
Depuis quelques mois, c’est le parcours du combattant pour avoir de la petite monnaie. Chez les boutiquiers des quartiers, il est fréquent de s’entendre répondre après un achat qu’il n’y a pas de monnaie si on ne demande pas au client de repasser

La rareté des petites pièces de monnaie compromet sérieusement le travail des commerçants, vendeurs à la sauvette et boutiquiers qui sont quotidiennement confrontés à ce problème qui cause souvent de grands problèmes avec les clients désireux de recevoir…la monnaie de leurs pièces. Toutefois si beaucoup d’entre ces commerçants ignorent les raisons de cette pénurie, ils pensent que c’est certainement au niveau des établissements bancaires, notamment la BCEAO, qu’il y aurait une rétention. Pour voir de quoi il retourne, Le Témoin est allé à la rencontre des différents acteurs concernés. Reportage !
Depuis quelques mois, c’est le parcours du combattant pour avoir de la petite monnaie. Chez les boutiquiers des quartiers, il est fréquent de s’entendre répondre après un achat qu’il n’y a pas de monnaie si on ne demande pas au client de repasser. Venu se procurer de quoi faire le thé chez son boutiquier habituel, Alpha a dû y laisser la monnaie de son billet de 1000 francs, le boutiquier lui ayant demandé de repasser plus tard. « Il m’arrive de lui laisser ma monnaie pour 24 heures sans qu’il ne puisse me la rendre. Mais puisqu’on se connait, je n’en fais pas un problème », explique le jeune homme. Alhaji Ba tient une grande boutique au Point E, non loin de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) et près de de la piscine olympique. Même s’il ignore les raisons de la raréfaction de la petite monnaie, il indique que cela est devenu un grand problème pour son commerce. « C’est difficile à expliquer. Nous sommes souvent obligés de remettre toutes les pièces disponibles aux clients et d’aller en chercher aux quatre coins de la ville pour ne pas renvoyer des clients qui rechignent à nous laisser la petite monnaie », fait-il savoir. Un manque de petite monnaie qui entraine souvent de petits conflits, surtout que certains clients, tout en disposant de la petite monnaie, préfèrent souvent remettre des billets dans l’espoir de se faire remettre en retour… des pièces de monnaie ! Ce qui pose de grands soucis à ces boutiquiers à qui on réclame avec insistance la plus petite pièce. « Il m’est arrivé, un jour de me disputer avec un client que j’ai vu sortir un billet de 1000 francs. Et plutôt de me remettre ce billet, il m’a présenté un billet de 5000 francs pour que je lui vende 600 francs de crédit « Seddo » », explique Aladji Ba qui dit faire face très souvent à la récurrence de ces pratiques.
Il est 13h 30 au marché des Hlm 5. Comme d’habitude, ce lieu grouille de monde. A l’entrée d’un magasin, on aperçoit une effigie de Serigne Babacar Sy. Abou Diallo, un grand commerçant de tissu avec une mercerie, pense que cette situation s’expliquerait par une pénurie de petites pièces. « Les banques délivrent plus de billets que des pièces. Ça peut être une des raisons qui fait que les commerçants comme nous n’en disposent plus. Cela ne fait pas notre affaire. Parfois nous sommes obligés de laisser les clients partir faute de petite monnaie. Tout le monde sait qu’un père de famille doit travailler dur pour nourrir sa famille. C’est dommage de laisser partir les clients à cause de manque de petites pièces de monnaie. Pour régler ce problème, j’exhorte les dirigeants et membres de la Banque centrale des Etas de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) de produire plus de pièces pour que la monnaie puisse circuler couramment. Quant aux clients, je leur demande d’être compréhensifs » confie le commerçant Abou Diallo.
Un constat unanime !
Le constat reste général. La monnaie se fait rare dans divers secteurs d’activité. Les agences de transfert d’argent subissent aussi les conséquences de cette pénurie. C’est le cas de la gérante de « Wari » Bineta Guèye. Toute souriante, le teint clair, un téléphone à la main, Bineta était en train d’effectuer un envoi pour un client qui s’est planté devant lui à notre arrivée. Elle tient son service tout près de l’école Manguiers sur l’avenue Cheikh Anta Diop . D’après la demoiselle, la raréfaction des petites pièces de monnaie impacte négativement sur leur travail. « Nous sommes souvent obligés de courir dans tous les sens pour trouver de la monnaie. Mais franchement, c’est la croix et la bannière pour en obtenir. On connaissait une pénurie des pièces de 100, 200 et 500 francs. Mais maintenant, on peut rester des jours sans avoir des pièces de 25 et 50 F. C’est peut - être parce qu’il n y a beaucoup d’argent dans le pays », suppose la jeune gérante.
Venant souvent au secours des boutiques pour la monnaie, les stations services ne sont pas très affectées par cette rareté des pièces. La station de « Puma » qui se trouve après la Direction de l’Enseignement supérieur et de la recherche en est une parfaite illustration. Trouvé en train de ravitailler en carburant une voiture, El Hadj Ndoye, la quarantaine, confirme qu’eux aussi ressentent les effets de cette pénurie même s’ils n’ont pas souvent recours à cet instrument. Dans presque beaucoup de boutiques et autres échoppes de fortune, c’est le même constat. Les petites pièces sont devenues une denrée rare. La situation est pire au niveau des bus Dakar Dem Dikk ou Tata où il est fréquent de voir des receveurs prier des passagers de descendre de ces véhicules de transport en commun. Il n’est pas rare que des bagarres éclatent pour des petites pièces que les receveurs ne peuvent pas rendre à des clients acariâtres. Bref, ayant des effets insoupçonnés, la petite monnaie est souvent à l’origine de disputes qui peuvent virer en de violentes bagarres après que les mots ont fini de voler haut.
La Bceao promet de régulariser la situation début mai
La rareté des pièces de monnaie sur le marché national sera résolue par l’agence nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Interpellé le 03 avril dernier lors de la rencontre entre la Bceao nationale et l'Association Professionnelle des Banques et Etablissements Financiers du Sénégal (APBEFS), le directeur de l’Agence nationale pour le Sénégal, M. Ahmadou Al Aminou LO reconnait que les agents économiques notamment les pharmacies, les grandes surfaces, les boulangeries les sollicitent souvent pour obtenir des devises, des billets et pièces de monnaie pour mener à bien leurs activités. Ce alors que, selon lui, ces agents économiques devaient se tourner vers les banques secondaires. Suite à une concertation ce 03 avril avec l’APBEFS conduite par son président Bocar Sy, M. LO a révélé que la Bceao va approvisionner les banques secondaires début mai. Le directeur de l’Agence nationale de la Bceao, M. Ahmadou Al Aminou Lô estime toutefois que la Bceao a été toujours en rapport avec le système bancaire pour l’approvisionnement de l’économie en billets et en pièces de monnaie. Il appelle cependant à un changement de comportements en incitant les agents économiques à aller vers les cartes bancaires et la monnaie électronique. Les instruments de paiement modernes doivent être privilégiés selon lui. En attendant, une pluie de pièces de monnaie va s’abattre sur nos banques secondaires promet-il.