BABACAR DIOP INVITE CHEIKH OUMAR HANN A LA PRUDENCE
La décision du ministre de l’Enseignement Supérieur, Cheikh Omar Hann, de mettre en place une plate-forme numérique pour permettre aux étudiants de suivre les cours à distance, continue de susciter de vives réactions dans le milieu universitaire.

La décision du ministre de l’Enseignement Supérieur, Cheikh Omar Hann, de mettre en place une plate-forme numérique pour permettre aux étudiants de suivre les cours à distance, continue de susciter de vives réactions dans le milieu universitaire. Après les présidents des Amicales des facultés, c’est au tour du Pr Babacar Diop, enseignant chercheur à l’ucad, de fustiger le système d’enseignement à distance. Pour lui, ce système ne s’improvise pas et avec la logique du ministre, on risque de sacrifier les étudiants.
Les présidents des Amicales des Facultés ne resteront pas seuls dans leur combat contre les propositions de leur ministre tutelle, Cheikh Omar Hann. Ce dernier avait annoncé lors de sa dernière sortie la mise en place d’une plateforme numérique permettant aux étudiants de suivre leurs cours à distance.
Le Pr Babacar Diop, enseignant chercheur à l’Ucad, qui les rejoint dans leur combat, soutient que le système de l’enseignement à distance ne s’improvise pas. Et si on devait suivre la logique du ministre, les étudiants risqueraient d’être sacrifiés.
Dans une lettre adressée au ministre de l’Enseignement supérieur, le Pr Diop souligne que la mise en œuvre de ce système pose d’énormes conditions comme celui de l’accès à l’Internet. «Lequel, dira-t-il, constitue un sérieux problème pour des milliers d’étudiants, sans connexion, ni tablette, ni ordinateur ».
De plus, il rappelle que le rapport 2018 de l’Indice de développement des Technologies de l’Information et de la Communication place le Sénégal à la 142e place sur 176 pays. C’est dire, soutient-il, que « le niveau actuel d’intégration de la technologie de l’Information et de la Communication dans l’éducation (TICE) est encore trop faible dans notre pays. Il souligne en outre que l’enseignement en ligne tel qu’il fonctionne actuellement laisse des milliers d’apprenants en rade. « De ce fait, poursuit-il, les victimes de la situation qui cherchent à faire entendre leur voix doivent être reconnues et intégrées, sinon nous aurons une Université publique à double vitesse ».
Le Pr Babacar Diop d’avertir pour dire que cette situation risquerait de causer un abandon massif chez les étudiants, parce que « enfoncés dans le découragement, le laisser-tomber, voire le désespoir ». Pour éviter d’en arriver là, il appelle le ministre à corriger les inquiétudes et inégalités que subissent les étudiants à travers cette plateforme qui risque de n’être favorable que pour certains étudiants. Car, selon lui, la situation au sein de nos universités favorise une fracture pédagogique entre étudiants favorisés, ceux qui ont accès à Internet et étudiants défavorisés, ceux qui n’ont pas accès à Internet. « Alors que les victimes de la fracture numérique ont les mêmes droits que les autres », s’indigne, très amer, le Professeur de philosophie à l’Ucad. Il trouve, dit-il, que « la volonté de vouloir exclure une catégorie d’étudiants à l’accès aux contenus pédagogiques est une violation flagrante du principe d’égalité des chances ».
C’est pourquoi le Maître de Conférences titulaire de rappeler au ministre ses responsabilités d’accompagner tous les étudiants à accéder aux contenus pédagogiques afin d’éviter toute discrimination. « Nous savons que dans le Sénégal d’aujourd’hui, la connexion coûte trop cher et certaines localités ne sont pas couvertes par le réseau Internet», signale-t-il. Il invite alors les acteurs de l’Enseignement supérieur à s’impliquer tous dans le combat au cas où l’Etat ne prendrait pas les dispositions nécessaires pouvant permettre d’éviter cette disparité. Parce que, souligne-t-il, «ils doivent être conscients que les inégalités d’ordre pédagogique sont inacceptables dans une société comme la nôtre, car elles confinent des couches sociales entières dans une pauvreté permanente ».
Le Pr Diop de rappeler par ailleurs que la Concertation nationale sur l’Avenir de l’Enseignement supérieur de 2013 avait pourtant fortement recommandé à l’Etat de mettre la technologie de l’Information et de la Communication dans l’éducation (TICE) au cœur du système universitaire. Malheureusement, constate-t-il, aucune mesure n’a été prise pour mettre en œuvre cette recommandation.