L’ENTRÉE EN SIXIÈME, LE VERROU QU'IL FAUT GARDER
La réforme éducative divise les experts. Alors que le gouvernement envisage de supprimer l'examen d'entrée en sixième, Dr Abdoulaye Diouf plaide pour son maintien, estimant que cette sélection garantit la qualité de l'enseignement moyen

Des voix discordantes commencent à se faire entendre, concernant la réforme envisagée, allant dans le sens de la suppression de l'entrée en sixième. Pour Dr Abdoulaye Diouf enseignant- Chercheur, titulaire d'un master 2 en Recherche et Changement éducatif, supprimer cet examen équivaut à faire sauter le verrou indispensable pour la sélection des apprenants aptes à suivre des études moyennes au collège.
«Le Rubicon est une rivière qu’on ne franchit jamais deux fois, c’est pourquoi, j’attire l’attention des décideurs, Rédacteurs et Concepteurs de curriculums et de syllabus, à faire marche-arrière concernant la suppression de l’examen d’Entrée en 6e, un verrou indispensable pour la sélection des apprenants qui ont fait montre de leur aptitude à suivre des études moyennes au Collège».
C’est l’avis de Dr Abdoulaye Diouf, Enseignant chercheur, titulaire d’un Master 2 en recherche et changement éducatif, s’exprimant sur le projet de suppression de l’entrée en sixième dans le système éducatif. Pour lui, l’heure ne doit pas être à la suppression de l’entrée en sixième, au contraire, il faut le maintenir et axer l’attention sur une formation de qualité à l’élémentaire, pour espérer avoir de bons produits au collège comme au secondaire. «Réformer c’est bon, si cela donne de la valeur ajoutée ou de la plus-value», a-til ajouté.
Poursuivant sa radioscopie de la situation de cet examen qui ouvre aux élèves de l’élémentaire les portes de l’enseignement moyen, il souligne que l’école sénégalaise a subi d’importants dégâts et sacrifices, par le biais de politiques rétrogrades, et d’un pilotage à vue, avec l’arrivée des «ailes de dinde», des vacataires, des volontaires et pire, du fameux quota sécuritaire. Il note que «cette école, naguère crédible et motivante, permettait déjà à des titulaires du Certificat d’études Primaires et élémentaires (CEPE) de devenir des instituteurs très bien formés, avec un niveau de culture générale qui dépasse celui des actuels diplômés de Master 2». Ne serait-ce que pour cette raison, il est d’avis qu’il urge de revoir la copie, en laissant dans le système l’examen d’entrée en sixième, qui a d’ailleurs déjà subi plusieurs mues, passant du statut d’examen au statut de concours.
A l’en croire, la mise en application d’une telle réforme pourrait avoir des répercussions terribles sur le niveau des apprenants, qui sont déjà devenus moins performants et moins autonomes dans leur processus d’apprentissage à l’école. Suffisant pour qu’il martèle que pour une école de qualité, l’heure est à la consolidation et à la fortification de l’examen d’entrée en 6ème d’une part, et d’autre part, de faire revenir la première partie du Baccalauréat au secondaire afin que les produits formés soient aptes à évoluer dans notre système éducatif. «Après plus d’un quart de siècle passé du Moyen au Supérieur en passant par le secondaire, j’ai vu la grande difficulté qu’éprouvent les élèves et étudiants pour fournir un travail intellectuel d’un certain calibre et ce, compte non tenu des nouvelles inventions technologiques qui sont à leur portée au moment où nous faisions à l’époque le tour des différentes bibliothèques, pour avoir un livre à lire, un dictionnaire pour traduire un mot ou une expression. Aujourd’hui, il suffit d’un clic, pour avoir tout à portée de main, il suffit de passer par Google traducteur pour traduire l’exercice ou la leçon qu’on veut», a-t-il argumenté.
D’après lui, l’opinion est plus favorable au maintien de cet examen qu’à sa suppression, d’après les échos qui viennent de beaucoup de pédagogues. «Non, il ne faut pas franchir le Rubicon, car nous avons l’un des systèmes éducatifs les plus performants de l’Afrique Occidentale Française. En revanche, si on n’y prend garde en opérant certaines réformettes, nous serons relégués aux musées des archaïsmes et par conséquent, notre système éducatif prononcera son oraison funèbre et j’avoue que ce serait la pire des choses au moment où notre système a déjà pris un bon envol. Donc, maintenons le statu quo», a-t-il par ailleurs expliqué. Il précise qu’une équipe qui gagne, on ne la change pas, mais aussi un examen comme l’entrée en 6e, on ne saurait le supprimer à l’aune de sa sélectivité, qui est gage d’une vitalité réelle de notre système éducatif. «Halte ! Comme, le Rubicon ne se franchit qu’une seule fois, maintenons une bonne fois pour toutes l’Entrée en sixième et faisons revenir en plus l’examen de la Première partie du Bac pour avoir une école de qualité et des apprenants capables de se mouvoir dans n’importe quel système, fût-il européen ou américano-canadien», a-t-il conclu.